De Samain à Halloween
Chaque année, friandises et chocolats attendent les enfants qui viennent frapper aux portes des maisons dans la soirée du 31 octobre. On pense souvent que cette tradition d’Halloween nous vient des États-Unis et pourtant c’est bien en Europe, qu’elle a pris naissance, il y a plusieurs millénaires.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’origine de notre Halloween et de plonger au cœur de la culture celtique pour assister à la fête du Samain.
Un peu d’histoire
Au cours du 1er millénaire avant notre ère, des peuples celtiques d’origine indo-européenne appartenant aux civilisations de Hallstatt et de La Tène migrent de l’Europe centrale vers l’Europe de l’Ouest et s’installent dans la plus grande partie de la France mais également dans les îles Britanniques, dans la péninsule ibérique, en Belgique et aux Pays-Bas.
Ils emmènent dans leurs bagages une culture déjà bien développée ce qui transforme totalement la société. Rites funéraires complexes, oppida, production de longues épées en bronze et de bijoux, les Celtes se sont fermement implantés dans les différentes contrées.
Parmi les apports celtiques, la mythologie occupe une place importante. Comme les autres civilisations protohistoriques, les Celtes observent une religion polythéiste et les druides servent à la fois de liens entre les dieux et les hommes et de gardiens des traditions et du savoir.
Quatre grandes fêtes religieuses ponctuent l’année :
- Imbolc, probablement une fête purificatrice qui se déroule le 1er février
- Beltaine, une fête de passage entre la saison obscure et la saison claire qui se déroule le 1er mai
- Lugnasad qui célèbre les récoltes et par conséquent l’abondance, le 1er août
- et enfin Samain qui fête à la fois le début de la saison obscure et le début d’une nouvelle année. Elle se déroule pendant une semaine, autour du 1er novembre.
Samain
La fête de Samain est donc l’un des moments forts de l’année celtique. Elle annonce le début de la période sombre, la fin des occupations traditionnelles comme les activités agricoles mais aussi les conquêtes ou la chasse.
Les Celtes organisent de grands banquets réunissant les trois classes sociales à savoir les druides, le roi et ses guerriers et enfin les artisans. Ces festins se terminent souvent en beuveries tandis que les druides effectuent les différents rituels.
Le Samain qui débute trois jours avant le 1er novembre pour se terminer trois jours après, est également considéré comme une période propice à la communication avec les divinités et avec les défunts car les portes de l’Autre Monde sont ouvertes. C’est donc un moment rempli de magie et de mystère.
Si la fête de Samain est principalement attestée dans la littérature irlandaise car c’est dans ce pays que la la culture celtique a le mieux résisté, il est certain que les rites et fêtes ont largement été observés dans les régions françaises avant la conquête des Gaules par les Romains.
Le calendrier de Coligny
La plus ancienne inscription mentionnant le Samain en France se retrouve sur le « calendrier de Coligny » découvert dans l’Ain en 1897.
C’est en effet cette année-là qu’un agriculteur trouve des morceaux de bronze dans un champ situé le long de l’ancienne voie romaine menant de Lugdunum (Lyon) à Lons-le-Saunier, ancien territoire des Séquanes, dans le Jura.
Ces fragments achetés par le Musée des Beaux-Arts de Lyon sont patiemment assemblés ce qui permet de reconstituer une statue de taille humaine représentant une divinité, peut-être le dieu Mars ou le dieu celtique Lug, et un calendrier.
Bien qu’il manque environ la moitié de la tablette, ce calendrier daté du 2ème siècle de notre ère se révèle être une source exceptionnelle de documentation concernant les connaissances des Celtes.
A l’origine, le calendrier mesurait approximativement 90 cm sur 1m48. 149 pièces ont été découvertes ce qui représente un peu plus de la moitié de la surface totale. Malgré les nombreuses lacunes, on découvre que le calendrier est divisé en 16 colonnes de 8 blocs. Chaque bloc représente une quinzaine mais seuls 124 d’entre eux portent des inscriptions ce qui permet d’affirmer que la période couverte est de 62 mois.
Des petits trous sont visibles à côté de chaque jour. Ils étaient destinés à recevoir une petite goupille indiquant la date.
Il est intéressant de découvrir que les auteurs du calendrier ont utilisé les caractères latins mais que le texte est en langue celtique ce qui a permis de découvrir quelques dizaines de nouveaux mots appartenant à cette langue mais bon nombre d’entre eux restent encore aujourd’hui non traduits.
On a cependant pu déterminer qu’il s’agit d’un calendrier luni-solaire couvrant un cycle de cinq années. Chacune d’entre elles est divisée en douze mois de 29 (matu) ou de 30 (anmatu) jours subdivisés en quinzaines.
Afin de faire correspondre le calendrier au cycle réel du temps, deux mois intercalaires sont ajoutés, l’un au début de la période et le second au milieu de la troisième année.
Cependant, sur une période de 30 ans ce qui correspond à un siècle pour les Celtes, un nouveau décalage de l’ordre de près de 29 jours se remarque. C’est pour cette raison que l’un des deux mois intercalaires est alors supprimé dans le dernier cycle de 5 ans du siècle.
En conclusion, le nombre de jours varient d’une année à l’autre mais le cycle de 30 ans est perpétuel.
Ce qui est intéressant c’est que le 1er mois de l’année, Samonios qui débute par la fête du Samain et correspond à notre mois de novembre est bien indiqué sur ce calendrier en langue celtique qui date pourtant de la période d’occupation romaine. Cela confirme que les druides celtes ont des connaissances en astronomie bien antérieures à la conquête des Gaules.
Les rituels
Comme nous l’avons vu, la fête de Samain dure une semaine et englobe le jour de pleine lune du mois de novembre.
Cette période est considérée comme une parenthèse entre deux années et surtout entre la clarté et l’obscurité. Après la fête, les activités tant agricoles que guerrières sont suspendues. Différents rites sont observés, notamment la renaissance du feu. Tous les feux du village sont éteints à la tombée du jour et c’est le druide qui est chargé de rallumer un nouveau feu en utilisant du bois de chêne sacré. Chaque villageois reçoit alors quelques braises afin de rallumer son propre foyer.
Les festivités se terminent par des festins.
Petit à petit, la fête de Samain est tombée dans l’oubli dans la plus grande partie de la France. Il faut cependant noter que la Bretagne, la plus celtique des régions françaises, a conservé l’habitude de laisser un peu de nourriture sur les tables et de raviver le feu avant d’aller dormir le soir du 31 octobre. Les Bretons souhaitent ainsi honorer leurs morts dont les âmes reviennent sur terre dans la nuit précédant la Toussaint.
Cette coutume qui a survécu jusqu’à la fin du 19ème siècle est certainement un héritage de la fête gauloise.
Halloween
Comme la plupart des fêtes d’origine païenne, le Samain a bénéficié d’une « christianisation ». Dans la première moitié du 9ème siècle, le pape Grégoire IV déplace officiellement la date de la Toussaint du 13 mai au 1er novembre. Les deux fêtes sont assimilées l’une à l’autre. De plus, au siècle suivant, une fête est célébrée en l’honneur des défunts, le lendemain de la Toussaint, soit le 2 novembre. Il est difficile de ne pas associer cette commémoration à la fête du Samain qui permet aux défunts de communique avec les vivants.
Si la Toussaint et le Jour des Morts ont persisté au fil des siècles pour arriver jusqu’à nous, le Samain a peu à peu disparu de nos régions.
Il n’en est cependant pas de même en Irlande, un pays où la culture celte reste vivace.
Lorsque les Irlandais fuyant la Grande Famine qui ravage leur pays de 1845 à 1852, ils émigrent notamment vers les États-Unis et emportent leur culture et leurs coutumes dans leurs bagages.
C’est ainsi que prend naissance la fête d’Halloween dans le « Nouveau Monde ».
Bien des années plus tard, elle fait son grand retour en Europe ce qui explique que beaucoup de personnes pensent que Halloween est une fête américaine alors qu’elle a pris naissance, il y a bien longtemps, en Europe.
De nos jours, les enfants déguisés en squelettes, sorcières ou citrouilles se rassemblent dans la soirée du 31 octobre et vont de maison en maison pour réclamer quelques friandises … sous la surveillance de leurs parents, bien entendu. Si les personnes refusent, ils les menacent de leur jeter un sort !
La fête d’Halloween est largement « exploitée » par les commerçants qui profitent de cette occasion pour vendre non seulement les bonbons mais également des décorations effrayantes et des déguisements.
Côté cuisine, l’imagination est sans limite pour proposer des mets étranges, doigts de sorcières, soupe aux yeux ou petits biscuits en forme de fantômes.
L’ingrédient phare de cette période est bien entendu le potiron qui se décline en une multitude de versions, du potage au dessert.