Peyrebeille: les aubergistes coupables ou victimes de rumeurs ?
Nous sommes en 1833, les époux Martin, aubergistes de leur état, et leur domestique Jean Rochette sont guillotinés à Lanarce, en Ardèche, à l’issue d’un procès qui a passionné toute la région.
Accusés d’avoir commis une série de crimes et méfaits plus horribles les uns que les autres, ils sont finalement condamnés à mort pour un seul meurtre, celui du maquignon Jean-Antoine Enjolras, quelques vols et tentatives d’assassinat.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’histoire de l’« Auberge rouge de Peyrebeille » et de ses tenanciers. Coupables ou innocents? A l’heure actuelle, il n’y a aucune certitude. Nous vous livrons les faits tels qu’énoncés à l’époque au cours du procès. Les rumeurs, les jalousies, les haines, les dysfonctionnements d’une justice parfois expéditive voire partiale ont-ils fait condamner des innocents?
A vous de juger
Un peu d’histoire
En 1815, Napoléon 1er abdique pour la seconde fois après la défaite décisive de son armée face aux troupes de la coalition, à Waterloo. Louis XVIII remonte sur le trône, le 18 juin.
La Seconde Restauration commence dans la violence. De nombreux mouvements menés par les anti-bonapartistes et soutenus par les compagnies royalistes appelées « Verdets » sont à l’origine de massacres visant les partisans de l’empereur, principalement en Vendée, en Bretagne et dans le Midi de la France. Cette période proche de la guerre civile est baptisée « Terreur blanche ».
La situation est particulièrement chaotique dans toute la région correspondant à l’actuel Languedoc-Roussillon. Les autorités comme les magistrats ne tentent pas d’intervenir, la plupart d’entre eux préfèrent même la fuite à la confrontation. Le bilan n’est guère meilleur au sein de l’armée en raison d’un taux élevé de désertions.
Le pays est en crise et quelques élites ultraroyalistes tentent d’en profiter pour prendre une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement officiel. C’est notamment le cas du duc d’Angoulême qui s’installe à la tête de l’administration à Toulouse.
Parallèlement, des milices officielles issues des gardes nationales et combattant les « patriotes » voient le jour dans les grandes villes.
Les dernières associations patriotes disparaissent ou deviennent clandestines tandis que les royalistes se réunissent dorénavant ouvertement.
Un véritable sentiment d’incertitude et donc d’insécurité grandit au sein de la population qui craint pour l’avenir.
Il devient urgent pour le roi de trouver un moyen de mettre un terme à cette période de violences. C’est ainsi que des troupes étrangères composées d’Anglais et d’Autrichiens s’installent dans le midi afin d’assurer la sécurité et d’endiguer la vague de méfaits commis par une partie des royalistes. N’oublions pas que la France est en effet occupée de 1815 à 1818 par les alliés, selon les termes du « second traité de Paris » signé en novembre 1815.
Cette transition permet aux rangs des forces de l’ordre françaises de se renforcer et de se réorganiser. Les royalistes modérés sont intégrés dans les légions départementales et luttent contre les agitateurs et même contre les élus locaux qui tolèrent leurs exactions. Ils obtiennent également les places les plus importantes au sein de l’administration.
En revanche, les patriotes soupçonnés d’avoir commis quelque atrocité contre les royalistes durant les « Cent Jours » sont traduits devant la justice et sévèrement punis.
La situation économique s’améliore tout doucement ce qui permet le retour à une certaine stabilité politique dans le pays.
Petit à petit, la noblesse retrouve une partie de ses privilèges sociaux même si l’administration est à jamais marquée par la révolution et qu’un total retour à l’Ancien Régime est exclu.
Louis XVIII dissout par ailleurs la Chambre des députés des départements composée d’ultraroyalistes en septembre 1816. La « chambre dite introuvable » prend en effet de nombreuses décisions favorables à un retour du pouvoir absolu du souverain. Les différentes lois répressives sont à l’origine de plusieurs milliers de condamnations pour raison politique à l’encontre des anciens partisans de l’Empire. La « terreur » est désormais légale ce qui ouvre la porte à un véritable système d’épuration.
Devant la prise de pouvoir toujours plus importante de la chambre, le gouvernement prend donc la décision de la dissoudre et de la remplacer par une assemblée plus modérée et plus libérale.
Le 12 septembre 1824, le roi décède dans d’horribles souffrances, des suites du diabète et de la goutte. Son frère Charles-Philippe de France lui succède sous le nom de Charles X. Âgé de 66 ans et très attaché aux principes de l’Ancien Régime et de l’Église, il se montre moins tolérant que son prédécesseur et surtout favorable aux ultraroyalistes.
Une série de lois et de projets de lois visant à rétablir une monarchie plus absolue provoque une crise politique qui arrive à son paroxysme lorsque le roi nomme le prince Jules de Polignac, considéré comme un royaliste doublé d’un bigot, aux postes de ministre des Affaires étrangères et de président du Conseil, en 1829.
La colère gronde d’autant plus que deux autres ministres, le comte François-Régis de la Bourdonnaye et le comte Louis de Bourmont sont tout aussi impopulaire, le premier pour avoir joué un rôle actif durant la Terreur blanche et le second pour avoir trahi Bonaparte.
Or, les députés siégeant à la Chambre restent majoritairement libéraux. Le 16 mars 1830, ils manifestent leur défiance vis-à-vis du ministère de Polignac dans l’ « adresse des 221 ». Afin de contrer ce mouvement de rébellion, le roi dissout l’assemblée et fait organiser des élections en juin 1830. Il est en effet certain que le peuple va le suivre et lui permettre de se reposer sur une majorité royaliste. Or, les libéraux confortent leur position puisqu’ils obtiennent 53 sièges supplémentaires, désavouant ainsi le roi.
Celui-ci refuse cependant de céder et laisse Polignac à la tête d’une Chambre qui lui est défavorable et même hostile.
Persuadé qu’il peut encore renverser la situation en sa faveur par la force, il fait publier les « Ordonnances de Saint-Cloud », le 25 juillet 1830. Par celles-ci, il suspend la liberté de la presse, dissout – encore – la Chambre des députés, réduit le nombre de députés, réorganise le système électoral, convoque les collèges électoraux et nomment des ultras à des postes de conseillers d’État.
Ce qui devait, selon lui, redonner tout son pouvoir à la royauté provoque une véritable révolution connue sous le nom des « Trois Glorieuses » ou « Révolution de Juillet ». Elle aboutit à l’abdication de Charles X et à l’instauration de la Monarchie de Juillet.
Louis-Philippe 1er appartenant à la Maison d’Orléans devient roi des Français le 9 août 1830.
Modéré dans un premier temps, le roi devient de plus en conservateur. Paradoxalement, son règne est à la fois marqué par l’essor de l’industrie et par la paupérisation des classes populaires. Ces différences sociales de plus en plus marquées, une profonde crise économique et plusieurs scandales éclaboussant la noblesse provoquent une nouvelle révolution en 1848 ainsi que l’abdication et l’exil de Louis-Philippe.
L’affaire de l’Auberge rouge
C’est donc dans un climat politique et social tendu que se déroule l’affaire de l’auberge de Peyrebeille située sur le territoire de Lanarce, une petite localité de l’Ardèche.
La région n’échappe pas aux troubles qui suivent la Révolution de 1789 et le retour de la monarchie durant les Première et Seconde Restaurations.
Elle est le fief de nombreux royalistes qui tentent d’organiser une contre-révolution mais qui se heurtent aux troupes de l’ « armée de l’Intérieur » créée en 1792. De plus, des groupes de bandits sévissent dans la région où règne un climat de grande insécurité.
Après la défaite de Napoléon et la victoire de la Septième Coalition, les troupes alliées se déploient sur le sol français conformément au traité de Paris signé le 20 novembre 1815. L’Ardèche est occupée par les troupes autrichiennes jusqu’en 1818. Petit à petit, la région se développe grâce à l’implantation de nouvelles industries, l’ouverture de mines et surtout la construction du chemin de fer. La classe paysanne ne profite cependant que très peu de cet essor.
Nous sommes en 1831 lorsque l’affaire débute, suite à la découverte d’un corps à proximité de l’auberge des Martin.
Comme nous l’avons vu, cette époque est troublée par les affrontements entre libéraux et royalistes. Ces derniers sont d’autant plus mal vus que le droit de ramasser du bois traditionnellement accordé aux paysans vient d’être restreint afin de pouvoir approvisionner les scieries.
Or, il est notoire que Pierre Martin, propriétaire de la petite auberge de Peyrebeille né en 1773, est ultraroyaliste. Il n’a d’ailleurs jamais caché ses convictions. Il rend de nombreux services aux nobles revenus d’exil après le retour du roi et qui, grâce à lui, parviennent à racheter des terres à moindre prix. Il est même soupçonné de favoriser les « coupeurs de bois ».
Son épouse, Marie Breysse née en 1777, a même caché un prêtre après l’abolition des ordres religieux et la confiscation des biens de l’Église, après la Révolution de 1789.
Ces différents faits plus ou moins avérés ne sont pas les seuls motifs de rancœur à l’encontre des époux Martin. En effet, ces anciens paysans ont réussi à sortir de leur condition et ont même fait fortune notamment grâce au talent de cuisinière de Marie, ce qui a déclenché une vague de jalousie auprès des fermiers qui n’ont pas eu la même chance et qui doivent quotidiennement se battre pour survivre.
Enfin, Pierre Martin, prompt à la bagarre, est ce qu’on peut appeler une « grande gueule » et est craint par ses voisins qui n’oublient pas qu’il est issu d’une famille peu fréquentable.
Lorsque les soupons commencent à peser sur le couple d’aubergistes et sur leur domestique, Jean Rochette dit « Fétiche », né en 1785, l’occasion de se venger est trop belle pour la laisser passer.
Les témoignages affluent, tous plus accusateurs les uns que les autres. Exaltés, les détracteurs se lancent dans des accusations de plus en plus graves. Donnant libre cours à leur imagination, ils racontent des histoires à glacer le sang, montant en épingle la moindre anecdote, inventant quand ils ne savent pas ce qui s’est réellement passé.
La découverte du corps d’Antoine Enjolras
Le 26 octobre 1831, un corps est découvert sur le bord de l’Allier à quelques kilomètres de l’auberge des Martin. Il est rapidement identifié, il s’agit d’Antoine Enjolras (parfois mentionné sous le nom de Jean-Antoine Anjolras), un maquignon bien connu dans la région et porté disparu depuis une quinzaine de jours. Il apparaît que cet homme parti à la recherche de l’une de ses bêtes a au moins eu l’intention de passer la nuit à l’auberge de Peyrebeille, le 12 octobre. Il n’a plus donné signe de vie à partir de cette date.
Or, un témoin appelé Claude Pagès, s’est présenté le 25 octobre, aux forces de l’ordre. Il les informe qu’il a vu Pierre Martin, son domestique et un troisième homme, probablement son neveu André, transporter un corps de la victime dans une charrette entre l’auberge et le cours d’eau.
Une enquête diligentée par le juge Étienne Filiat-Duclaux est ouverte et les Martin sont entendus le même jour, la veille de la macabre découverte.
L’état du corps laisse penser à un meurtre. Il a en effet le crâne et un genou cassés. Pourtant, le vol ne semble pas en être le mobile puisque le malheureux n’a été délesté ni de son portefeuille ni de l’argent qui y est rangé.
Pierre et André sont arrêtés le 1er novembre, Jean Rochette est appréhendé le 2 et Marie suit le même chemin quelques jours plus tard.
Le procès
La nouvelle est rapidement connue et aussitôt les langues se délient. Très vite, on parle de plus d’une cinquantaine de meurtres, de disparitions, de tentatives d’assassinats et d’autant de vols.
Devant ce flux d’informations, les enquêteurs font le tri et retiennent deux assassinats, quatre tentatives de meurtres et six vols. La plupart des faits sont en effet prescrits et ne devraient donc pas être évoqués durant le procès. Cependant, les témoins sont tous à charge et bien que leurs déclarations ne devraient pas être retenues car irrecevables, elles sont énoncées devant un jury qui se forge très vite une opinion négative.
De plus, aucun des accusateurs n’est un témoin direct. Ils rapportent tous des faits évoqués dans la région, des rumeurs reposant principalement sur l’envie et la crainte inspirées par les Martin.
Qu’à cela ne tienne, plus d’une centaine de ces « témoins » sont appelés à la barre lorsque le procès s’ouvre le 18 juin 1833 à Privas.
On entend les détails les plus horribles, les plus cruels, des délits commis pendant plus de vingt ans par ceux qui ont dorénavant la réputation d’être des monstres.
Les Martin ne se seraient dorénavant plus contentés de tuer pour voler, ils auraient cuisiné les cadavres de leurs clients afin de faire manger des plats à base de chair humaine à d’autres clients. On parle de mains aperçues dans des marmites, de murs maculés de sang, de fumées suspectes sortant de la cheminée … .
Les témoins se succèdent au tribunal mais sans parvenir à étayer leurs dires. S’achemine-t-on vers un acquittement faute de preuves ?
C’est alors qu’un mendiant répondant au nom de Laurent Chaze dit « La Guerre » se présente à son tour pour faire part de faits auxquels il aurait assisté en personne.
Il raconte que le soir présumé du meurtre du maquignon, il est bien présent à l’auberge de Peyrebeille. Comme il n’a pas de quoi se payer une chambre, le tenancier lui ordonne de s’en aller. Il ne s’éloigne cependant pas et trouve refuge dans une remise. De cette cachette, il assiste à toute la scène déjà évoquée par Claude Pagès. Il précise que l’aubergiste a coulé du plomb fondu dans la bouche de sa victime.
Les avocats de Marie Martin affirment cependant que c’est une tisane qu’elle a donné au malheureux, malade d’avoir trop bu. Ils tentent de convaincre le jury qu’Enjolras est décédé de mort naturelle et que les aubergistes ont jeté son corps près de la rivière de peur d’être accusés, une version qui a le mérite d’être plus crédible que le plomb fondu.
Ce témoignage permet néanmoins à l’accusation de faire condamner les Martin. Il est cependant à prendre avec méfiance car Laurent Chaze est connu pour son penchant pour l’alcool et ne s’exprime qu’en dialecte occitan devant une cour francophone. De là à envisager des erreurs plus ou moins voulues de « traduction » … il n’y a qu’un pas.
Lorsque l’avocat de « Fétiche » plaide l’irresponsabilité de son client et de l’ascendant des aubergistes sur un simple d’esprit, il dénigre encore un peu plus les Martin.
Dorénavant, le sort des prévenus est scellé malgré la prescription d’une grande partie des faits. Il n’a même jamais été précisé que lorsque le cadavre d’Enjolras est découvert, les Martin ont déjà pris leur retraite et ont placé un gérant dans leur auberge.
Le verdict
Après l’audition des témoins et les plaidoiries des différentes parties, le verdict est prononcé le 28 juin 1833: Pierre et Marie Martin ainsi que Jean Rochette sont reconnus coupables du meurtre d’Antoine Enjolras, de quatre tentatives de meurtres et de six vols et sont par conséquent condamnés à mort. André Martin est par contre acquitté et libéré, contre toute attente.
On peut sans crainte affirmer que le verdict condamne plus le comportement et le tempérament des Martin que les faits supposés. Il donne de cette manière raison à la population qui réclame les têtes de cette famille haïe.
Le pourvoi en cassation demandé par les avocats est rejeté. Le roi refuse de les gracier et c’est dans la cour de l’auberge, lieu des supposés méfaits, que les trois condamnés sont confiés à leurs bourreaux. Ils sont guillotinés à Peyrebeille le 2 octobre, devant une foule nombreuse avant d’être enterrés dans le cimetière de la commune.
Cejourd’hui, 2 octobre 1833, à l’heure de midi, nous Martin-Jean-Baptiste Guérin fils, commis-greffier de la justice de paix du canton de Coucouron, arrondissement de Largentière, département de l’Ardèche ; en conséquence et en exécution du réquisitoire à nous fait par M le Procureur du Roi près la Cour d’assises de l’Ardèche, en date du 27 septembre dernier et en vertu de l’article 378 du code d’instruction criminelle et de l’article 52 du règlement du 18 juin 1811, nous sommes transporté au lieu de Peyrabeille, commune de Lanarce, canton de Coucouron, sur la place de l’exécution ci-après, où étant nous avons vu exécuter à mort alternativement :
1° Marie Breysse, femme de Pierre Martin, âgée de 54 ans, ménagère, née et demeurant au lieu de Peyrebelle, commune de Lanarce ;
2° Pierre Martin, dit Pierre de Blanc, âgé de 60 ans, propriétaire, né et demeurant au lieu de Peyrebeille, susdite commune de Lanarce ;
3° Enfin Jean Rochette, âgé de 48 ans, cultivateur, né à Mazan, demeurant au lieu de Peyrebeille, susdite commune de Lanarce, tous les trois condamnés à mort par arrêt de la cour d’assises du département de l’Ardèche (….)
La nuit suivante, les têtes sont volées. On peut cependant découvrir des masques mortuaires réalisés d’après les photos de l’époque au musée Crozatier situé 2 rue Antoine Martin, 43000 Puy-en-Velay.
Il est, à l’heure actuelle, difficile voire impossible de connaître la vérité. En effet, seuls les témoins discréditant les époux Martin ont été entendus ce qui a faussé la relation des faits. De plus, une grande partie des documents joints au dossier ont mystérieusement disparus peu après le procès ce qui ne facilite pas les recherches.
En résumé, seul un meurtre, celui d’Enjolras, a été retenu. Or, rien ne permet d’affirmer que celui-ci a bel et bien été tué à l’auberge, si ce ne sont les allégations de témoins peu crédibles, ni même qu’il a été assassiné. Ses blessures pourraient en effet être la conséquence d’une mauvaise chute.
On peut cependant penser que la condamnation des ultraroyalistes Martin arrange bien tout le monde et permet de calmer les esprits. C’est probablement aussi pour cette raison que Louis-Philippe 1er rejette le recours en grâce.
Malgré ces doutes et les dysfonctionnements d’une justice pour le moins influencée par le contexte politique, nul ne remet en cause le jugement avant le 20ème siècle.
En 1886, le journaliste et rédacteur en chef du Patriote de l’Ardèche, Paul d’Albigny publie même un ouvrage intitulé « Le Coupe-Gorge ».
Il reconnaît cependant :
Puis la légende, comme elle vient toujours aux événements qui ont profondément ému les populations, est venue se greffer sur l’histoire et lui apporter son contingent plus ou moins considérable de récits et de révélations, qui se confondent parfois avec les faits mieux établis ou retenus par la justice comme tels.
La visite
Si vous passez ou séjournez en Ardèche, prenez quelques minutes pour vous arrêter à Lanarce. Cette bourgade doit son existence à l’établissement de quelques relais de poste le long de la route reliant la région du Velay à celle du Vivarais. Les cavaliers ainsi que les voitures y trouvaient des chevaux frais et pouvaient ainsi poursuivre leur route sans perte de temps.
Ce système était plus particulièrement utilisé pour acheminer du courrier en temps de guerre. Les relais sont alors tenus par des maîtres de poste dépendant de la « Ferme générale »et détenteurs d’un brevet délivré par les autorités.
La plupart des relais de poste proposaient également des chambres et des repas aux voyageurs désireux de prendre quelque repos, le soir venu.
Au 19ème siècle, Peyrebeille n’est pas un véritable relais de poste mais plus une auberge à la réputation douteuse. Les Martin, paysans modestes en deviennent propriétaires vers 1805 et tiennent l’établissement pendant près de 25 ans, amassant peu à peu une petite fortune puisqu’ils laissent derrière eux la somme rondelette de 30.000 francs-or (ou franc-germinal).
A la sortie de Lanarce, empruntez la N 102 en direction d’Issanlas jusqu’à son croisement avec la D 16. Vous y trouverez un bâtiment en pierres isolé et signalé par un grand panneau portant l’inscription « Ici l’authentique Auberge de Peyrebeille ».
Cette précision a été rendue nécessaire car pendant longtemps, on a confondu l’auberge et la ferme des Martin située à proximité.
Devenue site touristique, l’auberge rouge a été transformée en musée consacré à l’affaire et à la vie quotidienne de ses propriétaires. Il est saisissant de constater que peu de changements ont été apportés à ce lieu en deux siècles. On y découvre même le mobilier d’époque. Le musée est ouvert toute l’année de 9 à 18hr. La visite dure approximativement 20 minutes.
Un hôtel-restaurant a été construit dans les années 1960 à côté de l’auberge des Martin.
Coordonnées :
Auberge rouge
Peyrebeille
07660 Lanarce
Tel : 04 66 69 47 51
L’affaire de l’auberge rouge ou l’auberge sanglante de Peyrebelle a inspiré de nombreuses œuvres cinématographiques et littéraires.
Claude Autant-Lara en 1951 et Gérard Krawczyk en 2007 ont tous deux réalisé un film intitulé « L’Auberge Rouge » avec respectivement Julien Carette et Christian Clavier dans le rôle de Pierre Martin.
L’affaire a également été évoquée dans l’émission de télévision judiciaire « En votre âme et conscience », en 1969.
En 2003, le livre L’Auberge rouge : l’énigme de Peyrebeille de Michel Peyramaure est paru aux éditions Pocket. Cet ouvrage s’appuie sur de nombreux documents et témoignages de l’époque et nous retrace l’histoire de l’auberge en essayant de s’approcher au maximum de la vérité.
Sordide affaire criminelle ou erreur judiciaire ? Les avis sont partagés et, à l’heure actuelle, il n’est pas possible de trancher en faveur de l’une ou de l’autre thèse. A vous de vous forger votre opinion.
Le problème (s’il y en a un) est de faire l’impasse sur le contexte sociologique de l’époque. Un ouvrage est à ce titre très intéressant et fort instructif : “L’impossible mariage, Violence et parenté en Gevaudan au 17 eme, 18eme et 19eme siècle” de élisabeth Claverie et pierre Lamaison (chercheurs au CNRS). Et à ce titre on peut justement évoquer l’OMERTA et la VENDETTA (invraisemblablement occultées par les révisionnistes de l’affaire) qui régnaient alors largement dans une société rurale extrêmement rude.
Vouloir expliquer les faits de cette époque au tamis de l’humanisme actuel n’a absolument aucun sens. C’est même totalement improductif.