Il y a bien longtemps, le jeune prince d’Albret qui deviendra par la suite roi de Navarre et roi de France connût ses premiers émois à Nérac, dans le Lot-et-Garonne.
C’est en effet là que le futur Henri IV tombe éperdument amoureux de la jeune Fleurette.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir cette histoire à l’origine de l’expression « conter Fleurette ».
Un peu d’histoire
En 1553, le 13 décembre, Jeanne III d’Albret, fille d’Henri II de Navarre et de la sœur de François 1er, Marguerite d’Angoulême, donne naissance à un petit garçon prénommé Henri, au château de Pau, capitale du Béarn et siège de la cour de Navarre. Son père, Antoine de Bourbon est prince du sang de France et appartient à la maison capétienne de Bourbon-Vendôme.
L’enfant à peine né est baptisé à la mode du Béarn et c’est son grand-père qui se charge de frotter de l’ail sur ses lèvres et de lui faire respirer un peu de vin. Cette pratique devait dit-on renforcer la résistance de l’enfant face aux maladies.
Le bébé est ensuite baptisé de manière plus conventionnelle dans la chapelle du château en présence de ses parrains et marraines – ou de leurs représentants- , Henri II de France, Henri II de Navarre, Catherine de Médicis et Isabeau d’Albret !
Bien que baptisé dans la religion catholique, le jeune Henri est élevé par sa mère selon les préceptes de la Réforme qui prône le retour aux fondamentaux du christianisme. Cette doctrine religieuse répond à une volonté de lutter contre la corruption régnant au sein de l’Église et contre la vie de débauches menée par de nombreux membres du clergé.
Jeanne d’Albret s’est en effet convertie au protestantisme tandis que son époux, Antoine de Bourbon devenu roi de Navarre à la mort de son beau-père, en 1555, est partagé entre les deux religions. Il choisit finalement de rester catholique et de se ranger ainsi aux côtés du roi de France durant les guerres de religion.
Antoine de Bourbon tente alors de mettre fin à son mariage en répudiant sa femme qu’il accuse d’hérésie. Il aurait pu ainsi conserver le Béarn mais décède en novembre 1562 après avoir été blessé durant le siège de Rouen alors aux mains des Huguenots.
Le Grand Tour de France
Entre-temps et afin de préserver l’entente entre la France et la Navarre, le jeune Henri est confié la famille royale et c’est ainsi qu’il prend part au « Grand Tour de France », un voyage organisé par Catherine de Médicis pour présenter son fils Charles IX qui est monté sur le trône en 1560, à l’âge de 10 ans, après la mort de son frère François II.
Le jeune Charles âgé d’à peine 14 ans sillonne toute la France et parcourt près de 4.000 kilomètres en deux ans, entouré des membres de sa famille et de la cour. Au total, on estime que 15.000 personnes se sont déplacées sur les routes afin d’assurer l’intendance, les plaisirs et la protection de la famille royale, entre le 24 janvier 1564 et le 1er mai 1566.
Ce voyage a pour but de redonner confiance au peuple qui vient de subir la première guerre de religion et de réaffirmer l’autorité du roi. Catherine de Médicis a également pour objectif de réconcilier les catholiques et les protestants afin de maintenir l’unité dans le royaume.
Henri de Navarre fait donc partie de la suite du roi en qualité de petit prince au même titre que Marguerite de France et Henri d’Orléans, les autres enfants de Catherine.
La cour de Charles IX arrive à Nérac, fief de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, le 28 juillet 1565. Henri y retrouve sa mère qu’il n’a plus vue depuis deux années.
Le retour à Nérac
Après ce grand tour de France, Henri retourne vivre dans le Béarn afin de se préparer à prendre la succession de sa mère sur le trône de Navarre.
Il est proclamé roi sous le nom de Henri III de Navarre en 1572, après le décès de Jeanne d’Abret et épouse la même année Marguerite de France (ou de Valois) qu’il connaît bien. L’union de Henri le protestant et de Marguerite la catholique organisée une fois de plus par Catherine de Médicis doit favoriser le rapprochement entre les deux communautés.
Le mariage est cependant endeuillé par le « Massacre de la Saint-Barthélémy ». En effet, la tension est au maximum, le pape refuse de donner la dispense nécessaire pour autoriser ce mariage consanguin si le roi de Navarre ne se convertit pas au catholicisme. Philippe II d’Espagne voit également d’un mauvais œil l’union d’une fille de France à un roi protestant.
Malgré ces embûches, le mariage a bel et bien lieu à Paris, le 18 août 1572 en présence de nombreux Huguenots, escorte de Henri III de Navarre.
Un attentat dont l’auteur n’est pas clairement identifié et visant le Comte Gaspard de Coligny converti au protestantisme met le feu aux poudres. Les protestants exigent justice ce que leur promet le roi au grand dam des catholiques qui s’estiment bafoués.
Le roi réunit en grande hâte le conseil qui va probablement prendre la décision de neutraliser les protestants après avoir bouclé les portes de Paris et d’avoir armé les bourgeois.
C’est ainsi que le duc de Guise prend la tête d’un véritable commando qui a pour but d’ éliminer les leaders protestants. Le Comte de Coligny est défenestré depuis sa chambre tandis que les courtisans huguenots hébergés au palais du Louvre sont emmenés dans la rue et massacrés. Leurs corps dénudés sont traînés dans les rues et finalement jetés dans la Seine.
Une partie de la noblesse protestante parvient cependant à prendre la fuite.
Les Parisiens ne se contentent cependant pas de l’élimination des chefs des protestants et le massacre se poursuit pendant plusieurs jours. Le roi tente de rétablir l’ordre et de protéger les survivants mais en vain.
Le mouvement s’étend aux provinces et des tueries parfois soutenues voire organisées par les autorités sont perpétrées notamment à Orléans, à Lyon, à Toulouse, à Bourges, …
Au total, 30.000 personnes perdent la vie entre le mois d’août et le mois d’octobre. De nombreux protestants perdent tous leurs biens. De plus, ils sont victimes de discriminations et ne peuvent plus exercer de fonction publique.
Henri III de Navarre est épargné en raison de son rang de prince du sang mais est contraint de rester à la cour royale et de se convertir au catholicisme. Il ne réussit à s’échapper qu’en 1576 et redevient protestant tout en adoptant une position modérée ce qui fait qu’il rencontre la méfiance à la fois des catholiques et des protestants.
Il installe sa cour à Nérac et s’entoure de conseillers appartenant aux deux religions. Son épouse restée à la cour de France le rejoint et les époux mènent la grande vie.
Le couple sans enfant se sépare cependant en 1585 notamment en raison de l’infidélité notoire du roi de Navarre.
C’est alors que le roi de France Henri III meurt sans héritier direct. Quelques mois auparavant, les deux rois qui étaient en guerre perpétuelle s’étaient réconciliés, c’est pourquoi le roi de France désigne sur son lit de mort son cousin et beau-frère comme successeur. Henri III de Navarre se convertit au catholicisme afin de pouvoir ceindre la couronne de France sous le nom de Henri IV.
La rencontre de Fleurette
Remontons dans le temps jusqu’en juillet 1565 lorsque la cour de Charles IX fait étape à Nérac. Durant les festivités, il rencontre peut-être déjà la jeune Fleurette, fille du jardinier du château.
A cette époque, Henri n’a que 12 ans et est probablement déjà séducteur. Il est néanmoins plus vraisemblable que les jeunes gens se sont rencontrés plus tardivement, lorsque le prince revient vivre auprès de sa mère, Jeanne d’Albret. En effet, le séjour de la cour à Nérac n’a duré que quatre jours et il semble peu vraisemblable que les relations entre Henri et Fleurette aient pu être aussi intenses en ce court laps de temps.
En revanche, Henri réside en permanence à Nérac à partir de 1567 ce qui est plus propice à favoriser les amours du jeune homme.
L’idylle est passionnée et les jeunes gens sont éperdument amoureux. Le précepteur du prince ne voit cependant pas cette amourette d’un bon œil et y met rapidement un terme. Henri quitte Nérac pour Paris.
Les deux jeunes gens sont au désespoir et malgré les promesses de son jeune amant, Fleurette sait très bien que leur amour est impossible.
Henri se console rapidement dans les bras de ses maîtresses mais la légende raconte que de retour à Nérac, il revoit la jeune Fleurette et désire reprendre leur relation.
Le jeune fille qui lui était resté fidèle lui aurait donné rendez-vous au bord d’une fontaine. C’est le corps sans vie de Fleurette qui est retrouvée dans l’eau …. elle a donné sa vie par amour parce qu’elle savait bien que le prince ne tenait plus à elle comme autrefois.
En réalité, Fleurette de Nérac est morte bien plus tard, en 1592 mais il est probable que le premier amour de Henri de Navarre lui est toujours resté fidèle.
De cette légende qui a probablement un fond de vérité, il ne reste aujourd’hui qu’une belle histoire, une jolie expression et une statue de Fleurette réalisée en 1896 par le sculpteur Daniel Campagne. On peut y lire :
A peine ils s’étaient vus qu’ils s’aimèrent d’amour. Elle comptait 16 ans ; lui, trois de plus. Ravie, Fleurette à cet amour donna toute sa vie. Henri, prince d’Albret ne lui donna qu’un jour.
Alors dorénavant, lorsque vous conterez fleurette, vous penserez au désespoir d’une jeune fille morte parce qu’elle avait trop aimé un futur roi de France.
La visite
La petite ville de Nérac se baigne dans les eaux de la Baïse, au cœur des landes du Lot-et-Garonne. Chargée d’histoire puisqu’elle fut la résidence de la maison d’Albret et de la cour de Navarre, elle a été au cœur de la guerre que se livrait au 16ème siècle les catholiques et les protestants. Catherine de Médicis et Henri de Navarre s’y rencontrent en 1579 afin de signer un accord permettant aux protestants de conserver des places de sûreté.
Après le couronnement de Henri IV en 1589, la ville perd rapidement de son importance et il faut attendre le 18ème siècle pour qu’elle retrouve un peu de son aura notamment grâce au commerce.
En vous promenant dans la petite ville, c’est une grande page de l’Histoire de France que vous découvrez. Parmi les incontournables sites à visiter, citons :
Le Château de Nérac
Le Château de Nérac construit entre le 14ème et le 16ème siècle a servi de résidence à Jeanne d’Albret, reine de Navarre. Malheureusement, une grande partie de l’édifice qui a vu passer le jeune roi de France Charles IX et sa cour en 1565 a été démoli au lendemain de la Révolution de 1789. Aujourd’hui, on peut encore admirer la superbe façade Louis XII de l’aile nord qui abritait les appartements de Jeanne d’Albret, seule aile qui a échappé au démantèlement. Autrefois trois autres bâtiments entouraient une vaste cour à laquelle on accédait par une porte percée dans l’aile ouest.
L’aile préservée a été restaurée et abrite actuellement un musée qui permet aux visiteurs de découvrir l’histoire de la famille d’Albret, souverains de Navarre mais également celle de la ville durant la Préhistoire et l’Antiquité.
En pratique :
Le Château-Musée Henri IV est ouvert au public de juin à septembre. En dehors de ces dates, il est toutefois possible de réserver des visites de groupes en contactant l’Office de Tourisme de l’Albret (05 53 65 27 75 ou accueil@albret-tourisme.com).
La visite libre dure approximativement 45 minutes et est accessible aux personnes en situation de handicap (un accompagnement adapté est proposé sur demande). Les personnes en fauteuil roulant n’auront cependant accès qu’aux salles du rez-de-chaussée.
En haute saison, des animations et des ateliers thématiques sont régulièrement proposés au adultes et aux enfants.
Musée-Château Henri IV
Mairie de Nérac
Place du Général de Gaulle BP 113
47600 Nérac
Tel : 05 53 65 21 11
mail : chateau.musee@ville-nerac.fr
site web : http://www.nerac.fr/chateau-henri-iv
Villa d’époque gallo-romaines
Les ruines d’une ancienne villa datant de l’époque gallo-romaines ont situées dans le parc de la Garenne. Occupée du 1er au 6ème siècle, cette villa a été découverte au début du 19ème siècle. Les fouilles archéologiques sont alors confiées à Maximilien Théodore Chrétin qui affirme très vite avoir trouvé plusieurs bas-reliefs prouvant qu’il s’agit d’une villa impériale. Or, il s’agit de faux qu’il a lui-même sculpté. La supercherie est bientôt découverte et les fouilles sont abandonnées tandis que les vestiges sont recouverts. La villa a été redécouverte une seconde fois dans les années 1960 et une campagne de fouilles a permis de mettre au jour différentes fragments de mosaïques.
Que manger dans la région ?
Et parce que l’Albret est une région non seulement historique mais également gastronomique, nous vous convions à table pour savourer :
- La tourtière, un dessert composé d’une succession de fines couches de pâte et qui se déguste tiède. Il est proposé nature ou fourré aux pommes ou aux pruneaux. Il peut également être aromatisé à l’armagnac.
- Le melon de Nérac qui est servi en entrée ou en dessert. Souvent accompagné de jambon de Bayonne ou de floc de Gascogne, ce melon surprend par l’intensité de ses arômes.
- Le confit de canard servi chaud ou froid, en compagnie d’une salade, de champignons ou de pommes sautées ou façon parmentier.