Le Colorado à Rustrel (Vaucluse) - Crédit photo Mireille GRUMBERG, Communes.com

Les Ocres Provençales

En vacances ou de passage dans le Vaucluse, prenez le temps de faire étape dans la petite ville de Rustrel afin de découvrir l’un des plus insolites paysages de France.
Cette région surnommée le Colorado provençal se caractérise par l’originalité et la beauté de ses anciennes carrières d’ocre à ciel ouvert.
Façonnés par l’homme et par l’érosion, les ocres de Rustrel offrent un spectacle inoubliable.

A l’origine, il y avait la mer …

Au cours du Crétacé, une période géologique qui succède au Jurassique et qui s’étend de 145 à 66 millions d’années avant notre ère, le supercontinent Pangée comprenant la quasi totalité des terres émergées de la planète poursuit sa dislocation entamée à la fin du Permien.
Ce mouvement entraîne la création de rifts et bouleverse la configuration des terres. Les continents se séparent et s’éloignent les uns des autres. L’apparition de nouveaux océans provoque un important changement climatique et environnemental. De nouvelles espèces animales et végétales voient le jour.
A cette époque, la planète est secouée par une forte activité volcanique à l’origine d’un réchauffement des températures. Ce phénomène explique la découverte de fossiles de dinosaures et de plantes habituées à la chaleur dans des régions proches des pôles qui ne sont pas recouverts de glace en permanence.
Ces mouvements donnent naissance à des chaînes de montagnes sous-marines et provoquent par conséquent une élévation du niveau des mers. Approximativement un tiers des terres actuelles est alors sous l’eau.

Lorsque ces eaux commencent à se retirer vers la fin du Crétacé inférieur, il y a approximativement 110 millions d’années, elles laissent notamment apparaître des roches sédimentaires calcaires perméables, à la texture tendre et fine. Ces roches crayeuses contiennent des coccolithes, microscopiques plaques de carbonate de calcium protégeant des algues planctoniques, mélangées à des minuscules animaux marins et parfois des silex, de l’argile, de la dolomie ou du mica. Les falaises d’Etretat ou le tuffeau blanc exploité dans la Loire sont des exemples représentatifs de la formation de ces craies.

Dans certaines régions comme la Provence, des roches sédimentaires détritiques d’origine minérale ou organique (grès, sables, coquilles, …) se sont déposées sur une couche de marne, mélange de calcaire et d’argile. Cette argile particulièrement riche en fer appelée « glauconie » est de couleur verdâtre.

Or, au Crétacé, le mouvement des plaques tectoniques fait remonter l’ensemble de ces dépôts marins à la surface alors que le climat est de type tropical. En émergeant, les roches sédimentaires se durcissent et forment une « cuirasse latéritique » rouge à brune, caractéristique des sols riches en fer ou en alumine. Si elles sont courantes en Amérique et en Afrique, elles sont plus rares en Europe.

Les ocres sont le résultat de la dissolution de la glauconie et de la libération de ses atomes de fer qui ont subi une oxydation. Les différences de proportions entre le fer et le sable blanc contenus dans les ocres ainsi que la présence éventuelle d’autres minéraux ont donné naissance à une gamme chromatique étendue.

Cette explication retrace l’histoire des ocres qui ont fait la renommée du Vaucluse. Si vous êtes d’humeur plus romantique, vous préférerez peut-être croire la légende qui raconte que la terre s’est teintée de rouge lorsque la dame de Roussillon, Sermonde, s’est jetée dans le vide après avoir appris qu’elle avait mangé le cœur de son amant tué par son époux jaloux.

Histoire de l’extraction de l’ocre

En France, plusieurs départements possèdent des gisements de sables ocreux. Ils ne sont cependant pas vraiment exploités avant la fin du 18ème siècle, lorsque Jean-Etienne Astier, originaire de Roussillon, a l’idée de laver ces sables afin de récupérer l’ocre, pigment naturel ne présentant aucune toxicité.
En réalité, ces pigments étaient déjà utilisés par les hommes préhistoriques pour réaliser les peintures pariétales.

Très vite, l’exploitation des ocres du Vaucluse devient l’une des principales ressources économiques de la région. Extraire les sables dans les carrières à ciel ouvert est un travail relativement facile et les gisements semblent inépuisables, certaines veines pouvant atteindre l’épaisseur de 15 mètres.
A l’époque industrielle, une partie du processus devient mécanique ce qui permet d’intensifier le rendement.

Et à Rustrel ?

Cependant, les gisements de Rustrel ne sont pas immédiatement exploités car des industriels s’étaient lancés dans une autre aventure au début du 19ème siècle, la transformation du minerai de fer.
En effet, dans les années 1830, un contremaître de la mine de Lagnes découvre la présence de minerai de fer dans les hauteurs du village. Aidé par un entrepreneur, il décide d’implanter une usine sidérurgique. Les deux compères achètent un grand nombre de terrain ce qui n’est pas sans alerter le notaire d’Apt qui commence lui aussi à s’intéresser au fer de Rustrel.
En quelques années, deux usines baptisées Usine du Bas et Usine et du Haut sont construites, mises en exploitation et …. déclarées plusieurs fois en faillite. Cet échec cuisant est la conséquence d’une qualité médiocre du métal, d’un coût de transport trop élevé et de la concurrence des sidérurgies lorraines et britanniques.
L’Usine du Bas est fermée en 1865 et celle du Haut en 1887 après une vaine tentative de reconversion en aciérie. Dix ans plus tard, la ligne de chemin de fer reliant Apt et Cavaillon qui aurait pu sauver ces entreprises est enfin mise en circulation.

Fort heureusement, l’ocre vient au secours des habitants de Rustrel, l’exploitation d’une première carrière a en effet commencé en mars 1885. En réalité, plusieurs petits chantiers avaient déjà été ouverts depuis une quinzaine d’années mais sans réelle organisation du travail. Le manque de réglementation provoquait régulièrement des disputes et des accidents.
Le premier ocrier originaire de Rustrel est Jean Allemand surnommé « Jean de l’Ocre ». Il est probable qu’il avait transformé l’équipement d’un ancien moulin à farine et de l’Usine du Bas qui avait déjà fermé ses portes afin d’extraire l’ocre des sables.
Le village connaît un véritable âge d’or à la fin du 19ème siècle et durant la première moitié du 20ème siècle. Au plus fort de cette période bénie, une vingtaine de gisements sont ouverts simultanément. De plus, de nombreux habitants ont vendu des morceaux de terrain aride à prix d’or à des entrepreneurs.

Malheureusement, l’invention de colorants synthétiques qui garantissent une plus grande régularité dans les teintes obtenues conjuguée à la Grande Dépression des années 1930 marquent le début du déclin de l’ocre. En quelques années, la production de ces pigments naturels est quasi abandonnée.

A l’heure actuelle, la dernière carrière d’ocre en exploitation est située à Gargas. Les sables sont traités de manière traditionnelle dans l’usine de la « Société des Ocres de France », à Apt, depuis 1901.

Le traitement de l’ocre

L’ocre, ce précieux pigment, ne se trouve pas tel quel dans le sol provençal. Les ocriers doivent extraire les sables et les traiter afin de récolter la poudre.

Le premier travail des ouvriers consiste à briser la carapace durcie par le minerai de fer. Pour cela, ils utilisent des pioches ou de la dynamite. Il existe d’autres techniques d’extraction comme le raclage du sol à l’aide d’une pelle mécanique ou le creusement de galeries dans les parois du gisement ce qui entraîne régulièrement de graves accidents du travail.

Les sables sont ensuite transportés généralement à l’aide de wagonnets sur rail jusqu’au lieu du traitement afin d’être lavés. Cette opération dure plusieurs jours. Dans certains cas, les falaises de la carrière sont arrosées directement in situ.

L’eau provenant des rivières Dôa et Clavon et de différentes sources sert à remplir des bassins créés artificiellement, les « batardeaux ». Elle est ensuite pompée et acheminée à l’aide d’un réseau d’aqueducs et de tuyaux qui serpente un peu partout dans la région. Les pompes qui fonctionnaient à l’origine au bois ou à l’huile ont ensuite été remplacées par des pompes électriques.

Un ruisseau d’eau charriant les sédiments s’échappe des sables abondamment arrosés. Les sables, plus lourds, se déposent sur le fond de ce cours d’eau improvisé tandis que l’ocre continue sa route parsemée de barrages et de filtres jusqu’à un bassin de décantation. Une fois l’eau évaporée, les ocres sont mis à nu et des sillons sont tracés afin de pouvoir les laisser sécher sous forme de briques. Celles-ci sont ensuite entreposées en tas dans des abris et sèchent doucement pendant tout l’été avant d’être vendues en tonneaux.

L’utilisation de l’ocre

Durant la préhistoire, des hommes emploient des pigments dont l’ocre rouge et jaune pour réaliser des peintures rupestres. L’un des exemples les plus célèbres de cette utilisation a été découvert dans les grottes de Lascaux surnommées à juste titre la « Chapelle Sixtine de la préhistoire ». Les premières figurines et fresques en bas-relief sont elles aussi parfois recouvertes d’ocre.
Il est probable que ce pigment était déjà utilisé comme peinture corporelle comme cela a été le cas, ultérieurement, dans les civilisations primitives africaines ou amérindiennes. Ces peintures servaient de protection contre les insectes et les rayons du soleil mais pouvaient également avoir une signification rituelle.

Petit à petit, les propriétés de l’ocre sont reconnues. Les Égyptiens l’utilisent comme produit cicatrisant et pour l’embaumement afin de mieux préserver la peau. Cette technique est reprise également par les tanneurs.

Lorsque Jean-Etienne Astier parvient à séparer l’ocre du sable, il devient un pigment précieux qui s’exporte aux quatre coins du monde. 40.000 tonnes d’ocre sont produits chaque année dans le Vaucluse entre les deux guerres mondiales.
L’ocre est alors utilisé dans de nombreux domaines, notamment artistiques, alimentaires et cosmétiques. Sa vingtaine de nuances allant du jaune au rouge et l’absence de toxicité permettent des usages multiples.

A la découverte des ocres du Colorado provençal

A l’heure actuelle, une dernière usine exploite encore les ocres de la région d’Apt. Parallèlement, un conservatoire des ocres a ouvert ses portes à Roussillon afin de préserver le patrimoine régional et de perpétuer le savoir-faire des ocriers.

Il est intéressant de comprendre les techniques d’extraction et de transformation des sables ocreux avant de découvrir le site d’exploitation et son paysage à nul autre pareil.

Le Conservatoire des ocres et de la couleur est implanté depuis 1994 dans les anciens locaux de l’usine d’ocre Mathieu qui a été en activité de 1921 à 1963. C’est la société coopérative d’intérêt collectif Ôkhra qui est chargée de sauvegarder et de promouvoir le travail des ocriers du Vaucluse par la pratique et la visite de l’usine.
De nombreux documents et objets ainsi que des œuvres d’art sont rassemblés dans ce lieu qui propose également des expositions temporaires, des ateliers et des stages d’initiation ou professionnels (sur réservation).

En pratique :

  • le conservatoire se visite en compagnie d’un guide (la durée de la visite est approximativement de 50 minutes) et est ouvert
    • tous les jours (sauf le 1er janvier) sur rendez-vous en janvier
    • tous les jours de 10 à 13 hr et de 14 à 17 hr en février et mars
    • tous les jours de 10 à 13 hr et de 14 à 18 hr en avril, mai et juin
    • tous les jours de 10 à 19 hr en juillet et août
    • tous les jours de 10 à 18 hr en septembre et octobre
    • tous les jours (sauf le 25 décembre) de 14 à 17 hr en novembre et décembre
  • le conservatoire est accessible aux personnes à mobilité réduite

Ôkhra
Usine Mathieu
R D 104
84220 Roussillon
Tel : 04 90 05 66 69
Site web : http://okhra.com

Les mines de Bruoux vous entraînent au cœur même d’un gisement d’ocre, à Gargas. La visite consiste en un parcours de 650 mètres dans ces anciennes carrières qui comptent au total une quarantaine de kilomètres de galeries d’une hauteur vertigineuse.

En pratique :

  • la visite est toujours faite en compagnie d’un guide et il est fortement recommandé de réserver l’entrée en raison du nombre limité de personnes. La durée de la visite est approximativement de 50 minutes. Sur demande, un visioguide en 5 langues est disponible.
  • Il est recommandé de se munir de bonnes chaussures de marche et d’un vêtement chaud, la température dans les galeries est seulement de 10 degrés.
  • Le site est ouvert :
    • tous les jours de 10 à 18 hr de la mi-février à la mi-novembre
    • en juillet et août, ouverture jusqu’à 19 hr.
  • Si vous séjournez dans le Lubéron, vous bénéficiez de tarifs réduits pour visiter sept sites incontournables de la région, notamment le Conservatoire des ocres et de la couleur.
  • Le site est accessible aux poussettes et aux personnes à mobilité réduite (possibilité de réserver un fauteuil roulant).

    Mines de Bruoux

    1434 Route de Croagnes
    84400 Gargas
    Tel : 04 90 06 22 59
    Site web : https://www.minesdebruoux.fr/mines-de-bruoux-site-ocrier-du-luberon/

Le Sentier des Ocres vous permet de découvrir toute la beauté d’un paysage à la fois érodé par le temps et façonné par l’homme qui a exploité les ressources naturelles du site pendant plus d’un siècle. Des cheminées de fées à la chaussée des géants, vous découvrez un univers haut en couleurs !

En pratique :

  • Les visiteurs ont le choix entre deux parcours ( 1/2 heure ou 1 heure). Afin de découvrir le site et de comprendre son histoire, des panneaux explicatifs jalonnent le sentier.
  • Le site est ouvert tous les jours sauf en janvier, durant la première quinzaine de février et le 25 décembre mais est susceptible d’être fermé à tout moment en cas de mauvaises conditions météorologiques (orages, pluies violentes..)

Office de Tourisme
Place de la Poste
84220 Roussillon
Tel : 04 90 05 60 25
Mail : info@ot-roussillonprovence.fr
Site web : http://otroussillon.pagesperso-orange.fr

En visite dans la région

Après avoir visité les mines et carrières d’ocre ainsi que le conservatoire, prenez le temps de flâner dans le petit village de Roussillon aux rues bordées de façades aux belles couleurs … d’ocre.
Car oui, l’ocre qui a fait sa renommée est omniprésent dans la petite cité.

A Apt, vous pouvez également visiter le show-room de la Société des Ocres de France, dernière usine exploitant les ocres du Vaucluse, sans discontinuité depuis 1901.

Usine de la Société des Ocres de France
200 Chemin des Ocriers
84400 Apt
Tel : 04 90 74 63 82
Site web : http://www.ocres-de-france.com

A Rustrel, au détour du chemin, vous découvrirez les vestiges des anciennes usines de traitement du minerai de fer.
Le dernier bâtiment de l’usine du Bas qui servait autrefois de logements aux ouvriers a été transformé en ferme située sur la route d’Apt.
Près du camping du Colorado, les ruines de l’Usine du Haut et de ses hauts fourneaux ainsi que la chapelle Notre-Dame des Anges semblent attendre le retour des travailleurs.

Le château médiéval de Lourmarin, agrandi durant la Renaissance a été sauvé de la destruction et restauré dans les années 1920.
Ce château meublé est ouvert tous les jours sauf les 25 décembre et 1er janvier. Des concerts sont organisés durant l’été (sur réservation).

Château de Lourmarin
24 Avenue Laurent Vibert
84160 Lourmarin
Tel : 04 90 68 15 23
Mail : contact@chateau-de-lourmarin.com
Site web : http://www.chateau-de-lourmarin.com

La distillerie de lavande Les Agnels se visite en compagnie d’un guide de novembre à août. La visite dure en moyenne 1 heure.
Il est également possible de visiter les champs de lavande et d’assister à la récolte du 15 juillet au 20 août (approximativement). Cette visite dure en moyenne 2 heures.

Distillerie Les Agnels
Route de Buoux
84400 Apt
Tel : 04 90 04 77 00
Mail : contact@lesagnels.com
Site web : https://www.lesagnels.com

Que manger dans le Vaucluse ?

Le Vaucluse est une région riche en patrimoine naturel et architectural mais également … en gastronomie.
Ne quittez pas le pays sans avoir goûter quelques-unes de ses spécialités et notamment :

  • l’oreillette, une pâtisserie légère et craquante aromatisée à la fleur d’oranger
  • les fruits confits d’Apt
  • les amandes de Provence
  • la confiture de gigérine, une variété de pastèque à la chair verte
  • le miel de lavande
  • la viande d’agneau
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