Canal du Midi - CC0 Creative Commons

Le Canal du Midi

Si le projet de relier la Méditerranée à l’océan Atlantique germe dans les esprits dès l’Antiquité, il faut attendre le 17ème siècle pour le voir se concrétiser.
Autrefois, élément essentiel pour l’économie d’une grande partie de la France, le canal du Midi fait aujourd’hui le bonheur des promeneurs et des plaisanciers.
Ouvrage majeur de l’Ancien Régime, il est inscrit en qualité de réalisation exceptionnelle du génie civil sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, depuis 1996.

Un peu d’histoire

Avant le creusement du canal du Midi, les bateaux qui voulaient relier la mer Méditerranée et l’océan Atlantique devaient obligatoirement contourner la péninsule ibérique, un périple de 3.000 kilomètres. Ils s’exposaient ainsi à des pertes, conséquences des intempéries et surtout des actes de piraterie. En effet, des corsaires musulmans originaires de la Côte des Barbaresques (nord de l’Afrique) contrôlaient une grande partie de ces eaux, pillaient les cargaisons et s’emparaient des membres des équipages qui étaient vendus comme esclaves. Selon certaines sources, le nombre d’esclaves européens envoyés dans les colonies ou contraints de travailler pour les Barbaresques dépasse le million de personnes.
Pouvoir acheminer des marchandises en sécurité d’un côté à l’autre du pays représenterait donc un énorme avantage tant sur le plan économique que politique.

Les premiers projets

Quelques projets, souvent irréalistes, sont déjà imaginés durant l’occupation romaine, au 1er siècle avant JC, mais aucun ne se concrétise.

Au 16ème siècle, l’architecte et ingénieur toulousain Nicolas Bachelier présente un premier véritable projet lors des États généraux du Languedoc de 1539 mais sous le règne de François 1er. Le projet n’aboutit pas et il en est de même pour les propositions de Pierre Reneau (1598) et de Bernard Arribat (1617).
Toutes ces idées sont abandonnées car elles ne tiennent pas assez compte de la réalité du terrain et proposent des solutions trop complexes et surtout trop onéreuses en ce qui concerne l’alimentation du canal en eau.

Le problème le plus important se situe au niveau du « Seuil de Naurouze », le point le plus haut du tracé avec une altitude de 189 mètres. Il faut en effet acheminer en permanence de l’eau jusqu’à cette portion du canal qui a une altitude plus élevée que Toulouse.

Pierre-Paul Riquet

L’entrepreneur Pierre-Paul Riquet dont le père faisait partie du Conseil des Trente de Béziers avait pris connaissance du projet de Bernard Arribat alors qu’il était enfant. Devenu « fermier général des gabelles » du Languedoc, il fait construire le château de Bonrepos en 1651, dans les environs de Verfeil, en Haute-Garonne.
C’est dans cette demeure de style Renaissance, qu’il élabore un nouveau projet de canal navigable entre les deux mers. Il reproduit cet ouvrage en miniature et fait creuser un bassin et un canal long de trois cent mètres près de sa propriété pour mieux étudier les différentes possibilités.
Afin de solutionner le problème du seuil de Naurouze, Pierre-Paul Riquet imagine de capter les eaux venues de la Montagne Noire.

Il met également au point une machine hydraulique et, en 1662, il présente ses idées à l’archevêque de Toulouse qui s’enthousiasme.
Fort de cet appui, il contacte le ministre des Finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, et obtient son accord pour le creusement de ce canal qui peut être utilisé à des fins commerciales et militaires.
Ce gigantesque chantier débute en 1666. Malheureusement, Pierre-Paul Riquet ne verra jamais l’achèvement de son œuvre puisqu’il décède en 1680, sept mois avant l’inauguration du canal.

Le Canal Royal de Languedoc

Lorsque le ministre Colbert prend connaissance du projet de Pierre-Paul Riquet, il est immédiatement intéressé mais il faut trouver l’argent nécessaire pour financer ce chantier gigantesque.
La plus grande partie des fonds est fournie par les États du Languedoc et par le reversement d’une partie de la gabelle. Cependant, l’entrepreneur engage également sa fortune personnelle afin de permettre à l’œuvre de sa vie de voir le jour. A sa mort, ses descendants héritent d’une importante dette qu’ils mettront près d’un demi-siècle à rembourser.
En 1666, le roi signe l’ « Édit de création du Canal royal de Languedoc », ancien nom du Canal du Midi.
Le chantier est divisé en deux phases, le creusement du canal de Toulouse à Trèbes et celui de Trèbes à la Méditerranée. Cette seconde phase comprend la construction du port de Sète.

Les premières rigoles destinées à alimenter le canal en eau en détournant partiellement différents ruisseaux et rivières de la Montagne Noire sont creusées en 1667. Afin d’obtenir un débit régulier, un bassin muré à l’aide de blocs de granit est créé à Saint-Ferréol. Ce réservoir est resté le plus important barrage d’Europe pendant plus de deux siècles. Parallèlement, les premiers coups de pelle sont donnés à Sète afin que le port soit opérationnel dans les délais prévus.

Lorsque le premier tronçon du canal, entre Toulouse et le seuil de Naurouze, est terminé en 1671, il est immédiatement mis en exploitation. L’année suivante, il est prolongé jusqu’à Trèbes et deux ans plus tard, on entame le creusement de la seconde partie de l’ouvrage qui sera achevée en mai 1681.
Après une inspection minutieuse du canal afin de vérifier son étanchéité, le feu vert est donné par le roi.
Ce sont les fils de Pierre-Paul Riquet ainsi que l’intendant du roi, Henri d’Aguesseau, et le président des États généraux du Languedoc qui effectuent le voyage inaugural.
Le canal n’est officiellement ouvert au trafic fluvial qu’en mai 1683.

Pour mener à bien le chantier, de 2.000 à 12.000 ouvriers, selon la saison, travaillent sous la surveillance d’un contrôleur général. Ces maçons et tailleurs de pierre, forgerons ou charretiers bénéficient de conditions de travail nettement plus favorables que d’habitude puisqu’ils ne sont pas soumis à la corvée et reçoivent notamment des indemnités en cas d’arrêt de travail (pluie, maladie, …) et surtout un revenu mensuel.

A côté des ouvriers, une équipe composée d’ingénieurs recrutés par Pierre-Paul Riquet est mobilisée en permanence. C’est ainsi qu’en 1677, le célèbre architecte militaire Vauban prend part au projet, après le décès du Chevalier de Clerville. Il va non seulement continuer le travail accompli par son prédécesseur mais également apporter de nombreuses améliorations.

Vauban

Malgré toutes les études et les précautions mises en place, force est de constater après 5 ans d’utilisation que le Canal du Midi présente de gros défauts notamment en raison d’un trop important apport de sable et d’alluvions durant les crues des rivières d’alimentation. On envisage à cette époque de condamner purement et simplement le canal.
Vauban est chargé de procéder à différents aménagements afin de remédier à ces problèmes.
C’est ainsi qu’il augmente la capacité du réservoir de Saint-Ferréol et qu’il fait construire un tunnel long de 122 mètres et large de 3 mètres, la voûte Vauban ou percée des Cammazes, en prolongement des rigoles afin d’alimenter directement le bassin.

Les abords des cours d’eau sont également aménagés et les eaux sont régulées à l’aide d’ouvrages en maçonnerie, aqueducs, digues et ponts-canaux, tandis que les constructions existantes sont améliorées. Ces travaux d’aménagement se terminent en 1694.
Vauban met également en œuvre le canal de la Robine qui emprunte le tracé de l’ancien lit de l’Aude et rejoint la ville de Narbonne. Ce canal s’arrête cependant avant le canal du Midi et le transport se poursuit par voie terrestre entre les deux ouvrages.
A la Révolution de 1789, le canal royal de Languedoc est rebaptisé canal du Midi.

De la Méditerranée à l’Atlantique

Si, à l’origine, le canal du Midi devait se prolonger jusqu’à l’océan Atlantique, il ne relie en réalité que la ville de Toulouse au port de Sète et évite plusieurs villes importantes.
Pour continuer le voyage jusqu’à Bordeaux, les marchandises doivent donc obligatoirement être acheminées par la Garonne au débit irrégulier.

Au cours des 18ème et 19ème siècles, plusieurs canaux de moindre envergure sont construits depuis le canal du Midi :

  • En 1775, le canal de Jonction relie le canal du Midi et le canal de la Robine ce qui permet à Narbonne de profiter de ses avantages économiques. Les deux canaux forment à partir de 1780 une branche latérale du canal du Midi appelée « embranchement de la Nouvelle ».
  • En 1776, le canal de Brienne relie la Garonne au canal du Midi en passant par le centre de Toulouse.
  • En 1808, le canal du Rhône à Sète est creusé afin de relier le Rhône et l’étang de Thau dans lequel débouche le canal du Midi.
  • En 1810, un canal est creusé afin de relier Carcassonne au canal du Midi.
  • En 1856, le canal latéral de la Garonne est inauguré après 18 ans de travaux. Cet ouvrage long de 193 kilomètres permet de relier la Méditerranée à l’Atlantique sans passer par le fleuve. Le canal latéral et le canal du Midi forment ainsi le « canal des Deux-Mers ».

Un exploit architectural

Le canal du Midi mesure 240 kilomètres de long et doit être continuellement alimenté en eau. Les ingénieurs ont rencontré bien des obstacles afin de le rendre navigable mais également pour permettre aux routes et aux différentes rivières rencontrées sur son passage de poursuivre leur chemin.
Afin de réaliser cette véritable prouesse, il a fallu concevoir et bâtir 350 ouvrages dont 130 ponts construits en briques ou en pierres du pays, grès, roches volcaniques et calcaires.

La plupart des cours d’eau se mêlent au canal sur un tronçon plus ou moins long avant de reprendre leur propre trajet. Afin d’éviter des crues en cas d’orage, un système de déversoirs a été mis en place pour évacuer le trop plein.

Cependant, certaines rivières trop tumultueuses ou charriant de trop importantes quantités d’alluvions et de graviers n’ont pas pu être reliées au canal et il a fallu envisager une autre solution. C’est ainsi qu’un premier pont-canal enjambant le cours d’eau a été imaginé par Pierre-Paul Riquet en 1676 .
Le pont-canal de Répudre est le premier aqueduc navigable construit en France. Il sera suivi par 49 autres ouvrages du même type réalisés pour la plupart par Vauban.

Lorsque le tracé du canal présentait un dénivelé trop important, les ingénieurs ont mis en place un système d’écluses. On en dénombre 63 sur le parcours du canal du Midi.
Certains de ces ensembles comprennent plusieurs écluses disposées en escalier. Le plus remarquable de ces ouvrages se situe à Fonsérannes, près de Béziers, il a été construit en 1697. Les bateaux franchissaient un dénivelé de 21,5 mètres en empruntant une série de 8 écluses réparties sur 300 mètres. Sept d’entre elles sont encore utilisées de nos jours.
A Agde, un autre ouvrage remarquable a été construit en 1679, une écluse rondejouant un rôle de carrefour entre le canal, l’Hérault et un petit canal desservant le port de la ville.

Enfin, le canal a nécessité le creusement d’un important tunnel voûté appelé la « percée de Malpas » afin de passer sous la colline d’Ensérune. Ce tunnel mesure 173 mètres de long, 8 mètres 50 de large et a une hauteur de 6 mètres.

Le rôle économique du canal du Midi

A l’origine, le canal du Midi joue un rôle important dans l’économie du pays puisqu’il permet d’acheminer des marchandises de la Méditerranée à l’Atlantique. Les bateaux ne doivent plus contourner la péninsule ibérique, un voyage de 3.000 kilomètres plein d’embûches.
Le transport fluvial par halage présente donc un gain de temps et assure la sécurité des équipages et des cargaisons.

Un transport de passager est également organisé dès l’inauguration du premier tronçon du canal.
La « barque de Poste » permet de parcourir les 240 kilomètres séparant Toulouse à Agde en quatre jours. Afin d’offrir un maximum de confort aux voyageurs, des étapes sont aménagées le long du canal.
Les passagers descendent à terre pour les repas du midi ou « dînées » à l’écluse de Négra, à l’écluse de Béteille, au pont de la Redorte et à l’écluse de Fonsérannes. Le soir, ils passent la nuit dans des auberges ou « couchées » à Castelnaudary, à Trèbes, au Somail et à Agde.

Le voyage n’était cependant pas de tout repos puisque la barque ne franchissait pas les grandes écluses afin de gagner du temps. Les passagers devaient donc transporter leurs bagages sur une autre barque qui les attendait de l’autre côté de ces ouvrages.

Et de nos jours ?

Le transport par chemin de fer et plus tard par route a fortement concurrencé le transport fluvial beaucoup plus lent. Les bateaux halés par des chevaux sont remplacés vers 1930 par des péniches à moteur ce qui permet de relancer temporairement ce type de transport qui prend fin définitivement dans les années 1980.
Menacé de destruction, le canal du Midi a été sauvé par quelques passionnés et est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et des grands sites de France, depuis 1996.

De nos jours, il remplit toujours sa mission d’acteur économique. En effet, il est devenu une attraction importante et de nombreux touristes apprécient de découvrir la région au fil de l’eau.
Il est dorénavant possible de louer une embarcation ou d’effectuer des excursions à bord d’un bateau-promenade.

Le canal du Midi joue également un important rôle écologique puisque de nombreuses espèces animales ont élu domicile dans ses eaux et sur ses berges. Il est également remarquable par ses platanes qui sont chargés d’assurer la stabilité des terres.
Ces platanes ont remplacé les saules et les mûriers plantés sur ordre de Pierre-Paul Riquet. Malheureusement, ces arbres sont victimes d’un champignon qui provoque le chancre coloré. Les platanes malades doivent être abattus et sont remplacés petit à petit.

En pratique

De nombreuses entreprises proposent la location d’un bateau pour découvrir le canal du Midi.

La conduite de la plupart de ces embarcations n’exigent aucune compétence particulière ni de permis. Toutefois, un permis de conduire « eaux intérieures » est exigé pour les bateaux dont la puissance est supérieure à 4,5 kw (ou 6 chevaux) et dont la longueur est inférieure à 20 mètres. Au delà de 20 mètres, il faut être en possession d’un permis de conduire « bateau de plaisance ».

Même si le permis n’est pas exigé pour les bateaux de faible puissance, il est indispensable de connaître la signification des panneaux de signalisation concernant la navigation sur les canaux ainsi que les règles de navigation (vitesse, priorités, stationnement, …). Il faut également s’initier aux manœuvres à effectuer pour passer les écluses.

Les propriétaires de bateaux doivent acheter une carte de péage dont le montant varie selon la longueur du bateau et la durée souhaitée. Il existe des forfaits à la journée, vacances, loisirs et annuels. En revanche, le péage est inclus dans le prix des locations de bateaux et le loueur est tenu de délivrer une carte de péage ainsi qu’un certificat garantissant que l’embarcation est assuré et en état de fonctionnement.

Il est également possible de participer à une croisière fluviale ou à une simple promenade le long du canal du Midi.

La navigation sur le canal du Midi est autorisé tous les jours de mars à octobre sauf les jours fériés. Le reste de l’année, la navigation est possible sur demande uniquement du lundi au vendredi. La demande doit être faite au plus tard la veille avant 11 heures.
La navigation peut être exceptionnellement autorisée les samedis durant la période hivernale.

Les promeneurs peuvent également profiter des anciens chemins de halage pour découvrir la région à pied ou à vélo (possibilité de location). Une route cyclable longue de 250 kilomètres a été aménagée afin de permettre aux cyclistes de circuler en toute sécurité. Elle peut également être empruntée par les personnes à mobilité réduite.

Durant le périple, en bateau, à vélo, en rollers, … , les touristes apprécient des paysages d’une grande diversité mais également des sites et des villes remarquables comme Castelnaudary, Narbonne, Carcassonne, Agde ou le port de Sète sans oublier Béziers, ville natale de Pierre-Paul Riquet.
C’est l’occasion de découvrir quelques-unes des spécialités gastronomiques de la région et de savourer un cassoulet à Toulouse ou à Castelnaudary, une soupe à l’ail à Béziers et une bouillabaisse à Sète.

Et pour approfondir ses connaissances et découvrir en détail l’histoire du canal du Midi, une halte dans la petite localité de Revel, en Haute-Garonne, s’impose afin de visiter le musée consacré à cet ouvrage monumental et à son inventeur.

Le musée situé à proximité du lac artificiel de Saint-Ferréol est ouvert :

  • tous les jours en juillet et août
  • tous les jours sauf le lundi de mars à octobre
  • les week-ends et vacances scolaires en novembre et décembre

Coordonnées :

Musée et Jardin du Canal du Midi
Boulevard Pierre-Paul Riquet
31250 Revel
Tel : 05 61 80 57 57
Mail : accueil@museecanaldumidi.fr
Site web : http://museecanaldumidi31.blogspot.com/

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1 thoughts on “Le Canal du Midi”

  1. Article très complet et instructif. Le canal du midi est le lien fluvial de la nouvelle région Occitanie. En effet, présent en Midi-Pyrénées et en Languedoc-Roussillon, il est pour les habitants un symbole d’union de notre nouveau territoire.

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