Si la plupart des musées sont installés dans des bâtiments traditionnels, quelques-uns sortent des sentiers battus et ont pris place dans des lieux insolites.
A Roubaix, les autorités de la ville ont décidé de rénover et de modifier la destination d’un splendide bâtiment, une piscine ouverte dans les années 1930, pour en faire un lieu de culture et de rencontre.
Aujourd’hui, nous vous ouvrons les portes de la Piscine, Musée d’art et d’industrie de Roubaix.
Un peu d’histoire
La ville de Roubaix est longtemps restée une petite localité sans grande importance intégrée au Comté de Flandres et rattachée au Diocèse de Tournai (Belgique).
Il faut attendre le 15ème siècle pour que Roubaix obtienne le statut de ville. A cette époque, la cité connaît une certaine prospérité grâce aux démarches entreprises par son seigneur, Pierre de Roubaix. Il reçoit en effet l’autorisation des Bourguignons d’ouvrir une première manufacture de draps de laine et de développer le commerce. C’est ainsi que prend naissance l’activité textile qui va faire la renommée de la ville pendant plusieurs siècles.
Roubaix se développe lentement sans pour autant devenir une ville stratégiquement importante ce qui explique l’absence de système défensif.
Lorsque débute la révolution industrielle au 19ème siècle, Roubaix suit le mouvement et ses anciennes manufactures sont transformées en usines à la pointe du progrès. Elles transforment les laines et les cotons importées des quatre coins de la planète en tissus d’une qualité exceptionnelle.
Les grands industriels ouvrent des succursales bien au-delà des frontières françaises. Roubaix est réputée pour être la capitale mondiale du travail de la laine.
Parallèlement, d’importantes mesures sociales améliorant la vie quotidienne des ouvriers prennent naissance dans la région.
Malheureusement, la crise de l’industrie textile met un terme à cet âge d’or et la ville se retrouve à terre dans les années 1960. En effet, l’économie roubaisienne était exclusivement centrée sur le textile et la quasi inexistence de diversification des ressources est fatale à la ville où s’installe la misère.
De nos jours, Roubaix profite de sa reconversion après s’être notamment tournée vers les nouvelles technologies. Elle accueille cependant toujours des entreprises liées au textile sur son territoire, notamment les sièges sociaux des filiales du groupe Mulliez fondé par le Roubaisien Gérard Mulliez.
Les années 1930
Remontons le temps pour nous arrêter un instant à la veille des années 1930. Roubaix connaît une belle prospérité et de nombreux bâtiments publics sont construits dans le cadre d’un programme social.
A cette époque, Jean-Baptiste Lebas est maire de Roubaix. Il est membre de la SFIO, la « Section Française de l’Internationale Ouvrière », qui deviendra, en 1969, le Parti socialiste. La SFIO a été créée en 1905 afin de lutter à la fois contre le nationalisme et la politique d’expansion coloniale.
Dans les années 1920, le mouvement ouvrier prend de l’ampleur et de nombreuses grèves sont organisées afin d’améliorer les conditions de vie.
Après avoir été maire de Roubaix de 1912 à 1915, Jean-Baptiste Lebas retrouve cette fonction en 1918 et entreprend de grandes réformes en faveur des classes défavorisées de sa ville. Il fait notamment bâtir des HBM, habitations bon marché.
C’est également sur son initiative que de nouvelles écoles sont construites et que les anciens bâtiments solaires sont rénovés. Les enfants bénéficient désormais de colonies de vacances et de centres aérés.
Ces écoles de plein air font partie d’un programme plus large visant à lutter contre certaines maladies souvent mortelles pour les jeunes enfants, notamment la tuberculose.
Le manque d’hygiène et l’absence de toute activité sportive sont également des vecteurs responsables du taux de mortalité élevé dans les familles ouvrières. C’est pour cette raison que le maire roubaisien prend des mesures permettant d’améliorer la situation.
L’hygiénisme
Ces différentes mesures répondent aux besoins d’une ville en pleine expansion puisqu’en moins d’un siècle, la population est passée de 8.000 à 125.000 habitants. La plupart de ces nouveaux arrivants sont des ouvriers d’origine belge. Ils sont rejoints, dans un second temps, par des Polonais, des Italiens et des Maghrébins attirés par les emplois proposés dans la région.
La surpopulation provoque bien entendu des problèmes de logement et d’hygiène tandis que les enfants sont bien souvent obligés de travailler dès le plus jeune âge. Il faut en effet attendre la fin du 19ème siècle pour que les conditions de vie s’améliorent doucement grâce aux actions des syndicats et des associations à caractère philanthropique.
C’est à cette époque que se développe le courant politique et sociale de l’ « hygiénisme » qui va réellement révolutionner le quotidien de la classe ouvrière. Dorénavant, les nouvelles constructions répondent à des normes permettant de diminuer la densité de la population et d’améliorer la circulation de l’air et la luminosité au sein des habitations ou des lieux de travail. Les immeubles sont reliés au système d’égout tandis que l’utilisation des poubelles est désormais obligatoire.
Parallèlement, les professionnels de la santé prônent des mesures d’hygiène afin d’éviter les épidémies. Les malades sont notamment groupés par pathologie ce qui limite les risques de contagion dans les hôpitaux.
Le sport fait également partie des principes de cette doctrine qui est à l’origine de la construction de nombreux stades dans toute la France.
A Roubaix, le manque d’hygiène, la mortalité infantile, l’oisiveté et la déscolarisation sont préoccupants et des réformes deviennent urgentes.
C’est ainsi que sont organisées des cantines scolaires permettant aux enfants de profiter d’au moins un repas par jour, des garderies et des soins en sanatorium.
C’est également pour cette raison que la construction d’une piscine publique qui offre à la fois la possibilité de faire du sport, de se détendre et de se laver est décidée. Elle doit remplacer les anciens bains publics, l’école de natation qui n’avait que peu de succès et la piscine qui était principalement fréquentée par les classes sociales plus élevées.
Parallèlement, des terrains de sport et une piste d’athlétisme sont aménagés. Enfin, des camps de vacances sont organisés et réservés aux enfants de la classe ouvrière dès 1920.
Ces camps sportifs permettent aux enfants d’avoir accès à une « éducation sportive bien conçue ».
Malgré la crise économique qui touche Roubaix à la fin des années 1920, les différents projets sont maintenus. Les socialistes au pouvoir veulent ainsi améliorer les conditions de vie des ouvriers mais également embellir la ville.
Piscine et bains publics
Les plans de la nouvelle piscine qui doit prendre place dans un ancien jardin privé sont confiés à Albert Baert, un architecte originaire de Lille qui a déjà à son actif de nombreuses réalisations, notamment les Bains de Dunkerque ainsi que les Galeries Lilloises et le Temple maçonnique de Lille.
Les travaux débutent en 1927 et la piscine est inaugurée cinq ans plus tard.
Le bâtiment est à la fois somptueux et fonctionnel. Il répond à toutes les attentes en terme de sport et d’hygiène mais va bien plus loin puisqu’il inclut non seulement le bassin de natation mais également de nombreuses baignoires, un réfectoire, un salon de coiffure et d’esthétisme ainsi que des bains de vapeur et même une laverie.
Le modernisme de l’équipement se fond harmonieusement dans le style art déco choisi par l’architecte qui a voulu offrir à la piscine un décor rappelant un édifice religieux. On y retrouve des éléments tels que les vitraux et la hauteur de la « nef » centrale en forme de voûte. Ce même esprit se retrouve dans la roseraie situé au cœur du complexe tel un patio d’abbaye cistercienne.
Celle que l’on surnomme la « plus belle piscine de France » est inaugurée en 1932. Elle offre aux nageurs à la fois un bassin de 50 mètres de long et des bains-douches ouverts au public.
Déclin et renaissance de la piscine
La piscine publique de Roubaix présente des signes de fatigue dès les années 1970 et la lente dégradation des lieux mène à sa fermeture en 1985 car elle ne répond plus au normes de sécurité notamment à cause de la fragilité de plus en plus marquée de la voûte.
Le bâtiment, joyau du patrimoine roubaisien reste abandonné pendant plusieurs années avant de retrouver une seconde jeunesse lorsque le Conseil municipal et la Direction des musées de France trouvent un accord pour reconvertir la piscine en un lieu voué à la culture.
Cette reconversion doit permettre de sortir les anciennes collections du Musée industriel de Roubaix qui dorment dans les locaux de l’École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles depuis la fermeture du musée, durant la Seconde Guerre mondiale.
Quel plus merveilleux écrin pouvait-on offrir à un musée que ce magnifique exemple Art Déco ?
L’architecte Jean-Paul Philippon qui s’est déjà chargé de convertir la gare d’Orsay en musée reçoit la mission de transformer les anciens bains de la ville afin d’accueillir les collections de l’école nationale supérieur des arts et industries textiles de Roubaix.
Il propose de garder un plan d’eau en lieu et place de l’ancien bassin afin de non seulement préserver la mémoire du lieu mais également de profiter d’un décor qui se prête à des jeux scéniques. Ce plan d’eau peut toutefois être recouvert d’un plancher notamment durant les réceptions.
Les anciennes cabines de douche deviennent des vitrines, le réfectoire est transformé en restaurant, la salle des machines accueille désormais la boutique du musée et la roseraie est devenue un jardin botanique consacré aux fibres textiles et aux plantes tinctoriales.
Les travaux d’aménagement débutent en 1998 et le musée ouvre ses portes pour la première fois en octobre 2001.
Le succès est au rendez-vous et très vite, la ville décide d’agrandir le musée afin d’ouvrir de nouvelles salles consacrées aux peintres, sculpteurs et graveurs du Groupe de Roubaix. Ces artistes réunis en un groupe informel ont produit des œuvres essentiellement non figuratives dans les années 1950 et 1960.
Après avoir été fermé pendant plusieurs mois, le musée a rouvert ses portes en octobre 2018 et les visiteurs ont pu découvrir les nouvelles salles couvrant 2.300 m² et notamment la reconstitution de l’atelier du sculpteur Henri-Louis Bouchard.
Cet artiste originaire de Dijon a travaillé dans un atelier situé rue de l’Yvette dans le 16ème arrondissement de Paris de 1924 à sa mort en 1960. L’atelier est alors transformé en musée et le public peut y découvrir les nombreuses œuvres mais également les croquis, le matériel et les ébauches laissés sur place par le sculpteur. L’ensemble de ses collections a été transféré à Roubaix suite à la fermeture de ce musée en 2006. En effet, la ville de Paris n’a pas souhaité accepter la donation de la famille de l’artiste ce qui a mené au transfert du fonds à Roubaix.
L’atelier a été reconstruit à l’identique dans l’une des nouvelles salles de la Piscine.
La visite
Outre les œuvres et l’atelier de Henri Bouchard, les visiteurs découvrent une importante collection retraçant l’histoire du textile de l’Antiquité égyptienne à nos jours. Des documents ainsi que de nombreux échantillons de tissus permettent de mieux comprendre le passé industriel de la France aux 19ème et 20ème siècles.
Parallèlement, des salles sont consacrées à l’histoire de la céramique et à celle de Roubaix tandis que le musée s’enorgueillit de posséder quelques œuvres majeures des 19ème et 20ème siècles. Camille Claudel, Dominique Ingres ou encore Henri-Fantin Latour sont quelques noms bien représentés dans le musée de la Piscine.
En pratique :
Le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi :
- de 11 à 18 hr du mardi au jeudi
- de 11 à 20 hr le vendredi
- de 13 à 18hr le samedi et le dimanche
L’accès du musée est gratuit tous les vendredis de 18 à 20 hr et le premier dimanche du mois.
Des visites guidées et thématiques (groupes), des expositions temporaires et des animations sont organisées sur demande.
Le restaurant/salon de thé du musée est ouvert du mardi au dimanche, de 12 à 18hr.
La Piscine – Musée d’Art et d’Industrie André Diligent
23 rue de l’espérance
59100 Roubaix
Tel : 03 20 69 23 60 (informations) / 03 20 69 23 67 (réservations)
Mail : [email protected]
Site web : http://www.roubaix-lapiscine.com
La visite de Roubaix
Profitez de votre passage à Roubaix pour découvrir tout le charme de cette ville des Hauts-de-France intégrée à la Métropole européenne de Lille qui avec ses plus d’1,2 million d’habitants est la plus peuplée des métropoles françaises de droit commun.
Quartiers de la ville de Roubaix
Le passé industriel de Roubaix est omniprésent et on remarque notamment le plan caractéristique « en îlots » des anciens quartiers ouvriers la ville. Ces « courées » se composaient de plusieurs habitations au confort sommaire, souvent humides voire insalubres. Les habitants utilisaient des toilettes et un point d’eau collectifs situés dans la cour commune. Cette promiscuité favorisait la propagation des maladies mais également les querelles entre voisins.
On estime que dans les années 1930, la moitié des Roubaisiens vivaient dans des courées. Elles ne seront progressivement rasées ou rénovées que vers la fin du 20ème siècle.
L’ancienne filature Motte-Bossut
L’ancienne filature Motte-Bossut construite dans les année 1860 et fermée en 1981 est l’un des fleurons du patrimoine industriel du département du Nord. Ces bâtiments parfaitement conservés abritent aujourd’hui le Centre des archives nationales du monde du travail inauguré en 1993.
La salle de lecture est ouverte du mardi au vendredi de 9 à 17 hr. Les membres préalablement inscrits peuvent consulter les documents concernant la vie économique et sociale tant des entreprises que des syndicats ou autres organismes professionnels. Des événements, notamment des colloques, sont régulièrement organisés.
L’hôtel de ville
L’hôtel de ville inauguré en 1911 a été conçu par l’architecte Victor Laloux. On peut y découvrir la façade décorée de différentes scènes faisant référence à l’industrie textile.
L’église Saint-Martin
L’église Saint-Martin construite au 15ème siècle sur le site d’un édifice datant du 9ème siècle. On peut notamment y admirer trois œuvres d’Antoine Watteau (1684 – 1721 ), un peintre valenciennois, membre du mouvement artistique rococo (ou rocaille).
Que manger dans la région ?
Visiter Roubaix, c’est également l’occasion de savourer quelques spécialités du Nord et notamment :
- Les endives (appelés chicons ou chicorée en Belgique) se savourent crues, cuites, braisées, en soupe ou en gratin, en compagnie d’un poulet, d’un rôti de porc ou de bœuf, de crevettes ou de fromage. Ce légume incontournable se cultive à la fois en pleine terre et en cave. Les carottes de chicorée sauvage sont récoltées et placées dans des caves chaudes et humides, à l’abri de la lumière ce qui « force » la croissance d’un bourgeon … qui devient l’endive.
- Les racines de chicorée séchées et torréfiées produisent une sorte de granulés utilisées pour obtenir une boisson chaude et parfois froide. On peut ajouter de la chicorée dans du lait ou dans du café ou l’employer afin d’aromatiser une marinade ou une sauce. Très économique, elle a souvent replacer le café dans le Nord et en Belgique.
- Le pavé de Roubaix, un fromage proche de la mimolette en forme de pain.