Château hanté - ©tombud CC0 Creative Commons

Chasse aux sorcières dans le Labourd

Depuis la nuit des temps et dans toutes les civilisations, les hommes ont expliqué par la magie les phénomènes naturels, les grands cataclysmes, les épidémies et en règle général tout ce qu’ils ne parviennent pas à contrôler. Des femmes et – plus rarement – des hommes sont accusés d’être responsables des malheurs qui s’abattent sur une famille ou sur un village, simplement parce qu’il faut désigner un coupable.
Les sorcières sont redoutées mais on les consulte pour connaître l’avenir, pour guérir ou simplement parce qu’on est en litige avec le voisin.

Au fil des siècles, les sorcières sont parfois tolérées et plus souvent craintes mais, au 15ème siècle, elles sont victimes d’une véritable persécution organisée… la chasse aux sorcières est ouverte dans une grande partie de l’Europe y compris en France.

Si vous séjournez au Pays Basque, dans l’ancien fief du Labourd, vous entendrez peut-être encore les cris des femmes brûlées vives sur ordre de Pierre de Rosteguy de Lancre, un magistrat bordelais particulièrement actif dans cette chasse criminelle.

Un peu d’histoire

Afin de mieux comprendre le phénomène de la chasse aux sorcières, il faut la replacer dans son contexte historique.

Durant l’Antiquité, la magie fait partie du quotidien.
En Grèce, l’art de la divination exercé par les oracles permet aux divinités de communiquer avec les humains. L’oracle de Delphes, la Pythie, est certainement l’exemple le plus représentatif de cette croyance. Les prêtres attachés au sanctuaire d’Apollon choisissent eux-mêmes les jeunes filles chargées de transmettre les messages du dieu. A cette époque, magie et religion mais également astrologie sont étroitement liées.
A Rome, la magie est largement intégrée dans la vie rurale et les paysans utilisent des « maléfices » pour chasser les rats des champs ou pour protéger les récoltes des intempéries et des maladies.
Parallèlement, les plantes sont utilisées pour guérir et la magie se rapproche ainsi de la médecine. L’utilisation de ces recettes s’accompagne toutefois d’incantations, de formules magiques et d’amulettes.
De la médication à l’empoisonnement il n’y a cependant qu’un pas que n’hésitent pas à franchir les personnes malintentionnées.
C’est ainsi que le premier procès pour empoisonnement de l’histoire s’ouvre au 4ème siècle avant JC. Près de 200 femmes sont condamnées à mort, jugées coupables d’avoir provoqué une épidémie.
A partir de cette époque, de nombreuses « affaires des poisons » sont mentionnées par les auteurs latins. Les coupables sont presque toujours des femmes.
Pour faire face à ce phénomène, le dictateur Sylla promulgue la « lex Cornelia » qui restreint ou interdit l’usage d’un grand nombre de potions ce qui ne réduit pourtant pas le nombre de cas d’empoisonnements.

A la même époque, la science s’empare de la magie et des études sont réalisées pour expliquer ses manifestations. Dorénavant, la science, la religion et la magie cohabitent en bons termes et concernent désormais toutes les classes de la société romaine.
On différencie également les pratiques bénéfiques et maléfiques. Celles-ci ont lieu dans des lieux mal famés, souvent dans des cimetières.

Au début du christianisme, les pratiques magiques restent courantes et sont tolérées. En revanche, la sorcellerie est condamnée et lorsque le roi franc Clovis promulgue un code pénal connu sous le nom de « loi salique », les auteurs de magie noire encourent des amendes et des peines de prison.
Très vite, les sorciers et sorcières deviennent les bouc-émissaires de la population qui les rendent responsables de tous leurs maux. Ils sont régulièrement mis à mort sans aucune forme de procès.

Les choses empirent au 14ème siècle lorsque le pape Jean XXII promulgue une bulle condamnant les sorciers assimilés à des hérétiques qui « traitent avec la mort et pactisent avec l’enfer car ils sacrifient aux démons ».
De 1326, année de la bulle pontificale, au 18 juin 1782, date de la dernière exécution d’une femme pour sorcellerie (en Suisse), les sorciers vont être traqués, jugés sommairement et exécutés dans toute l’Europe.
La plupart des victimes de ces persécutions sont des femmes souvent âgées. Les veuves sont accusées d’avoir tué leurs époux, les guérisseuses sont jugées comme des servantes de Satan, …

Puisque les sorciers sont considérés comme hérétiques, leurs procès sont confiés aux inquisiteurs.
Cette juridiction est fondée à la fin du 12ème siècle par l’Église catholique afin de combattre les mouvements religieux dissidents et principalement le catharisme qui prend trop d’ampleur.
Ces tribunaux s’occupent également d’autres dossiers et participent notamment à l’arrestation et au jugement des Templiers dont la puissance inquiète le roi de France Philippe V le Bel au début du 14ème siècle.
Par la suite, les juifs, les musulmans, les protestants deviennent les cibles de l’Inquisition. La terreur s’installe en Europe car chacun peut être à tout moment dénoncé et condamné injustement.

Les hommes et les femmes accusés de sorcellerie sont donc présentés devant des tribunaux tenus par des inquisiteurs.
Un traité écrit par les frères dominicains Henri Institoris et Jacques Sprenger, « Malleus Maleficarum » (Le Marteau des Sorcières), paraît en 1486 deux ans après la promulgation d’une nouvelle bulle pontificale rédigée par le pape Innocent VIII qui rend la chasse à la sorcellerie légitime.
Ce traité répertorie les différentes croyances liées à la sorcellerie et à la démonologie. On peut notamment y lire que les femmes intellectuellement inférieures aux hommes sont plus facilement tentées par Satan. Il mentionne notamment les sabbats, les transformations des sorcières en animaux, des actes sexuels avec le diable ainsi que de nombreux actes malveillants.

Les auteurs du livre donnent également un grand nombre de conseils pour repérer, arrêter, juger et exterminer les sorcières. Ils soutiennent que de simples rumeurs ou des marques du diable (taches sur la peau, extrême maigreur, …) sont suffisantes pour instruire un procès et que des dénégations trop virulentes de la part des accusées prouvent leur culpabilité.
Enfin, il est recommandé de soumettre les prévenues à la question pour arracher leurs aveux.

Bien que le traité soit condamné et mis à l’index par l’Église qui réfute certaines allégations notamment le lien présumé entre les catastrophes naturelles et les démons, il a été longtemps utilisé et régulièrement réédité jusqu’en 1669.

Le Labourd

Dans l’actuel arrondissement de Bayonne, au cœur des Pyrénées-Atlantiques, le fief féodal du Labourd a été tour à tour inclus dans le Duché de Vasconie, le royaume franc carolingien, le royaume d’Aquitaine, le royaume de Navarre et le Duché d’Aquitaine.

Lorsque le roi d’Angleterre et duc de Normandie, descendant de Guillaume-le-Conquérant, épouse Aliénor d’Aquitaine en 1152, le Labourd dont Bayonne est la capitale est intégré dans l’empire Plantagenêt qui s’étend de l’Écosse aux Pyrénées.
Pendant la période anglaise, Bayonne bénéficie de privilèges et se développe rapidement notamment grâce au commerce et à l’installation de garnisons. La ville est séparée du Labourd en 1177 et c’est Ustaritz qui accède au statut de capitale.

Le Labourd est restitué à la France en mars 1450 suite au traité de paix signé à Ayherre qui marque la fin de la présence anglaise dans la région après trois siècles de domination.
Il est rattaché à la « Généralité de Bordeaux »,l’une des dix-sept circonscriptions administratives créées en 1542 sous le règne de Henri II.

La chasse aux sorcières dans le Labourd

Contrairement aux idées reçues ce n’est pas durant le Moyen-Âge mais bien durant la Renaissance que la chasse aux sorcières a été la plus intense.
Au 17ème siècle, la persécution des sorciers est donc à son apogée. Les procès se multiplient et, selon les sources, entre 40.000 et 100.000 femmes sont brûlées vives entre 1560 et 1650.
Personne n’est à l’abri de la délation, une simple jalousie ou un mode de vie marginal peuvent être à l’origine d’une dénonciation. Il ne faut pas oublier que les inquisiteurs comme les accusateurs sont rémunérés au nombre d’inculpés.

C’est dans ce contexte que débute la chasse aux sorcières du Labourd. Cet épisode est marqué par la personnalité d’un commissaire, Pierre de Rosteguy de Lancre.

Pierre de Rosteguy de Lancre natif de Bordeaux est le fils du seigneur de Lancre, conseiller du roi. Il poursuit des études de droit et de théologie et est nommé en août 1582 en qualité de conseiller au Parlement de Bordeaux. Très tôt, il se passionne pour la sorcellerie et s’intéresse aux procès liés à cette pratique.

Pierre de Lancre est envoyé une première fois en mission en Béarn par le roi Henri IV, en 1608. L’année suivante, le souverain charge le parlement de Bordeaux d’intervenir dans le Labourd. La région serait « infestée de sorciers et de sorcières sous l’emprise de démons ».
Pierre de Lancre ainsi que le Conseiller d’État Jean d’Espaguet sont choisis pour nettoyer la région mais ce dernier doit quitter rapidement cette fonction pour trancher un conflit survenu entre des pêcheurs français et espagnols.

Pierre de Lancre se retrouve donc seul pour faire la chasse aux sorcières, liseuses de bonne aventure et guérisseuses mais également pour contrôler les agissements des Juifs et des Maures qui se sont réfugiés en France après avoir été chassés d’Espagne.
De plus, la région compte un grand nombre de femmes de marins dont les époux sont souvent absents. Elles sont accusées de mener une vie dissolue et il est donc nécessaire de mettre un terme à cette situation.

Le commissaire de Lancre qui a dorénavant les pleins pouvoirs arrive le 2 juillet 1609 à Bayonne et très vite se montre particulièrement zélé. Plusieurs centaines de personnes, dont des enfants et des membres du clergé, sont emprisonnées après avoir été accusées de sorcellerie.
En l’espace de quatre mois, près d’une centaine d’exécutions sont ordonnées (certains historiens pensent que ce nombre est en réalité beaucoup plus important).

De retour au pays, les marins retrouvent leurs femmes incarcérées notamment au château du Hâ, à Bordeaux. Ils se révoltent contre ces abus et des manifestations tournant à l’émeute sont organisées à l’occasion de l’exécution d’une des accusées.
Devant cette rébellion, la mission de de Lancre est écourtée et prend fin en novembre 1609.

Les principes de Pierre de Lancre

Ces quatre mois sont relatés dans deux ouvrages publiés par Pierre de Lancre :

Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons » destiné aux « Juges et à tous ceux qui vivent soubs les loix Chrestiennes

L’incrédulité et mescréance du sortilège plainement convaincue

Ces livres révèlent toute la misogynie de Pierre de Lancre qui estiment que les femmes ne peuvent pas vivre en l’absence de leurs époux ce qui explique son acharnement contre les femmes de marins. Pour le magistrat, elles représentent un danger pour la société en raison de leur indépendance.

Il se lance également dans la lutte contre les sabbats à qui il associe toute manifestation de groupe, notamment les carnavals et les fêtes traditionnelles du pays basque dont les feux de la Saint-Jean qui sont assimilés aux flammes de l’Enfer. Il interroge ou plutôt torture des centaines de personnes qui décrivent des scènes d’accouplement avec le diable, des rituels sataniques, des messes noires, des possessions. Les dénonciations se succèdent à un tel rythme que quasi chaque famille est soupçonnée d’avoir au moins une sorcière parmi ses membres.

Ces aveux parfois spontanés et ces accusations ne sont probablement pas tous le résultat de la « question ». Selon certains historiens, ils étaient souvent faits afin de flatter la vanité et l’arrogance de ce juge qui est fier de pouvoir vaincre le Malin sur un territoire aussi corrompu.

Le nombre impressionnant d’arrestations et d’exécutions réalisées sur ordre de Pierre de Lancre en l’espace de seulement quatre mois a marqué toute la région. Il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui encore des légendes parlant de sorcières et de Satan restent vivaces dans le patrimoine du sud-ouest de la France.

Jusque vers le milieu du 20ème siècle, il n’est pas rare que les habitants de cette contrée se protègent contre les mauvais sorts en ajoutant du buis béni le jour des Rameaux ou des morceaux du cierge pascal dans les oreillers.

Le Château du Hâ

Durant la chasse aux sorcières de Pierre de Lancre, de nombreuses prévenues sont envoyées au château du Hâ (ou Fort du Hâ), à Bordeaux, en attendant leur procès. Certaines d’entre elles vont y séjourner plusieurs années alors que la mission du juge avait pris fin depuis belle lurette.
Construit en 1454, sous le règne de Charles VII dit le Victorieux, cette forteresse qui s’appelait alors le Château du Far avait pour mission de protéger la ville de Bordeaux d’une reprise des hostilités de la part des Anglais alors que la Guerre de Cent Ans vient de se terminer.
Elle fait partie du système défensif au même titre que le Château Trompette et que le Fort Louis. Une garnison est installée entre ses murs et une partie de l’édifice est destinée à accueillir des prisonniers.

Le château sert notamment de résidence au duc de Guyenne Charles de France, fils de Charles VII et frère de Louis XI, qui y entretient une cour somptueuse.
Au 16ème siècle, le Château du Hâ est le théâtre de nombreux conflits sociaux et religieux et sert notamment de refuge aux percepteurs de la gabelle aux prises avec la population et aux protestants à l’époque des massacres de la Saint-Barthélémy.

Après avoir longtemps servi à défendre Bordeaux d’éventuelles attaques, le château est entièrement transformé en prison civile, une fonction qu’il occupe jusqu’en 1835.
A cette date, la plus grande partie du fort est démolie. La Tour des Anglais (ou Tour du Peugue) et la Tour des Minimes échappent à cette funeste destinée et sont inscrites sur la liste des monuments historiques à partir de 1845.
Des nouveaux bâtiments abritant le Palais de Justice et la prison de la ville sont édifiés sur le site. La prison est remplacée par l’école de la magistrature en 1972.
Les vestiges de l’ancien fort sont intégrés dans les bâtiments du tribunal de grande instance à l’architecture résolument moderne.

Il est possible de visiter l’édifice toute l’année en s’adressant à l’Office du Tourisme de Bordeaux.

Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole
12 cours du XXX Juillet
33000 Bordeaux
Tel : 05 56 00 66 00
Mail : [email protected]
Site web : https://www.bordeaux-tourisme.com

Découvrir la région

Bayonne

Bayonne a joué un rôle important dans le Pays Basque dès l’Antiquité. Capitale du Labourd en 1023, elle accueille la résidence du vicomte pendant plus de 150 ans avant de céder ce statut à Ustaritz. A cette date, Bayonne fait partie de l’empire anglais des Plantagenêt et bénéficie de privilèges qui lui permettent de se développer. La ville profite également de son accès à la mer et de sa situation à la confluence de l’Adour et de la Nive pour devenir un important port maritime et fluvial dès le Moyen-Âge.
De nombreux monuments historiques sont les témoins de l’histoire de la vile, notamment le Château-Vieux, forteresse médiévale du 11ème siècle qui accueille aujourd’hui le 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine. A découvrir également : la cathédrale gothique Sainte-Marie, la citadelle fortifiée par Vauban, le château de Marrac, …
Bayonne est également renommée pour ses fêtes, son jambon et son chocolat

Office de Tourisme de Bayonne en Pays Basque
Place des Basques BP 819
64108 Bayonne
Tel : 05 59 46 09 00
Site web : https://www.bayonne-tourisme.com

Ustaritz

Ustaritz est capitale du Labourd de 1174 à 1790. Durant toute cette période, la ville est prospère et accueille notamment le tribunal et l’assemblée représentative ou Biltzar en basque.
La ville a conservé de nombreux témoins de son statut de capitale et on découvre des rues bordées de maisons typiques du Pays Basque de la Renaissance. Plusieurs châteaux sont édifiés sur les hauteurs proches d’Ustaritz.
La région est également connue pour son environnement exceptionnel et notamment le bassin de la Nive repris sur la liste des sites d’importance communautaire par Natura 2000 en raison de sa biodiversité

Office de Tourisme d’Ustaritz
Place du Labourd
64480 Ustaritz
Tel : 05 59 93 20 81
Site web : http://www.ustaritz.fr

Que manger dans la région ?

Le pays Basque est réputé pour sa gastronomie, ses charcuteries et ses fromages.
Vous ne partirez pas de la région sans avoir goûter :

  • le poulet basquaise
  • le ttoro, la soupe de poissons traditionnelle des marins pêcheurs
  • la piperade épicée au piment d’Espelette
  • l’axoa, une recette à base de viande de veau et de poivrons
  • le gâteau basque à base d’amandes existe en plusieurs versions, classique ou fourrée à la confiture ou à la crème selon vos préférences
  • les chipirons, des encornets accompagnés de sauce tomate et de riz
  • le touron à base de miel et d’amandes
  • l’izarra, une liqueur jaune ou verte aux plantes des Pyrénées

 

 

 

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