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Louis Lépine, préfet de police & initiateur du célèbre concours

Nous nous servons tous d’un stylo à bille, d’un fer à repasser à vapeur, d’un aspirateur électrique, d’un presse-purée, d’un humidificateur d’air, du Jeu des 1000 Bornes ou encore d’une yaourtière mais nous ne savons probablement pas que tous ces objets de notre quotidien ont un point commun.
En effet, ils font tous partie des inventions gagnantes du concours Lépine qui se déroule chaque année à Paris, depuis 1901.

Un peu d’histoire

Le célèbre concours d’inventions a été créé au début du 20ème siècle par le préfet de police, Louis Lépine.
Né en août 1846 à Lyon, Louis Lépine est un étudiant brillant qui suit des cours successivement dans sa ville, à Heidelberg en Allemagne et enfin à Paris.
Il a 24 ans et est en dernière année de droit lorsque la guerre éclate entre la France et une coalition des États allemands, le 19 juillet 1870.

La guerre de 1870

Lépine est incorporé dans la « Garde nationale mobile du Rhône ».
Les unités des gardes mobiles forment alors une armée de réserve constituée de jeunes conscrits mobilisables en cas de conflit. En réalité, les « Moblots » ne reçoivent qu’une formation sommaire et très peu d’entraînement. Lorsque la guerre de 1870 éclate, la Garde mobile est appelée en renfort de l’armée régulière qui a subi d’énormes pertes.
Si elles sont mal entraînées et mal armées, les différentes unités mobiles font preuve de courage lors des combats. Louis Lépine se distingue par sa vaillance et n’hésite pas à renoncer à son grade de sergent-major pour se lancer à l’assaut des positions ennemies. Il participe notamment à la prise de Bavilliers, en Territoire de Belfort, le 28 novembre 1870.
Ce jour-là, son comportement héroïque face à l’ennemi lui vaut d’être décoré de la médaille militaire. Il a en effet déjoué une contre-offensive prussienne malgré une grave blessure.

Les rangs des Gardes nationales sont néanmoins décimés et la guerre se solde par une victoire allemande, la chute du Second Empire et la création de l’Empire allemand, le 18 janvier 1871, à Versailles.

Une carrière dans l’administration

Revenu au pays, Lépine termine ses études et devient avocat, une profession qu’il exerce jusqu’en 1877 avant de rejoindre l’administration.
Sa fougue et son travail acharné lui permettent de mener une brillante carrière.
En 1892, il est titulaire d’un poste au secrétariat général de la Préfecture de la Loire lorsqu’un coup de grisou se produit dans une mine. Louis Lépine fait partie des premiers sauveteurs descendus pour secourir les victimes alors que les galeries sont encore saturées de gaz. Sa bravoure est récompensée de la médaille d’or de sauvetage.

Préfet de Police

L’année suivante, Louis Lépine obtient le poste de Préfet de Police, en remplacement de Henri Lozé. Celui-ci a démissionné suite au décès d’un jeune homme lors d’une manifestation estudiantine au Quartier latin. La police est en effet accusée d’avoir réprimé le mouvement avec trop de violence.
Comme dans tout ce qu’il entreprend, Louis Lépine s’engage à fond dans ses nouvelles responsabilités et est à l’origine de nombreuses innovations :

  • Louis Lépine crée un véritable service des objets trouvés.
    Depuis 1804, les objets déposés dans les commissariats doivent en principe être entreposés à la Préfecture de police. Leurs propriétaires peuvent les récupérer au prix de démarches administratives tellement lourdes que la plupart d’entre eux préfèrent les abandonner. De plus, la plupart des citoyens ignorent jusqu’à l’existence de cette possibilité.
    Louis Lépine parvient à centraliser le service et surtout à le rendre plus accessible au grand public. (En 1939, ce service déménage au 36 de la rue des Morillons, dans le 15ème arrondissement)
  • Il complète l’équipement des gardiens de la paix d’un sifflet et d’un bâton blanc.
  • Il met sur pied une brigade fluviale dépendante de la Préfecture de police et chargée d’assurer la sécurité des voies navigables en région parisienne. A partir de 1909, cette mission s’étend à l’ensemble de l’Île-de-France.
  • Il crée des brigades cyclistes dont les agents sont surnommés les « Hirondelles ». Leurs bicyclettes fabriqués par l’entreprise stéphanoise Manufrance sont en effet de la marque Hirondelle. Le surnom fait également référence à leur pèlerine qui flotte à la manière des ailes d’un oiseau.
  • Lépine crée un service utilisant des chiens de sauvetage
  • Des agents surnommés « Berlitz » car ils sont formés à l’École des langues du même nom sont chargés d’aider les touristes.
  • Face aux critiques de la population qui se sent en insécurité en raison d’une recrudescence des crimes commis notamment par les bandes organisées appelées « Apaches », il monte une « Brigade du Chef » (actuellement brigade criminelle) en 1912.
  • Louis Lépine généralise l’installation des avertisseurs d’incendie, ces bornes rouges reliées aux casernes par un système téléphonique. On peut encore en découvrir dans les rues de Paris et y lire les instructions :

Dès que le carillon d’alarme s’arrête, crier distinctement dans l’embouchure du téléphone la nature du sinistre, la rue et le numéro. Répéter ces indications jusqu’à ce qu’un ronflement se fasse entendre ce qui indique que les sapeurs pompiers partent.

Lépine étend ce réseau aux commissariats de police.

  • Il est également à l’origine d’une réforme du code de la route en créant notamment les sens giratoires et uniques ou encore les passages pour piétons.
  • A l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, il rassemble des documents et objets afin de présenter la Préfecture de police aux visiteurs. Les collections sont ensuite exposées dans le « Musée de la Préfecture de police » qui ouvre ses portes en 1909.

Musée de la Préfecture de Police
4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève
75005 Paris
Tel : 01 44 41 52 50
Site web : https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Nous-connaitre/Services-et-missions/Service-de-la-memoire-et-des-affaires-culturelles/Le-musee-de-la-prefecture-de-police

Le Bœuf Gras

Louis Lépine participe également à la renaissance de la « Promenade du Bœuf Gras », une festivité qui se déroule en marge du Carnaval de Paris. A cette occasion, les bouchers et garçons bouchers de Paris déguisés les uns en sauvages, les autres en prêtres de l’Antiquité (les sacrificateurs) font défiler un Bœuf Gras portant différents ornements au rythme de la musique. Le bœuf est ensuite abattu et sa viande est vendue aux Parisiens.
Cette coutume trouve probablement son origine dans un ancien culte païen qui se déroulait lorsque la constellation du Taureau était traversée par le Soleil, entre le 14 mai et le 22 juin.
Bien plus tard, elle devient l’un des moments forts du Carnaval et symbolise l’abondance de nourriture avant le Carême.
Après la Révolution de 1789, le cortège du Bœuf Gras est interdit pendant une dizaine d’années avant de renaître en 1806.
La guerre de 1870 suivie de près par la Commune de Paris, un mouvement de révolte des Parisiens contre le gouvernement d’Adolphe Thiers et écrasée au cours de la « Semaine sanglante » ne laissent aucune place aux réjouissances.
L’ « Affaire Mathurin Couder ou des Comptoirs Généraux de la Boucherie » donne le coup de grâce à la « Promenade du Bœuf Gras ».
En effet, la Chambre syndicale de la boucherie de Paris a été fondée en 1869 et Mathurin Couder en assure la présidence. La même année, une souscription publique est ouverte au nom de la Société l’ « Alimentation publique de la Ville de Paris » dont l’un des membres du Conseil d’administration est Mathurin Couder.

On peut lire dans ses statuts que la mission de la Société est de

(…)supprimer tous les intermédiaires inutiles et de prendre les animaux chez les cultivateurs pour les porter directement dans les étaux de la capitale et des départements. (…) elle fera servir à l’abolition de la spéculation sur la viande de boucherie, elle fera profiter de la réforme (…) le producteur, le consommateur et le capitaliste. (…) elle facilitera la production en venant en aide à l’éleveur et au consommateur et accroîtra la consommation.

Si les buts de la société sont nobles et favorables à la fois aux producteurs et aux consommateurs qui peuvent profiter d’une viande de haute qualité à prix réduit, ils inquiètent les artisans bouchers qui réclament des comptes à Mathurin Couder.
Devant son refus de donner de plus amples explications, le syndicat s’oppose à son président et convoque une séance extraordinaire qui décide de la déchéance du Président Couder qui est remplacé à titre provisoire par Leroy-Daniel.
De plus, un procès est intenté contre Mathurin Couder qui doit payer 633 francs au syndicat, une créance qui sera par la suite annulée en raison de la précarité de l’ancien président.

Cette affaire qui a fait grand bruit est donc à l’origine de la suspension de la fête des bouchers pendant un quart de siècle malgré plusieurs tentatives de la faire renaître.

En 1895, l’affaire Couder est depuis longtemps enterrée et les Parisiens attendent avec impatience le retour du Bœuf Gras, vedette du carnaval. Organiser le cortège se révèle trop onéreux mais la Chambre syndicale de la boucherie propose alors de le financer en organisant une tombola.
Le projet reçoit l’appui d’un certain Georges Clemenceau, futur président du Conseil des ministres.

En 1896, le « Comité des fêtes du Bœuf Gras » est créé et l’organisation du défilé est confié à Charles-Joseph Zidler, ancien boucher et homme de spectacle.
Louis Lépine favorable au retour de cette tradition verse 200 francs de ses propres deniers.

La promenade reprend vaille que vaille mais est régulièrement déficitaire ce qui explique l’absence du Bœuf Gras certaines années. Il disparaît du carnaval à partir de 1936 malgré un bref retour en 1951 et 1952.

Finalement, en 1998, Basile Pachkoff, passionné par l’histoire du Carnaval de Paris réinstaure cette tradition avec l’aide d’Alain Riou, président du parti écologiste Les Verts.
Si le bœuf est remplacé par une vache et si celle-ci retourne paisiblement en prairie après le défilé, l’esprit de la fête est retrouvé. Cependant, depuis 2014, plus aucune vache n’a été revue au carnaval de Paris.

Louis Lépine est nommé brièvement gouverneur général d’Algérie entre octobre 1897 et juillet 1898 avant de reprendre son poste à la tête de la Préfecture de police.

Il prend sa retraite en 1913 et décède à Paris en novembre 1933. Il repose au cimetière des Gonards, à Versailles.

Le concours

Bien entendu, Louis Lépine est surtout connu pour être l’initiateur du célèbre concours éponyme. C’est en 1901, que celui-ci connaît sa première édition sous le nom de « Exposition des jouets et articles de Paris ».
En créant un concours combiné à une exposition, Louis Lépine veut aider les petits artisans parisiens qui traversent une grave crise économique en raison de la concurrence internationale. Il leur donne ainsi l’occasion de montrer leurs créations au grand public et espère éviter les vendeurs « à la sauvette » qui tentent de gagner de quoi subsister et qui menacent l’ordre public.
Depuis cette date, le concours a eu lieu chaque année et est devenu un événement incontournable de la capitale.
Et pourtant, la première édition a bien manqué être un échec … aucun candidat ne s’inscrit malgré une importante publicité. C’est alors qu l’adjoint du préfet Lépine a l’idée d’offrir aux concurrents non seulement une récompense mais également un brevet gratuit pour leurs inventions, les protégeant ainsi contre le plagiat. Immédiatement, les participants affluent et le 23 novembre 1901, les visiteurs peuvent découvrir plus de 700 créations originales présentées par 370 candidats dans le hall du Tribunal de Commerce.

Le tout premier concours est remporté par l’inventeur d’un jeu de construction, concurrent du Meccano britannique. Il sera suivi par un réchaud portable, une lampe électrique de poche, un procédé pour imprimer les caractères Braille, un cadenas automatique, …. et bien plus tard par le stylo d’insuline pour diabétiques malvoyants ou le procédé de recyclage écologique par thermolyse.
Si on est loin du concours destiné à récompenser les petits fabricants de jouets et bibelots, le succès est toujours au rendez-vous.

Et aujourd’hui ?

L’ « Association des Inventeurs et Fabricants Français » créée le 8 décembre 1901 gère non seulement le Concours Lépine International de Paris organisé au Parc des Expositions en marge de la Foire de Paris mais également :

  • Le Salon des Jeunes Inventeurs et Créateurs de Monts-en-Touraine
  • Le Concours Lépine Méditerranéen de Montpellier
  • Le Taipei International Invention Show & Technomart

Les concours sont ouverts à tous ceux dont l’activité inventive, principale ou secondaire, se porte sur la création. Ils concernent aussi bien des créateurs et inventeurs que des industriels, des organismes ou des étudiants proposant un projet innovant.

Les différents concours ont pour mission de permettre aux inventeurs de trouver des contacts, d’être conseillés, de faire connaître et de vendre leurs produits sur les stands, de protéger leurs créations par un brevet (défense des droits et intérêts) et bien entendu d’avoir une chance de gagner un prix Lépine. Ils bénéficient également de la parution des inventions dans l’ « Invention Magazine », l’organe de presse officiel du Concours.

AIFF/Concours Lépine
12 rue Beccaria
75012 Paris
Tel : 01 40 02 04 50
Site web : http://www.concours-lepine.com

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