Ruine Chateau Montceaux lès Meaux - ©Mossot CC1 Creative Commons

Le château des trois reines de Montceau-lès-meaux

Situé à quelques kilomètres de Meaux, sous-préfecture du département de Seine-et-Marne, Montceaux-lès-Meaux nous offre aujourd’hui l’aspect d’un petit village paisible de l’Île-de-France.
Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir l’histoire de son château qui fut autrefois la propriété de trois reines… ou presque.
Si la Révolution a été fatale à ce splendide château Renaissance, n’hésitez pas à prendre le temps de vous promener au milieu des vestiges de cette ancienne demeure qui accueillit entre ses murs les plus grands noms de l’histoire de France du 16ème au 18ème siècle.

Un peu d’histoire

 L’Antiquité

Lorsque les peuples celtes issus des civilisations de Hallstatt et de La Tène migrent vers l’ouest de l’Europe au cours du 1er millénaire avant notre ère, les Meldes s’installent dans une région correspondant au nord-ouest de la Seine-et-Marne et fondent leur capitale Iantinon (ou Iatinon) sur les bords de la Marne.
Après la conquête des Gaules par Jules César, au 1er siècle avant JC, son nom est romanisé en « Iantinum civitas Meldorum » avant de devenir « Meldis » et, enfin « Meaux ».
A l’époque gallo-romaine, la cité prend de l’ampleur et est dotée des monuments traditionnels tels qu’un forum, un théâtre, des thermes et plusieurs temples.
Lorsque la fragilité de l’empire romain en pleine crise politique encourage les peuples germaniques a effectué des raids de plus en plus lointains à partir du 3ème siècle, la ville de Meaux est fortifiée afin de protéger les habitants. C’est également pour cette raison que les quartiers construits en dehors de ces remparts sont pour la plupart abandonnés.

Le Moyen-Âge

A la même époque, le christianisme fait son apparition en Île-de-France. Saint-Denis devient le premier évêque de Paris tandis que son disciple Saintin (ou Sanctin) fonde l’église de Meaux. Il serait le premier évêque de cette ville mais également de Verdun.
L’histoire de Meaux et de sa région est loin d’être un long fleuve tranquille et la ville a été maintes fois l’enjeu de conflits.
Si la région est souvent convoitée, c’est surtout en raison de la richesse de sa voisine, la ville de Melun, qui bénéficie de privilèges accordés par les rois mérovingiens. Meaux est donc une « victime collatérale » de sa rivale.
Au 9ème siècle, les Vikings profitent de leurs compétences en navigation pour effectuer des raids dans l’intérieur du royaume de France en remontant les fleuves. Séduits par les richesses de Melun, ils assiègent la ville à plusieurs reprises et font de même à Meaux.
Les comtés de Meaux et de Troyes sont réunis en 956 par le mariage entre Robert de Vermandois, comte de Meaux, et Adélaïde de Chalon qui reçoit le comté de Troyes.
Cette fusion est à l’origine de la naissance du comté de Champagne transmis par héritage aux comtes de Blois au 11ème siècle, lorsque le comte Étienne 1er de Vermandois meurt sans héritier.
La fin du Moyen-Âge est marquée par une grave crise économique et la ville de Meaux traverse des périodes noires. Les conflits engendrés par la Guerre de Cent Ans, les grandes épidémies, les impôts levés pour financer la guerre, les famines dues aux récoltes insuffisantes, l’accroissement démographique et les pillages par les « grandes compagnies », ces troupes de mercenaires qui vivent de brigandage et de rançons durant les trêves, mènent le pays au bord du gouffre.
Cette situation catastrophique engendre des révoltes contre la noblesse. En mai 1358, Guillaume Caillet mieux connu sous le surnom de Jacques Bonhomme prend la tête des paysans de la moitié nord du royaume dont l’Île-de-France. Ce soulèvement appelé « Grande Jacquerie » est sévèrement réprimé.
Lorsque les paysans assiègent Meaux où se sont réfugiées Jeanne de Bourbon, l’épouse du dauphin de France et futur Charles V dit le Sage, ainsi que plusieurs dames de sa suite, ils sont assaillis par Gaston de Fois et Jean de Grailly qui parviennent à libérer les prisonnières. La ville est pillée et incendiée tandis qu’une partie de la population est massacrée en représailles parce que son maire aurait été partisan des révoltés. Cette défaite précède de quelques jours la fin de la Jacquerie définitivement matée par le roi de Navarre Charles-le-Mauvais qui profite de toutes les occasions pour tenter de s’emparer de la couronne de France …. mais ça c’est une autre histoire.
La ville est à peine reconstruite qu’elle est à nouveau assiégée en 1421, cette fois-ci par les Anglais. Nous sommes alors en pleine Guerre de Cent Ans et Henri V d’Abgleterre tente de maintenir son avantage en France malgré plusieurs échecs successifs et la perte d’une grande partie de ses hommes.
Or, à ce moment, les troupes du dauphin de France qui deviendra roi sous le nom de Charles VII dit le Victorieux l’année suivante occupent cette place-forte. Cela n’empêche pas les Anglais d’établir leur quartier général au pied des murailles. On assiste à un véritable défilé de nobles seigneurs et notamment les Bourguignons venus prêter allégeance au roi d’Angleterre ou simplement « tâter » le terrain pour être certains d’être du bon côté de l’échiquier.
Les défenseurs de Meaux résistent cependant vaillamment pendant sept longs mois avant de s’avouer vaincus. La ville et ses habitants sont alors victimes de la vengeance des Anglais.
Cette défaite coûte cher au dauphin de France car de nombreux capitaines responsables des villes fortifiées du nord de la France préfèrent se ranger aux côtés de ses puissants ennemis.
Pendant quinze ans, Meaux reste anglaise avant d’être restituée aux Français et intégrée dans le domaine royal, en 1436.

Le château Renaissance de Montceaux-lès-Meaux

La fin du 15ème siècle est marquée en France par l’abandon progressif du style gothique en faveur des styles Louis XII et surtout Renaissance.
Le mouvement culturel appelé Renaissance prend naissance en Italie et se répand progressivement en France à l’occasion des guerres d’Italie menées par Charles VIII. Le style Louis XII est souvent considéré comme une étape de transition entre deux formes artistiques fondamentales.
C’est cependant François 1er qui donne le véritable coup d’envoi à la Renaissance française lorsqu’il fonde en 1526 l’ « école de Fontainebleau » surnommée la « nouvelle Rome ». De nombreux artistes italiens sont en effet invités en France afin de décorer le château royal de Fontainebleau, demeure favorite du roi.

Michel Saligaut

Au début du 16ème siècle, il est déjà fait mention d’un château situé à Montceaux-lès-Meaux. En effet, dans un acte daté de 1504, un dénommé Michel Saligaut (ou Saligot) affirme son intention de bâtir une chapelle consacrée à la Vierge Marie sur le domaine du « château dudit Montcealx ».
Il est fort probable qu’un premier château médiéval a donc été construit à cet emplacement. Il se pourrait cependant que ce logis appartenant aux seigneurs de Montceaux n’existe déjà plus que dans les souvenirs, au 16ème siècle.
Donc nous voilà en 1504 et le seigneur de Monceaux et de Montretout en Brye, Michel Saligaut, débute la construction d’un château à cet emplacement.

Jean Laguette

Quelques décennies plus tard, sa petite-fille, Marie Saligaut épouse Jean Laguette (ou Jean de la Guette) qui est alors trésorier des finances extraordinaires et secrétaire du roi François 1er. Elle apporte en dot la propriété de Montceaux.
Or ce Jean Laguette possède une belle fortune liée à sa fonction et il peut donc bâtir une superbe demeure sur le domaine.
Le chantier démarre en 1544 et il n’est donc pas étonnant que le château de Montceaux-lès-Meaux adopte le style italianisant de la Renaissance en vogue à cette époque.
Très vite, on se rend compte que cette demeure n’aura rien de modeste. En quelques années, le corps de logis déjà existant est rehaussé, flanqué de pavillons d’angle, d’une chapelle et d’une aile abritant une grande salle destinée aux réceptions. Le vaste quadrilatère est ceint de douves et les façades sont richement ornées, ce qui n’est pas sans rappeler les réalisations de Sebastiano Serlio, l’architecte en chef à la cour du roi de France.

Catherine de Médicis

En 1547, Henri II succède à son père François 1er. Le château de Montceaux est alors toujours en construction mais il est indéniable qu’il va devenir une somptueuse demeure. Le roi prend-il ombrage de ce château qui pourrait rivaliser avec ses propres résidences ? Rien ne paraît le confirmer mais il est certain que Laguette tombe soudainement et bien à propos en disgrâce et est même accusé de malversations. Coïncidence ou non, le château est confisqué en 1555 et offert par Henri II à son épouse Catherine de Médicis l’année suivante.
En 1558, la reine visite sa nouvelle propriété et tombe sous son charme. C’est ainsi que le château de Montceaux devient un lieu « à la mode » fréquenté par le couple royal et les courtisans.
Catherine de Médicis devenue veuve en 1559 continue à séjourner fréquemment à Montceaux et y entreprend quelques travaux et aménagements. Certains historiens soutiennent qu’elle aurait même fait détruire le château pour mieux le reconstruire mais cette hypothèse semble à l’heure actuelle peu crédible.
Plus qu’une simple « seconde résidence », Montceaux est à présent un château habité régulièrement par la Régente de France. Le château est meublé, les jardins sont plantés d’arbres fruitiers venus de la Loire et le domaine s’agrandit au fil des acquisitions de Catherine de Médicis devenue comtesse de Meaux.
Le petit village paisible situé à quelques encablures de Meaux devient ainsi le centre du pouvoir du royaume et l’endroit le plus fréquenté par la noblesse de France.
Catherine de Médicis décède en janvier 1589, en pleine guerre de religion. Son fils, Henri III la suit dans la tombe quelques mois plus tard, victime d’un assassinat perpétré par un moine dominicain. Son mariage avec Louise de Lorraine n’ayant pas permis de donner un héritier au royaume, c’est Henri de Navarre qui devient roi de France sous le nom de Henri IV.

Gabrielle d’Estrées

Le château de Montceaux est alors entre les mains des créanciers de Catherine de Médicis mais Henri IV le rachète en 1596 pour en faire cadeau à sa concubine Gabrielle d’Estrées qui porte dorénavant le titre de marquise de Montceaux.
Les amants se retrouvent régulièrement dans le château royal qui bénéficie de nouveaux aménagements. Henri IV pourtant encore marié à Marguerite de Valois annonce son intention d’épouser sa maîtresse malgré les réprobations de son entourage. La mort de la jeune femme met un terme à ce projet. Ce décès qui tombe à point nommé a fait couler beaucoup d’encre et des rumeurs concernant un possible empoisonnement se sont répandues. Il semble cependant certain que Gabrielle enceinte de son troisième enfant ait succombé suite à une crise d’éclampsie.

Marie de Médicis

Henri IV achète une seconde fois le domaine, cette fois aux héritiers de Gabrielle, et l’offre à sa seconde épouse Marie de Médicis à l’occasion de la naissance de leur premier fils, futur Louis XIII dit le Juste, en 1601. Si quelques travaux sont à nouveau entrepris, la propriété laisse vite Marie de Médicis indifférente car elle lui préfère le Palais du Luxembourg.
La magnifique demeure qui a été le théâtre de tant de faits historiques , notamment un complot visant à enlever Catherine de Médicis et son fils Charles ainsi que la réconciliation du roi et de la Sainte-Ligue, est délaissée mais reste cependant dans l’escarcelle des rois de France.
A la fin du 18ème siècle, le château est donné au prince de Conti mais il ne revivra jamais ses jours de gloire car la Révolution est en marche.
Il est saisi au titre de bien national et démantelé en 1799. Ses pierres sont récupérées et servent notamment à la construction du tunnel ferroviaire d’Armentières-en-Brie au milieu du 19ème siècle.
Les ruines sont ensuite abandonnées même si elles servent un moment d’État-major au général allemand Alexander von Kluck lors de la première bataille de la Marne, au début de la Première Guerre mondiale.
Elles bénéficient à partir de 2005 de leur classement au titre de Monuments historiques.
Depuis 2014, les propriétaires du domaine se sont associés à la Fondation du patrimoine, à la DRAC Île-de-France et au Conseil départemental de Seine-et-Marne pour sauver l’un des joyaux de notre patrimoine.
Il est également possible de contribuer à la conservation de ce joyau de la Renaissance en faisant un don via le site de la Fondation du patrimoine.

La visite

Si le magnifique château royal n’existe plus aujourd’hui, ses ruines particulièrement imposantes nous rappelle sa splendeur d’autrefois. C’est avec beaucoup de nostalgie que le visiteur découvre ces vestiges de notre patrimoine historique ainsi que le parc et les quelques bâtiments restaurés.
Le site est accessible au public tous les jours de 11 à 18hr durant le mois de juillet ainsi que chaque lundi des mois d’août et de septembre également de 11 à 18hr.
Il est possible de visiter le domaine en dehors de ces dates uniquement sur réservation.
L’agenda des nombreux événements culturels et artistiques organisés au château est aussi riche que varié.

Château royal de Montceaux-lès-Meaux
10 rue de Lizy
77470 Montceaux-lès-Meaux
Tel : 0680741498
Mail: d3reines@gmail.com

A découvrir dans la région

Profitez de votre passage à Montceaux-lès-Meaux pour découvrir le charme du petit village et notamment son église Notre-Dame-de-l’Assomption datant du 19ème siècle.
Prolongez votre séjour en visitant la petite ville de Meaux située à un jet de pierre du château :

  • les remparts gallo-romains
  • la cathédrale gothique Saint-Étienne de Meaux
  • l’ancien palais épiscopal, son jardin à la française ainsi que le pavillon Bossuet

Que manger dans la région ?

Quand on pense à Meaux, on pense obligatoirement aux deux produits gastronomiques qui font sa renommée, le brie et la moutarde.
La moutarde de Meaux est fabriquée depuis fort longtemps par les religieux installés dans la région qui produisent une moutarde dont la recette n’a pas variée et que l’on peut encore trouver sous le nom de « moutarde de Meaux Pommery ». Cette moutarde à l’ancienne est vendue dans les traditionnels pots en grès.
Le Brie de Meaux est un fromage au lait cru de vache, à pâte molle et à croûte fleurie traditionnellement présenté sous la forme d’un disque de 35 centimètres de diamètre pour une épaisseur de 2,5 centimètres.
Il est déjà fabriqué sous le règne des Carolingiens et a de tous temps eu les faveurs des rois de France. En 1980, le Brie de Meaux a obtenu le label Appellation d’Origine Contrôlée (AOC).
Une confrérie du Brie de Meaux a été créée en 1991 à l’initiative de la ville.

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