La crèche de noël, une tradition séculaire
Dès le début du mois de décembre, parfois même en novembre, les décorations des fêtes de fin d’année illuminent les rues de nos villes et villages.
Les sapins prennent place également à l’intérieur des maisons et, dans la plupart des foyers catholiques, les crèches sont installées sur la cheminée ou au pied de l’arbre de Noël.
Si la scène de la Nativité est représentée depuis de longs siècles dans nos églises, il n’en est cependant pas de même dans les maisons.
En France, il faut en effet attendre la Révolution pour voir cette tradition se répandre … dans la clandestinité.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir comment et pourquoi est apparue la coutume d’installer une crèche de Noël au cœur de nos maisons.
Un peu d’histoire
La Nativité
Il est actuellement convenu de situer la naissance de Jésus un 25 décembre à Bethléem. Si cette date et cette localisation sont traditionnellement retenues, elles ne correspondent vraisemblablement pas à la réalité.
En effet, si ses parents sont bien originaires de la ville de Nazareth, en Galilée, son lieu de naissance diffère selon les auteurs bibliques qui parlent de Capharnaüm, de Chorazeïn ou de Bethléem.
Paradoxalement, c’est cette dernière qui est la plus souvent admise mais il semble à présent certain que cette localité a été citée plus parce qu’elle répond à l’attente d’un Messie issu de la lignée du roi David que sur base d’une vérité historique. De même, sa date de naissance reste incertaine et est de toutes manières antérieure au début de notre ère, elle se situe entre -9 et -5. En effet, le règne d’Hérode le Grand mentionné dans les Écritures s’achève en -4.
Toujours selon les récits bibliques, Marie aurait déposé le nouveau-né dans une mangeoire après s’être abritée dans une étable en compagnie de son époux, Joseph. Il est plus probable que le couple logeait en réalité chez des proches. Le rez-de-chaussée des maisons servait à cette époque d’abri pour les animaux. Par ailleurs, Saint-Matthieu raconte que la scène de l’adoration des Rois Mages se déroule dans une « oikos » ce qui correspond à une maison de taille modeste.
Précisons également que l’auge de pierre qui a servi de berceau à l’enfant Jésus est à l’origine du mot « crèche », dérivé du latin « cripia ».
Enfin, si les chrétiens fêtent la naissance du Christ le 25 décembre, cette date ne repose sur aucun élément concret puisque les Évangiles ne précisent même pas à quelle période de l’année se sont déroulés ces événements.
Le 25 décembre ne remplace le 6 janvier pour la célébration de la fête de Noël qu’au 4ème siècle. A cette époque, le pape Libère qui souhaite établir un calendrier combinant les fêtes païennes et religieuses, fait correspondre la Noël à la fête du solstice d’hiver.
La Noël remplace dès lors la fête donnée en l’honneur du « Sol Invictus » (soleil invaincu), une divinité romaine qui occupait une place importante dans le panthéon sous l’empereur Aurélien.
Cette fête appelée « dies natalis solis invicti » avait en effet lieu le 25 décembre, date du solstice d’hiver du calendrier julien.
A l’heure actuelle, seuls les membres de l’Église apostolique arménienne ont conservé la date du 6 janvier pour célébrer la Nativité. Dans le reste du monde chrétien, cette date correspond à l’arrivée des Rois Mages ou au baptême du Christ.
L’an 1 marquant le début de l’ère chrétienne (ou ère commune) a cependant été adopté par convention par l’ensemble des nations. Il a été fixé sur base des recherches de Denys le Petit, un religieux du 6ème siècle chargé de calculer l’ « Anno Domini » (année de naissance de Jésus-Christ).
La célébration de Noël
Il faut donc attendre le 4ème siècle pour que la Noël devienne une fête chrétienne à part entière. La première mention d’une telle célébration remonte à 336.
A l’origine, cette fête est ouverte à toutes les religions mais elle devient exclusivement chrétienne dès l’année 380, selon les termes de l’ « Édit de Thessalonique » qui interdit les cultes païens et fait du christianisme la seule religion de l’Empire romain.
Dès le Moyen-Âge, la Noël est considérée comme l’une des plus importantes fêtes du monde chrétien.
De nos jours, elle dépasse bien souvent le cadre religieux et est devenue une fête familiale, une occasion de se réunir autour d’un bon repas et de faire plaisir à ses proches.
Cependant, certaines traditions restent vivaces, notamment la Messe de Minuit, la crèche ou encore la bûche de Noël.
Les crèches de Noël
Des scènes de la Nativité sont représentées par les artistes dès le 3ème siècle et la Noël est célébrée à partir du 4ème siècle. Il faut cependant attendre bien plus longtemps pour voir apparaître les premières crèches.
En effet, après avoir condamné le théâtre et excommunié les comédiens qu’elle estime immoraux, l’Église se réapproprie cet art vers le 10ème siècle. Les messes combinent alors liturgie, chants grégoriens et tropes poétiques. Ces représentations ont pour mission d’attirer les fidèles devenus rares.
Les « miracles » et les « mystères » mettent en scène des personnages bibliques représentés par des figurines. Très vite, des saynètes sont jouées par des prêtres ou des personnes de l’assistance. Parmi les miracles et mystères joués dans les églises, les « jeux de la Nativité » mettent en scènes anges, rois mages et, dans un second temps, Hérode, le « méchant » de l’histoire.
De religieuses, les scènes deviennent profanes et scandalisent par les propos souvent crus.
Le clergé réagit en interdisant les miracles au sein des églises. Les représentations se déroulent dès lors sur les parvis ou sur les marchés ce qui favorise l’indépendance de cette forme de théâtre. Le thème de la Nativité n’est cependant pas abandonné et côtoie des sujets populaires.
En 1548, les mystères sont interdits sur décision du Parlement de Paris.
Entre-temps, et selon la légende, François d’Assise, fondateur de l’Ordre des Frères Mineurs (Franciscains) est le premier à créer une crèche vivante en 1223, dans une grotte de Greccio, en Italie.
Elle se différencie des scènes jouées par des acteurs car il ne s’agit plus de tableaux ou de spectacles mais bien d’une représentation statique de la naissance du Christ.
François d’Assise veut ainsi permettre aux chrétiens de se recueillir pour célébrer la naissance de Jésus alors que l’accès de la Basilique de la Nativité de Bethléem leur est interdit depuis la prise de la ville par les musulmans.
Cette première véritable crèche comprend déjà les éléments essentiels de nos modèles actuels, notamment l’âne et le bœuf ainsi que la mangeoire où repose l’enfant. Les personnages sont joués par des villageois.
Le succès est au rendez-vous et la tradition se répand au-delà des frontières italiennes et notamment dans les oratoires franciscains établis dans le sud de la France.
Dans de nombreux cas, les acteurs sont néanmoins remplacés par des figurines grandeur nature, en bois ou en terre, ce qui permet à la crèche d’être accessible sur une plus longue période.
Au fil des siècles, la tradition se perpétue au sein des églises et les crèches évoluent notamment grâce à la mécanisation. Elles prennent également des dimensions plus restreintes ce qui leur permet d’être moins chères et plus faciles à transporter et à entreposer.
Les crèches domestiques
Les Jésuites introduisent les crèches miniatures qu’ils utilisent pour leur enseignement tandis que les toutes premières crèches domestiques voient le jour vers la fin du 16ème siècle. Cette tradition reste cependant réservée aux classes sociales élevées.
En France, la Révolution de 1789 abolit non seulement la monarchie mais s’attaque également à l’Église en la dépouillant de ses possessions qui deviennent des « biens nationaux » qui sont souvent vendus afin de combler le déficit de l’État.
Parallèlement, les ordres religieux sont supprimés, la plupart des églises sont fermées et seules les institutions comme les hôpitaux ou les écoles peuvent continuer leurs activités. Les membres du clergé ont dorénavant le statut de fonctionnaires et doivent prêter serment afin de recevoir un salaire et une pension.
Différentes mesures sont également prises et notamment l’interdiction d’installer des crèches dans les lieux publics ou de célébrer les messes de minuit.
C’est ainsi que les crèches rentrent dans la clandestinité et intègrent l’intérieur des foyers catholiques en France.
Elles représentent généralement des grottes ou des paysages de rocailles plus ou moins détaillés dans lesquels sont placées des petites figurines en mie de pain, en cire ou parfois en verre.
C’est à cette époque qu’apparaissent également les santons provençaux, petites statuettes représentant non seulement les personnages traditionnels des crèches mais également les différents métiers comme le meunier ou la porteuse de fagots.
Bien que les crèches retrouvent leur place dans les églises dès le début du 19ème siècle, leurs « cousines » miniatures conservent leur place à l’intérieur des maisons.
Les créateurs rivalisent d’imagination pour proposer crèches et personnages originaux tandis que des modèles moins chers en plâtre permettent aux plus défavorisés d’avoir eux aussi leur crèche de Noël.
Et aujourd’hui ?
L’installation des crèches dans les maisons est une tradition qui se perpétue de génération en génération même si le côté religieux est largement estompé par le côté festif.
En revanche, des polémiques sont nées autour des crèches considérées comme des symboles religieux ou culturels, dans les endroits publics en France.
Selon la décision du Conseil d’État en date du 9 novembre 2016 :
le principe de neutralité interdit l’installation par des personnes publiques, de signes ou emblèmes qui manifestent la reconnaissance d’un culte ou marquent une préférence religieuse (…) sur des monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions.
Les crèches peuvent cependant être tolérées à titre exceptionnel et sous conditions si elles présentent « un caractère culturel, artistique ou festif (…) sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou une préférence religieuse ».
La visite
Le musée de la crèche
Afin de mieux découvrir l’évolution des crèches, nous vous proposons de visiter le « Musée de la Crèche » de Chaumont qui présente une collection exceptionnelle de crèches napolitaines du 18ème siècle. Ces crèches apparues en Italie dès le 14ème siècle se caractérisent par les personnages aux vêtements colorés et richement brodés souvent de grande taille et les décors particulièrement travaillés. Ils combinent rochers, ruines romaines et différents éléments paysagers.
On peut également y admirer des modèles en terre cuite et en verre filé ainsi que des tableaux représentant des scènes de la Nativité.
En pratique :
Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai, de 14 à 18 hr.
Musée de la Crèche
Rue des Frères Mistarlet
52000 Chaumont
Tel : 03 25 03 86 80
Site web : http://www.tourisme-chaumont-champagne.com/patrimoine-culturel/musee-de-la-creche-chaumont,fr,16,pcu16
Le Musée de la fève
Le Musée de la fève, des crèches et traditions populairessitué à Blain, dans le Val-de-Loire, présente de nombreuses collections d’objets du quotidien et des reconstitutions de boutiques 1900. On peut y admirer des crèches des différentes régions françaises mais également des autres pays ainsi qu’une collection de plusieurs milliers de fèves des rois.
En pratique :
Le musée est ouvert toute l’année, du mardi au vendredi, de 10 à 12 et de 14 à 17hr30.
La visite est libre et l’accès est gratuit. Il est toutefois possible de demander une visite guidée pour les groupes
Musée de la fève, des crèches et traditions populaires
2 Place Jean Guihard
44130 Blain
Tel : 02 40 79 98 51
Mail : musee.de.blain@wanadoo.fr
Site web : https://museedeblain.wordpress.com