Histoire du jeu de cartes Français
Poker, belote, whist, bataille ou réussite, autant de jeux de cartes que nous connaissons tous. Mais, ce que nous ignorons le plus souvent c’est l’origine de nos cartes à jouer.
Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir leur histoire et plus particulièrement celle du jeu de cartes français.
Un peu d’histoire
L’homme joue depuis la nuit des temps. Si rien ne vient confirmer la thèse que le jeu était déjà pratiqué durant la préhistoire, certains dessins en forme de damiers quadrillés ou des alignements de petites cupules gravées dans les parois rocheuses font penser à des plateaux de jeu.
Il est en revanche tout à fait attesté que le jeu de société fait partie du quotidien des hommes dès le Néolithique.
C’est ainsi que les Égyptiens de la période pré-dynastique appréciaient particulièrement le senet, un jeu de plateau et de pions ainsi que le mehen se présentant sous la forme d’un serpent enroulé sur lui-même et partagé en cases.
Égyptiens, Grecs, Romains, Mésopotamiens, Perses, Indiens, Chinois, Masaï, … toutes les civilisations du monde pratiquent des jeux depuis plusieurs millénaires.
Les jeux de hasard et d’argent
A l’origine, le jeu n’est qu’un passe-temps, un loisir innocent mais il va être très vite la victime de dérives. C’est en effet dès la préhistoire que les hommes jouent aux osselets et aux dés ce qui donne naissance aux premiers jeux de hasard et, bien plus tard, aux jeux d’argent.
Le jeu n’est alors plus soumis uniquement à des règles préétablies mais également aux lois lorsque les « bien-pensants » condamnent cette pratique qui pervertit le joueur et l’éloigne de ses tâches voire le coupe de la société.
L’argent n’est plus gagné « à la sueur de son front » mais bien en comptant sur la chance, sur le hasard ce qui est réprouvé par la plupart des religions et inquiète les autorités. Déjà à Rome, seuls les jeux sportifs sont autorisés par la loi ce qui n’empêchait pas la pratique clandestine des jeux de hasard.
Nous ne pouvons pas parler des jeux de hasard sans mentionner les paris qui poussent le principe à l’extrême puisqu’il n’est plus nécessaire de faire preuve d’adresse ou de réfléchir ni même de véritablement « jouer » pour gagner.
On lance les dés, on joue à pile ou face, on parie sur tout, simplement pour le plaisir de gagner ou de s’approprier un prix, un objet.
Les paris déchaînent les passions et ouvrent la porte à la tricherie et aux escroqueries. L’appât du gain rapide et facile pousse le parieur à jouer encore et encore, l’entraînant vers la perte de la réalité et, très souvent, vers la ruine et l’éloignement de ses proches.
Durant le Moyen-Âge et la Renaissance, les jeux de hasard et d’argent jugés trop dangereux pour la santé morale de la société sont interdits en France ce qui n’empêche pas la famille royale ainsi que la noblesse de se réunir et de jouer dans leurs appartements privés . Il est difficile voire impossible de bannir cet amusement de la Cour si bien que sous Louis XIV, ces parties deviennent tolérées afin qu’elles se déroulent au grand jour et dans certaines conditions prédéfinies.
Au 18ème siècle, des loteries sont même organisées en toute légalité dans le but avoué de financer les hôpitaux et les œuvres de charité voire les travaux d’utilité publique. L’objectif premier de ces loteries est bien vite oublié et le peuple qui y a accès puisque les billets sont peu coûteux découvre tout le plaisir de s’adonner à des jeux de hasard.
Une nouvelle étape est franchie en 1806 avec l’ouverture des premiers casinos en France. Ils sont à cette époque autorisés uniquement dans les stations balnéaires et thermales ainsi qu’à Paris car ils s’adressent à une clientèle aisée. Cette restriction permet de réduire le danger de voir les personnes les plus défavorisées risquer leurs maigres avoirs.
Depuis 1988, toutes les villes françaises de plus de 500.000 habitants et possédant au moins une grande salle de spectacle peut disposer d’un casino.
Pour la petite histoire, le premier casino au monde est celui de Spa, en Belgique. Il a ouvert ses portes en 1763 et est toujours en activité.
Les jeux de cartes
Parmi tous les jeux de hasard et éventuellement d’argent, le jeu de cartes est certainement le plus pratiqué dans le monde.
Les plus anciennes cartes à jouer ont été découvertes en Chine. Elles datent approximativement du 7è siècle, ce qui correspond à la période Tang. On joue également aux cartes au Moyen-Orient durant le Moyen-Âge.
Il faut cependant attendre encore plusieurs siècles avant de voir les cartes débarquer en Europe, probablement importées par les grands explorateurs ou les marchands, voire par les Musulmans qui occupent la péninsule ibérique et le sud de la France dès le 8ème siècle.
Nous sommes au 14ème siècle, lorsque des premiers écrits mentionnent le « naibbe » joué en Italie. Parallèlement, un religieux allemand parle d’un « jeu de 52 cartes » d’origine inconnue, en 1377.
Il semblerait que les Mamelouks d’Égypte, ces gardes des sultans musulmans qui n’ont pas hésité à renverser leurs souverains pour prendre leur place au 13ème siècle, s’adonnent à cette époque à un jeu similaire. Le jeu contient en effet quatre séries de 13 cartes, dix de points et trois « honneurs » représentant le Roi, le Vice-roi et le Second appelés respectivement malik, nā’ib maliketthānī nā’i. Ces trois honneurs sont probablement à l’origine de nos figures. Ils ne sont cependant pas représentés par des personnages mais bien par des formes géométriques.
On joue également aux cartes dans la péninsule ibérique ce qui confirmerait l’origine musulmane du jeu.
Et en France ?
Il faut encore attendre quelques années pour que les cartes arrivent en France et en Angleterre, probablement au début du 15ème siècle. Tous les Européens jouent dorénavant aux cartes.
Les premières cartes sont de véritables œuvres d’art peintes à la main par des artistes qui n’hésitent pas à y ajouter quelques touches d’or fin. On comprend aisément que ces jeux étaient réservés aux plus riches.
Certains exemplaires de très mauvaise qualité et coloriés au pochoir sont cependant mis sur le marché pour toucher un plus large « public ».
Or, au 15ème siècle, Johannes Gutenberg va non pas inventer l’imprimerie puisque l’impression de dessins ou de textes au moyen de plaques de bois taillées existe depuis longtemps en Orient mais bien améliorer cette invention en utilisant des caractères en métal mobiles.
On peut désormais imprimer des livres à grande échelle et rapidement ce qui va permettre une diffusion plus large des écrits, images et autres documents.
Les cartes à jouer profitent de ce procédé et sont dorénavant à la portée de toutes les classes sociales. On joue désormais partout et le phénomène inquiète l’Église au point qu’elle interdit leur usage au sein des communautés religieuses et organise même des autodafés afin de brûler ces « œuvres de Satan ».
52 cartes et des jokers
Si le nombre de 52 cartes partagées en quatre séries est identique dans les différents pays, les symboles appelées « enseignes »sont diffèrents. Épées, écus, bâtons, glands, feuillages, … autant de signes qui permettent de distinguer les différentes « couleurs ».
C’est en France et plus précisément à Lyon que les premières cartes portant les enseignes que nous connaissons aujourd’hui, à savoir le pique, le trèfle, le cœur et le carreau apparaissent pour la première fois vers la fin du 15ème siècle, ce qui explique qu’on parle de « jeu français ». Ces symboles vont petit à petit supplanter tous les autres et devenir quasi universels.
Mais qu’en est-il de leur signification ? Et bien, on n’en sait rien !
Bien entendu, de nombreuses théories ont été avancées mais sans aucune certitude.
Le pique pourrait être le symbole de la noblesse, de la force ou de l’infanterie, le cœur représenterait le clergé, la vaillance ou le courage, le trèfle ferait référence à la paysannerie, l’intendance ou l’excellence et enfin le carreau figurerait la bourgeoisie, l’artillerie ou la sagesse.
Toutes ces théories se valent mais ne reposent sur aucun écrit ou fait avéré et il est donc difficile voire impossible de trancher en faveur de l’une d’entre elles.
Il est également possible de trouver une correspondance entre le jeu de 52 cartes complété du Joker et le calendrier.
Le rouge et le noir pour le jour et la nuit, quatre couleurs pour les saisons, douze figures pour les mois, cinquante-deux cartes pour les semaines et enfin l’addition des valeurs des cartes plus le Joker équivaut à 365 soit le nombre de jours que compte une année.
Coïncidence ou non, le débat reste ouvert !
Si à l’origine, tous les jeux comptent 52 cartes, il existe des variantes dès le 15ème siècle.
C’est ainsi que le piquet (parfois appelé le Cent) se joue d’abord avec 36 et, plus tard avec 32 cartes. Il en est de même pour la manille qui apparaît probablement au 17ème siècle en Espagne, pour la belote et sa variante, la coinche, pour l’écarté ou encore le skat allemand et le bésigue qui utilise quatre jeux de 32 cartes.
Les figures
Les figures, rois, dames et valets, dont les portraits sont à l’origine en pied, ont longtemps différé d’une région à l’autre. Au début du 19ème siècle, la loi impose aux régions d’imprimer toujours les mêmes personnages. Finalement, tous les jeux de cartes s’alignent sur ceux de Paris suite à un décret de Napoléon Bonaparte.
Notons qu’à l’origine, le dos des cartes est toujours blanc.
Depuis cette époque, nous jouons avec les mêmes personnages même s’il existe des « éditions spéciales ».
Les figures sont devenues « doubles et réversibles » à partir de 1830.
Mais qui sont donc ces personnages représentés sur nos cartes françaises ?
L’une des théories les plus souvent admises affirme qu’il s’agit des « Neuf Preux » les neuf guerriers incarnant l’esprit de la chevalerie, à savoir Alexandre-le-Grand, Jules César, David, Charlemagne, le roi Arthur, Josué, Judas Maccabée, Hector et Godefroi de Bouillon. Judith fait partie des « Neuf Preuses », l’équivalent féminin des Neuf Preux, et Jeanne d’Arc qui serait désignée sous le nom de « Pallas » est souvent considérée comme la dixième preuse.
Il faut admettre que cette hypothèse est fondée, du moins en grande partie, puisque la plupart des noms des figures se retrouvent sur cette liste.
- Le roi de cœur : Charlemagne, fils du fondateur de la dynastie carolingienne Pépin-le-Bref, roi des Francs de 768 à 814 et empereur de 800 à 814. On ne présente plus ce conquérant qui est parvenu à agrandir considérablement son royaume en réunissant une grande partie des pays européens actuels. Charlemagne est également un grand défenseur des arts et des lettres et participe à la « Renaissance carolingienne » qui permet à l’Occident de retrouver tout son rayonnement culturel.
Une autre théorie soutient que le roi de cœur est en réalité Charles VII. - Le roi de pique : David bien connu pour son exploit légendaire raconté dans la Bible. David est en effet ce jeune berger de la tribu de Juda, une des douze tribus d’Israël, qui réussit à battre le géant philistin Goliath en lui lançant une pierre à l’aide de sa fronde. David devient roi de Juda au 10ème siècle avant JC et s’empare de Jérusalem où il fonde le royaume d’Israël.
- Le roi de carreau : Jules César, celui-là même qui a conquis les Gaules au 1er siècle avant notre ère et qui est rentré en armes dans Rome afin de s’emparer du pouvoir. Théoriquement, Jules César n’a été ni roi ni empereur et ne devrait donc pas figurer sur les cartes. Mais il faut bien reconnaître que ce général et proconsul des Gaules a la trempe d’un souverain. Profitons en pour souligner que le titre de dictateur porté par César et avant lui par de nombreux magistrats extraordinaires de la République romaine n’a pas la connotation négative actuelle. En effet, un dictateur est à cette époque nommé par des consuls avec l’approbation du Sénat lorsqu’une situation exceptionnelle l’exige, notamment en cas de crise politique. Le dictateur reçoit alors les pleins pouvoirs pour une durée déterminée n’excédant pas les six mois. Jules César rompt avec cette tradition puisqu’il réussit à se faire octroyer une dictature à vie en 44 avant JC.
- Le roi de trèfle : Alexandre-le-Grand, roi de Macédoine de 336 à sa mort survenue en 323 avant JC. Fils de Philippe II de Macédoine, il hérite d’un royaume en pleine expansion. C’est à la tête d’une armée parfaitement bien organisée que le jeune Alexandre âgé de seulement 20 ans poursuit le but panhellénique de son père et s’attaque successivement à l’empire perse, à la Phénicie, à l’Égypte et au Pakistan actuel. Il reprend la route en direction de la péninsule arabique lorsqu’il décède, probablement victime du virus du Nil occidental.
- La dame de cœur : Judith fait probablement allusion à un personnage biblique, soit l’épouse d’Esaü lui-même frère de Jacob ou plus vraisemblablement une héroïne juive, une jeune veuve qui sauve sa ville Béthulia en décapitant le général assyrien Holopherne.
Une autre théorie est celle de la représentation de Judith de Bavière, seconde épouse de Louis 1er le Pieux, fils de Charlemagne, et donc impératrice d’Occident de 819 à 840. - La dame de pique : Pallas est un épiclèse, c’est à dire un qualificatif accolé à un nom en l’occurrence celui de la déesse Athéna. Pallas se traduit par « sage ». La dame de pique serait donc Athéna la sage, protectrice des arts et des sciences ainsi que des artistes et des artisans, déesse de la stratégie militaire.
D’autres affirment cependant qu’il désigne Jeanne d’Arc, souvent considérée comme la dixième « Preuse ». - La dame de carreau : Rachel est la cousine mais également la seconde épouse de Jacob. Après bien des mésaventures, elle lui donne deux fils dont l’aîné est prénommé Joseph. C’est lui qui fait venir les enfants d’Israël en Égypte afin d’échapper à la famine. Il est également l’ancêtre de deux des douze tribus d’Israël, Ephraïm et Manassé. Le frère de Joseph et plus jeune fils de Jacob, Benjamin, donnera naissance à la tribu de Benjamin qui s’unira à la tribu de Juda pour fonder le Royaume de Juda.
Le tombeau de Rachel morte en donnant naissance à Benjamin se situe à proximité de Bethléem et est considéré comme un lieu saint du judaïsme.
La dame de carreau est parfois nommée Ragnelle qui serait l’épouse de Gauvain, un des célèbres chevaliers de la table ronde mais rien ne confirme cette hypothèse. - La dame de trèfle : Argine ne fait pas nécessairement référence à un personnage existant. Il est en effet communément admis qu’argine est en fait l’anagramme de regina signifiant reine.
Cependant, on peut également penser qu’il s’agit de la fille du roi d’Argos, Argie, épouse de Polynice, un fils d’Œdipe et par conséquent, la belle-sœur d’Antigone, d’Etéocle et d’Ismène.
Enfin le nom « regina » est peut-être attribué à Marie d’Anjou, épouse de Charles VII voire à la reine des dieux romains et protectrice du mariage, Junon. - Le valet de cœur : La Hire, surnom donné à Étienne de Vignolles, est un guerrier redoutable qui combat aux côtés du dauphin de France, futur Charles VII, contre les Bourguignons avant de devenir un compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Lorsque celle-ci est fait prisonnière des Anglais, il tente de la délivrer mais tombe à son tour entre les mains des ennemis. Il parvient à s’évader et, toujours vaillant, il se distingue à nouveau lors des combats contre les Anglais. Sa réputation est cependant entachée par les pillages voire les demandes de rançons commis par la bande d’Écorcheurs (troupes armées combattant pour le roi de France) qu’il dirige. Il décède en 1443 à Montauban.
Le surnom de La Hire ferait référence soit à son tempérament coléreux (ire signifie colère en vieux français) soit à son lieu de naissance.
Certains historiens affirment cependant que Lahire désigne plutôt Aulus Hirtius, un proche de Jules César. Son nom abrégé en A. Hirt. aurait été par la suite déformé en Lahire. - Le valet de pique : Hogier parfois orthographié Ogier fait référence au chevalier Ogier du Danemark qui fait partie de la garde d’honneur de Charlemagne. Son nom est mentionné dans la « Chanson de Roland ».
- Le valet de carreau : Hector. Là encore, les opinions divergent. Pour les uns, il s’agit du fils de Priam et époux d’Andromaque. Ce célèbre héros de la Guerre de Troie fait partie des Neuf Preux.
D’autres affirment qu’il s’agit d’Hector de Galard, chevalier au service de Charles VII et de Louis XI et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. - Le valet de trèfle : Lancelot est l’un des Chevaliers de la Table Ronde. Amoureux transi de la belle Guenièvre qui n’est autre que l’épouse du roi Arthur, Lancelot a pour mission de ramener le Graal.
Même s’il paraît certain que ce valet fait bel et bien référence à Lancelot du Lac, des historiens préfèrent penser qu’il s’agit de Judas Maccabée toujours afin de soutenir la thèse affirmant que les figures des cartes représentent les Neuf Preux.
Quoiqu’il en soit, ces douze personnages évoquent sans contestation possible l’esprit de la chevalerie et de l’amour courtois, des principes qui ont marqué la période médiévale et le début de la Renaissance en France.
Notons également que leurs costumes ne correspondent pas à leur « rôle » puisque tous sont vêtus à la mode du 16ème ou du 17ème siècle.
Il faut cependant souligner que les figures n’ont pas toujours porté les mêmes noms.
Les cartiers
L’engouement pour les jeux de cartes permet à un nouveau métier de voir le jour au 15ème siècle, celui de cartier.
En France, c’est à Lyon que nous en retrouvons la trace, vers 1440.
Les cartiers développent plusieurs techniques pour fabriquer les cartes. Ils impriment, à l’aide de planches de bois gravées, les dessins d’une vingtaine de cartes sur une feuille qui est ensuite collée sur deux autres feuilles de papier, l’âme et le dos afin d’offrir plus de rigidité à l’ensemble. Après avoir mis les dessins en couleur en utilisant des pochoirs, ils lissent les feuilles par savonnage et découpent enfin les cartes.
Les villes de Lyon et de Rouen sont très vite reconnues pour leurs cartiers et leurs modèles sont adoptés par la plupart des pays européens.
Le succès des jeux de cartes est tel que Louis XIV toujours à l’affût de rentrées dans les caisses de l’État, décide de lever un impôt sur chaque jeu produit en France.
Pendant très longtemps, la fabrication des cartes reste artisanale mais, au 19ème siècle, les petits cartiers sont évincés par de plus grandes maisons. C’est ainsi que Paul-Baptiste Grimaud rachète un petit atelier parisien en 1848 et le transforme en une entreprise florissante. Ce maître-cartier se distingue par son esprit inventif. Il est notamment à l’origine des coins arrondis des cartes ou de leur opacification en décorant leur dos de motifs géométriques. Il place également un petit index dans les coins des cartes ce qui permet aux joueurs de les identifier en toute discrétion, à l’abri des regards des partenaires de jeux. Son but est bien entendu de fournir un produit de qualité mais également de réduire au maximum les tentatives de tricherie. Parallèlement, il édite différents jeux qui font sa renommée qui est véritablement consacrée durant l’exposition Universelle de Paris de 1900.
Petit à petit, les cartes ont évolué, volontairement ou simplement suite à des erreurs ou des oublis de détails. Les traits des personnages qui au départ sont très réalistes vont subir une transformation radicale et se « standardiser ». De même, leurs attributs se sont transformés au fil du temps. Une lance est devenue un bâton, une épée s’est transformée en fleur, …
Lorsque la Révolution éclate en 1789, il n’est plus question de représenter des figures de reines et de rois sur les cartes. Elles sont donc temporairement remplacées. Les rois deviennent des génies, les dames sont des libertés et les valets des égalités :
- Roi de cœur : génie de la guerre
- Roi de carreau : génie du commerce
- Roi de pique : génie des arts
- Roi de trèfle : génie de la paix
- Dame de cœur : liberté des cultes
- Dame de carreau : liberté des professions
- Dame de pique : liberté de la presse
- Dame de trèfle : liberté du mariage
- Valet de cœur : égalité des devoirs
- Valet de carreau :égalité de couleur
- Valet de pique : égalité de rang
- Valet de trèfle : égalité de droits
Les symboles des figures doivent également être remplacés. Les bonnets phrygiens, les chapeaux à plumes ou les lauriers se substituent aux couronnes ou aux fleurs de lys.
Les As deviennent des figures importantes. Elles représentent les lois ou le peuple vainqueur et dominent dorénavant les membres de la
royauté.
Des textes sont enfin ajoutés.
Les Révolutionnaires espèrent ainsi utiliser les cartes comme un outil de propagande mais en vain. Les joueurs préfèrent garder leurs jeux
datant de l’Ancien Régime plus simples à décrypter que les nouvelles figures allégoriques. N’oublions pas que la plupart des citoyens sont illettrés ce qui explique que ces images ne leur « parlent » pas.
Les cartes de la Révolution tombent dans l’oubli et celles de l’Ancien Régime sont rapidement ressorties malgré quelques nouvelles et tout aussi brèves tentatives de les remplacer en 1830 et en 1848.
Et le tarot ?
Le jeu de tarot qui comporte 78 cartes est européen puisqu’il apparaît pour la première fois en Italie, au 15ème siècle. Une série de 22 cartes d’atout est ajoutée aux 52 cartes traditionnelles.
En France, le tarot date probablement du début du 16ème siècle.
Ce jeu connaît une évolution similaire et parallèle aux jeux de 52 cartes mais, à la fin du 18ème siècle, il va s’écarter du simple loisir.
En effet, ces cartes à jouer sont alors utilisées pour la divination …. mais cela est une toute autre histoire !
La visite
Si vous passez par Issy-les-Moulineaux, prenez le temps de visiter le musée consacré à la carte à jouer situé à quelques pas de la Galerie d’Histoire de la Ville. La collection comprend plus de 11.000 jeux venus du monde entier qui racontent l’histoire de ces petits cartons mais également la législation et les procédés de fabrication ou encore l’univers du joueur de cartes.
Infos pratiques :
Le musée est ouvert :
- du mercredi au vendredi de 11 à 17hr
- le week-end de 14 à 18 hr
- en juillet du mercredi au dimanche de 13 à 18 hr.
Il est fermé durant le mois d’août et les jours fériés.
La visite se fait à l’aide d’un audioguide mais il est également possible de profiter d’une visite de groupe sur réservation (du mardi au dimanche).
Le musée organise différentes activités et propose la location d’espaces pour des événements.
Musée Français de la Carte à Jouer
16 rue Auguste Gervais
92130 Issy-les-Moulineaux
Tel : 01 41 23 83 60
Site web : http://www.museecarteajouer.com