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Des Dionysies aux Goliards et à la Basoche, la naissance du théâtre

Durant le Moyen-Âge, des étudiants issus des classes défavorisées menaient une vie itinérante sur les routes de France, les uns pour s’instruire, les autres pour dispenser leur enseignement contre quelques pièces ou une maigre pitance.
Ces étudiants vagabonds appelés « Goliards » ou « Bachants » étaient mal considérés car ils étaient à l’origine de troubles en raison de leur grande liberté de mœurs et de paroles.
Le terme goliard s’appliquait également aux clercs qui après avoir étudié dans des grandes écoles ou universités s’étaient rebellés contre l’Église responsable, selon eux, de graves désordres et d’abus.
Les Goliards désabusés s’exprimaient à travers des chansons paillardes, des poèmes ou des pièces de théâtre et on leur doit notamment de nombreuses pages des Carmina Burana.

Le théâtre trouve une nouvelle expression lorsque les clercs de justice appartenant à la communauté de la « Basoche » donnent des représentations sous forme de saynètes ou de farces qui brossent un tableau féroce de la politique et de l’Église de la fin du 14ème siècle.

Partons à la découverte de ces artistes ou scribouillards qui ont jeté les bases de notre théâtre satirique.

Les premières formes théâtrales

Les hommes ont très vite éprouvé le besoin de communiquer et de s’exprimer par la voie artistique. Dès la préhistoire, ils ornent les parois des abris et grottes d’incroyables peintures et gravures et décorent la poterie de motifs de plus en plus raffinés. Parallèlement, ils adoptent des rites funéraires et cultuels qui se complexifient au fil du temps.
Les plus anciens instruments de musique retrouvés à l’heure actuelle, des os percés de quelques trous, datent de plus de 35.000 ans mais il est possible et même probable que les hommes marquaient déjà le rythme ou exprimaient leurs sentiments en battant des pieds ou en frappant des pierres les unes contre les autres. De là à imaginer qu’ils connaissaient déjà une certaine forme de chant et de danse, il n’y a qu’un pas.
Ne peut-on pas déjà rapprocher ces pratiques d’une certaine forme de représentation ?
La danse et le chant qui servaient peut-être à communiquer avec les divinités lors de cérémonies ou à tenter d’apaiser la nature étaient certainement sommaires, quelques incantations, quelques mouvements saccadés, mais ils évoquent déjà la musique, le théâtre et le ballet que nous connaissons.

La naissance de la tragédie et de la comédie

Des représentations théâtrales étaient probablement déjà données aux alentours du 2ème millénaire avant JC en Chine et en Inde mais attachons-nous plus spécialement à l’évolution du théâtre en Europe.
Durant l’Antiquité, les Grecs construisent d’immenses amphithéâtres en plein air pour donner des représentations issues des fêtes données en l’honneur de Dionysos, dieu de la vigne et du vin.
A l’occasion de ces festivités, des concours musicaux et des joutes oratoires appelées « agôns » sont organisés (à ne pas confondre avec les agôns sportifs organisés durant les jeux).
Au cours des Dionysies, les participants s’affrontent en proposant des pièces tragiques tandis que durant les Lénéennes, ils présentent des pièces comiques.
C’est à la fin du 6ème siècle avant JC que naissent les deux composantes du théâtre grec, la tragédie et la comédie qui vont devenir les supports du théâtre à travers les époques.

Une origine religieuse

La comédie comme la tragédie trouvent leur origine dans la religion puisqu’elles sont associées au culte de Dionysos. Les œuvres tragiques de Eschyle, Sophocle ou encore Euripide ainsi que les comédies d’Aristophane sont aujourd’hui encore représentées dans les théâtres antiques, notamment dans celui d’Epidaure, édifié au 3ème siècle avant notre ère, qui profite d’une acoustique exceptionnelle. Il était à l’origine utilisé pour les concours organisés en l’honneur d’Asclépios, dieu de la médecine.
Les auteurs vont toutefois prendre de plus en plus de libertés et introduire des éléments nouveaux comme des critiques de la société, des dieux et de la politique ainsi que des scènes plus grivoises. La mission des comédies est de faire rire le public et, pour ce faire, les acteurs revêtent des déguisements burlesques, parodient des personnages publics et jouent avec les mots.

Les Romains s’inspirent des Grecs et adoptent les « jeux scéniques » au 4ème siècle avant notre ère. A l’origine, les pièces sont de simples traductions des œuvres grecques et sont uniquement données lors de fêtes religieuses.
A partir du 2ème siècle avant JC, le théâtre romain se dissocie du théâtre grec et la tragédie est bien souvent abandonnée au profit de la comédie qui remporte un réel succès auprès du public. C’est l’époque du théâtre « atellane », ancêtre de la « commedia dell’arte ».
Afin de toujours mieux répondre aux attentes des spectateurs, les pièces classiques sont totalement abandonnées durant les premiers siècles de notre ère. Elles sont remplacées par des spectacles plus proches de la plèbe comme les jeux de cirque et les combats de gladiateurs.

La condamnation de l’Église

Lorsque le christianisme devient la principale religion dans la plus grande partie de l’Europe, l’Église n’apprécie pas le côté satirique des auteurs qui n’hésitent pas à se moquer des chrétiens. Elle condamne le théâtre en général et excommunie les comédiens – et a fortiori les comédiennes – qu’elle juge immoraux voire libertins. Pendant plusieurs siècles, le théâtre disparaît du paysage en Europe.
Dorénavant, seuls les ménestrels et autres troubadours, itinérants ou attachés à une seigneurie, transmettent oralement les chants et les poèmes en France. Chargés de divertir les nobles ou le peuple, ils vantent généralement les exploits des grands du royaume, n’hésitant pas à embellir la réalité lorsqu’ils n’inventent pas des événements ou des personnages sortis de leur imagination, monstres ou géants.
A l’origine, les chansons de geste écrites en langue d’oc ou d’oïl parlent principalement de faits de guerre mais, à partir du 11ème siècle, elles vont aborder des sujets plus légers et conter les amours parfois heureuses, parfois malheureuses des belles dames et des preux chevaliers.

Lorsque l’Église utilise le théâtre

Paradoxalement, l’Église qui avait condamné le théâtre au début de l’ère chrétienne, se tourne vers ce mode de communication pour redorer son blason. Elle détourne les anciennes fêtes païennes traditionnelles à son profit et les messes deviennent de véritables représentations lorsque des « tropes » poétiques se mêlent aux chants grégoriens dès le 10ème siècle.
Des drames liturgiques sont joués dans les édifices religieux, monastères, abbayes ou simples églises si bien que des agencements sont réalisés pour accueillir une scène et un décor. De plus, dans un but de vulgarisation, le latin est abandonné au profit des langues vernaculaires tandis que la description des personnages devient caricaturale.

Des miracles au théâtre indépendant

A l’origine, les petites pièces présentées au sein des églises abordent des thèmes strictement religieux. Appelées « miracles » ou « mystères », elles présentent des événements tirés de la Bible. Le sujet principal est la « Passion du Christ ».
Dans un premier temps, les personnages sont représentés par des figurines mais très vite des acteurs sont choisis parmi les prêtres et les fidèles.
Les miracles se déroulent généralement en plusieurs scènes et le public est obligé de se déplacer dans l’église pour suivre les différents actes.
Le but poursuivi par le clergé est atteint et même dépassé car les fidèles ne viennent plus assister à une messe mais bien à un spectacle qui va bientôt introduire des éléments profanes voire scandaleux dans les scènes.
C’est pour cette raison que le clergé « sort » les miracles de ses églises tout en gardant un œil sur les représentations qui ont dorénavant lieu sur le parvis ou sur les places à l’occasion des foires et marchés. Petit à petit, le théâtre prend ses distances avec la religion et acquiert son indépendance. Les acteurs sont recrutés parmi la population et les pièces sont de plus en plus satiriques, fantastiques et burlesques. D’autres artistes, conteurs, bateleurs (ou jongleurs) et musiciens interviennent également durant les représentations.

Les clercs de la Basoche et les Goliards

La vulgarisation des anciennes pièces liturgiques et la sortie des miracles de l’église provoquent des vocations parmi la population et notamment parmi les étudiants (ou clercs) qui en profitent pour régler leurs comptes avec la société et l’Église.
Souvent désignés sous le nom de « Goliards », ils ont tous les culots et s’en prennent aux piliers de la communauté, n’hésitant pas à aborder des sujets tabous et à désacraliser la papauté. Ils composent également des ballades d’amour souvent dans des termes crus et des chansons à boire qui donneront naissance à nos chansons paillardes et estudiantines.

Selon les différentes sources, le terme « goliard » pourrait évoquer « Goliath », le géant philistin ennemi des chrétiens. Cette étymologie est à rapprocher du manque de respect des clercs vis-à-vis de la religion.
Une autre explication avance que les Goliards étaient des disciples de Pierre Abélard, un philosophe et théologien du 12ème siècle célèbre pour ses amours aussi libres que tragiques avec Héloïse ce qui lui valut la castration. Il s’était également opposé à l’enseignement prôné par le moine cistercien Bernard de Clairvaux.
Se pourrait-il que les œuvres « goliardes » signées du nom de Goliath soient en réalité des écrits d’Abélard ? Rien ne permet de confirmer ou d’infirmer cette thèse mais les thèmes abordés font bel et bien partie des sujets préférés du professeur.
D’autres historiens évoquent le nom de l’évêque Golias qui serait lui aussi auteur de pièces satiriques mais aucune mention de cet évêque n’a été retrouvée.

Sous le règne des rois de France issus de la dynastie des Capétiens (987 – 1328), les souverains et leur cour résidaient dans le palais de la Cité à Paris. Dès cette époque, une partie des bâtiments est réservée à la justice. Les membres des différentes professions liés à la justice sont alors désignés sous le nom de « Clercs de la Basoche » ou « Clercs du Palais ». Basoche tiré du latin basilica fait référence au sens civil du terme basilique, c’est à dire un édifice public destiné au commerce, à la finance et à la justice.

A l’instar des Goliards, les « Basochiens »écrivent et interprètent des pièces de théâtre, principalement des « moralités ».
Ces petites pièces à thème religieux ont la particularité de donner une leçon morale et de mettre en scène des personnages issus des paraboles de l’Évangile. Elles sont jouées non seulement à Paris mais également dans les villes de Toulouse, Bordeaux, Grenoble et Dijon, sièges des différentes basoches provinciales.
Comme les mystères, les moralités ont peu à peu dévié de leur fonction première et ont pris un tour plus populaire et surtout plus comique.
Dans le courant du 15ème siècle, les « Enfants Sans-Souci », des Basochiens organisés en confréries, inventent un genre théâtral nouveau, la « sotie », combinant moralité et farce médiévale. Les soties égratignent parfois avec férocité la politique et la religion. Curieusement, les rois qui ne sont cependant pas épargnés apportent leur soutien aux Enfants Sans-Souci et vont même tenter de les manipuler pour mieux faire passer leurs décisions et pour obtenir le soutien du peuple contre l’autorité pontificale.

Les soties et les moralités des Basochiens sont censurées dans la seconde moitié du 15ème siècle avant d’être totalement interdites sous le règne de Henri III.

Goliards, jongleurs, bateleurs, ménestrels, Basochiens nous ont tous offert les bases d’un théâtre indépendant qui prend le risque de déplaire aux puissants pour amuser et divertir le public mais également pour lui donner une vision satirique de la société.
Le théâtre est porteur de message et peut être vecteur de révolte.

En raison de leur réputation sulfureuse qui leur vaut régulièrement des ennuis avec la justice, les auteurs de ces pièces si dérangeantes ont souvent gardé l’anonymat. Seuls quelques noms nous sont parvenus, notamment Hugues d’Orléans dit Primat, Rutebeuf, poète et jongleur, Jehan d’Abundance ou encore Pierre de Blois et Philippe le Chancelier, deux des auteurs de Carmina Burana, un recueil de chants profanes et religieux du 13ème siècle.

Durant la Renaissance, on assiste au retour des pièces classiques et à l’abandon des formes théâtrales médiévales jugées trop subversives.
A la fin du 16ème siècle, la comédie subit le même sort et est interdite par le Parlement de Paris en 1588. Et pourtant, à la même époque, la « commedia dell’arte » interprétée par des acteurs masqués prend naissance en Italie
La tragédie antique se réinstalle en France tandis que les soties, mimes et farces passent à la clandestinité. On assiste aux représentations d’œuvres de Robert Garnier, d’Antoine de Montchrestien et, plus tard de Pierre Corneille.

Il faut attendre le 17ème siècle pour revoir des comédies sur les planches des grands théâtres ou dans les salons royaux. Jean-Baptiste Poquelin mieux connu sous le nom deMolièredevient le symbole de ce genre littéraire et ses pièces connaissent un succès qui n’a jamais cessé.

Musée et festivals

Musée du Théâtre Forain

Dans la région Centre-Val de Loire, au cœur du Loiret, la petite commune d’Artenay abrite un musée unique en Europe, dédié au théâtre forain, installé dans une ancienne ferme beauceronne.

A travers de belles collections de décors, de costumes et de documents, les visiteurs découvrent quatre siècles de l’histoire des théâtres ambulants qui sillonnaient les routes de France pour s’installer quelques heures sur les places publiques afin de divertir les enfants et les adultes.

Le musée propose également des spectacles durant la saison culturelle ainsi que des activités réservées aux jeunes enfants.

En pratique :

Le musée se découvre en visite libre ou commentée et propose un livret-jeux pour les enfants à partir de 6 ans, une manière ludique d’apprendre et de comprendre l’histoire du théâtre itinérant.
La visite dure approximativement 1 heure et comprend la découverte d’une authentique roulotte de théâtre.
Le musée est accessible aux personnes à mobilité réduite.
Le musée est ouvert chaque après-midi du mercredi au vendredi ainsi que les 1ers et 3èmes week-ends du mois.

Musée du Théâtre Forain
Quartier du Paradis
45410 Artenay
Tel : 02 38 80 09 73
Mail : musee.artenay@wanadoo.fr
Site web : http://www.musee-theatre-forain.fr

Festivals de théâtre

De nombreux festivals de théâtre se déroulent chaque année en France. Le plus ancien d’entre eux qui occupe le théâtre antique d’Orange a été créé en 1869. Il accueille aujourd’hui les plus grands artistes du chant lyrique lors des Chorégies.
Depuis cette date, près de 60 festivals consacrés à la scène ont vu le jour aux quatre coins du pays.

Les plus connus sont :

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