Si vous vous êtes promenés dans les belles forêts des Landes de Gascogne avant 1990, vous avez certainement aperçu les petits pots en terre cuite accrochés aux pins afin de récolte la résine. Cette activité appelée gemmage et pratiquée déjà durant l’Antiquité s’est peu à peu éteinte pour des raisons économiques.
Quelques passionnés tentent cependant de redonner vie au métier de gemmeur également appelé résinier.
Un peu d’histoire
La région correspondant à l’ancienne province de Gascogne est habitée dès le Paléolithique. De nombreuses traces de cette occupation ont été découvertes dans des grottes situées en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, notamment dans les Landes.
C’est d’ailleurs sur le site de Brassempouy que les archéologues ont découvert une petite statuette en ivoire d’une incroyable finesse. Datée de 23.000 ans avant notre ère, la « Dame de Brassempouy » est considérée comme la plus ancienne représentation d’un visage humain retrouvé actuellement.
Durant le Néolithique, les hommes sortent des cavernes pour construire des villages. Ils ont en effet abandonné le nomadisme après avoir découvert l’agriculture et l’élevage.
Au cours du 1er millénaire avant JC, les peuples Celtes appartenant aux civilisations de Hallstatt et de La Tène migrent du centre de l’Europe et s’installent dans la plus grande partie de la France actuelle.
La région comprise entre les Pyrénées et la Garonne est alors occupée par une vingtaine de tribus appelées « aquitaines ». Parmi celles-ci, les Boïates se sont installés dans les Landes de Gascogne.
A cette époque, la région est une immense zone humide parsemée de quelques massifs de pins maritimes.
Durant la Guerre des Gaules mené par Jules César entre 58 et 51 avant JC, l’Aquitaine est rapidement soumise. Elle profite de la période appelée « Pax Romana » et est intégrée à la province romaine Gaule Aquitaine sous l’empereur Auguste.
La récolte de la résine des pins
A cette époque, la résine des pins est déjà récoltée et utilisée pour le calfatage des navires. Il est difficile de déterminer si cette technique a été introduite dans la région par les Romains ou si elle était déjà connue des Celtes.
Le calfatage est en effet utilisé depuis le Néolithique. Il consiste à rendre une embarcation étanche en introduisant des fibres végétales (papyrus, algues, roseaux, …) dans les interstices et à recouvrir celles-ci d’un mélange imperméabilisant qui varie selon les régions .
En Aquitaine, il se compose de goudron, de brai extrait d’écorce de bouleau et de résine.
L’utilisation de la résine de pin se diversifie peu à peu et on la retrouve dans la composition des bougies et des torches ou dans des onguents utilisés pour soigner les affections respiratoires.
Un système économique spécifique
La récolte de la résine de pins dans les Landes de Gascogne ne représente cependant pas une activité importante avant le milieu du 19ème siècle.
En effet, jusqu’à cette date, la région profite d’une économie spécifique basée principalement sur le « système agro-pastoral ».
Le sol sableux et les zones marécageuses des Landes ne permettent pas de donner des récoltes suffisantes pour nourrir une population qui vit loin des grandes villes et des voies commerciales et doit subvenir à ses besoins.
Afin de compenser la pauvreté naturelle de leurs terres, les Landais ont alors l’idée de les fertiliser en y faisant paître des moutons.
Les troupeaux étaient surveillés par des bergers montés sur des échasses, les célèbres « bergers landais » qui évitaient ainsi d’avoir les pieds mouillés ou les vêtements déchirés par les buissons.
L’engrais naturel produit par les ovins permet de cultiver des céréales ainsi que des plantes textiles comme le chanvre.
Ce système fait ses preuves et fournit du pain ainsi que des vêtements à la population.
Le début du gemmage intensif
Cependant, au 19ème siècle, la vie est profondément bouleversée dans les Landes. Les autorités décident d’agrandir la forêt existante afin de fixer les dunes qui en se déplaçant mettaient en péril les villages établis près du littoral. Plusieurs d’entre eux sont même déplacés et reconstruits à quelques kilomètres, vers l’intérieur des terres.
C’est ainsi que la Basilique Notre-Dame de Soulac (Gironde) est victime de l’avancée des dunes et ensevelie sous le sable en 1748. Le village avait été abandonné par ses habitants quelques années auparavant.
Les seigneurs du Pays de Buch avaient déjà tenté d’enrayer le phénomène au 18ème siècle en semant des pins en 1713 et en 1727. Cette initiative a cependant fortement déplu aux bergers qui voulaient préserver les terres agricoles. Ne pouvant compter sur la collaboration des habitants de la région qui n’hésitaient pas à détruire les nouvelles pinèdes, ce projet onéreux est abandonné.
A la fin du 19ème siècle, l’État français étudie différentes solutions et des premiers tests de fixation sont réalisés par l’ingénieur Nicolas Brémontier. Le bilan est positif et, en 1801, un arrêté ordonne la plantation des dunes sur les côtes de la Gironde et des Landes.
En 1857, un nouveau pas est franchi puisque l’ensemble des communes incluses dans les Landes de Gascogne sont dans l’obligation d’assainir et de boiser leur territoire.
Le développement des forêts de pins dans les Landes est à l’origine de l’expansion de l’activité du gemmage qui devient la principale ressource de la région. La production dépasse rapidement les 100 millions de litres de résine par an.
La forêt landaise devient le second plus gros producteur de gemme du monde, après les États-Unis.
La distillation de la résine permet d’obtenir de l’essence de térébenthine et de la colophane. Les dérivés de l’essence de térébenthine sont utilisés notamment dans les vernis, dans certains parfums et dans des produits d’entretien mais également par l’industrie pharmaceutique.
On retrouve la colophane dans la composition des colles, des encres d’imprimerie, dans les adhésifs et même dans le chewing-gum.
Le déclin
Dans les années 1940, la forêt landaise subit d’importantes dégradations, conséquence indirecte de la Seconde Guerre mondiale. En effet, la forêt mal entretenue est victime d’incendies et de parasites qui détruisent plus de 50% de sa superficie. Cette situation prive les ouvriers résiniers d’une grande partie de leurs revenus. De plus, le système social basé sur le métayage (bail accordé à un métayer en échange du revenu d’une partie de la récolte mais également de journées de travail) est jugé « féodal » et de plus en plus contesté.
De nombreuses manifestations sont organisées au lendemain de la guerre par des syndicats de paysans landais. La tension est vive et certains propriétaires n’hésitent pas à reprendre leurs terres et à expulser les métayers qui réclament la révision de leur bail afin de le transformer en fermage.
En 1953, les gemmeurs entament une importante grève afin d’obtenir un meilleur partage des revenus tirés de leur activité. Ils obtiennent finalement une révision de ce partage mais le statut de salarié leur est refusé.
Alors que l’activité peine à se relever dans ce contexte conflictuel, l’hiver particulièrement rigoureux et tardif de 1956 détruit une grande partie des pins qui ont déjà été écorcés. Le rendement de cette année est catastrophique.
Les grands propriétaires adoptent également un nouveau procédé inventé au États-Unis et permettant de diminuer de moitié le temps de travail. Cette technique appelée « gemmage activé » consiste à pulvériser de l’acide sulfurique sur les « blessures » de l’arbre afin de déclencher un gemmage plus rapide et plus abondant.
Cette innovation a un impact direct sur le métier de gemmeur déjà mis à mal par la diminution des surfaces boisées exploitables.
De nombreux résiniers perdent leur travail ce qui entraîne un exode rural des ouvriers mais également des métayers. De plus, le métier dévalorisé et mal rétribué n’attire plus.
Enfin, si la quantité de résine obtenue est plus importante, elle perd en qualité et la réputation de la gemme des pins de la forêt de Gascogne s’en ressent.
Les propriétaires délaissent le gemmage au profit de l’exploitation du bois destiné à l’industrie papetière plus rentable.
Le nombre de résiniers travaillant dans la forêt landaise ne cesse de diminuer.
En effet, dans les années 1950, plus de 16.000 résiniers sont recensés dans la région et 35.000 personnes vivent directement ou indirectement de cette activité.
Vingt ans plus tard, on ne compte plus que 1.100 gemmeurs et ce nombre passe à moins de 100 vers la fin des années 1980. Le dernier gemmeur a cessé son activité en 1990.
Si la pénibilité du travail et la trop forte concurrence étrangère sont les principaux facteurs expliquant la fin du gemmage, certains observateurs déplorent le manque de réactivité de l’État et n’hésitent pas à parler de « mort programmée » du métier.
Le métier de résinier
Le travail du résinier se déroulait selon un calendrier bien précis.
- A la fin du mois de janvier , le gemmeur prépare les pins en enlevant l’écorce. Les arbres ainsi blessés produisent de la résine afin de cicatriser. Des pots en terre cuite sont alors accrochés pour recueillir cette résine qui coule le long de la « carre ».
- De la mi-mars à la fin octobre, le gemmeur effectue des « piques » à l’aide d’un « hapchòt » tous les 4 à 8 jours. Il rafraîchit ainsi la carre et permet à la résine de s’écouler à nouveau.
L’opération d’ « amasse », c’est à dire la récolte de la résine déjà recueillie dans les pots, est effectuée simultanément à la pique, généralement par les femmes ou les mères des résiniers. Elles récoltent également le « galip », le morceau d’écorce enlevé par le résinier lors de la pique. Le galip est utilisé pour allumer le feu.
La résine déposée dans des barriques est ensuite envoyée dans les usines de distillation. - Après la dernière récolte, le gemmeur effectue le « barrasquage ». Il racle soigneusement toute la résine résiduelle qui s’est accumulée et durcie le long des carres durant la saison.
La fin de la campagne ne marque cependant pas la fin du travail du résinier. Celui-ci doit en effet entretenir les parcelles, notamment en abattant des arbres trop vieux, en en semant de nouveaux et en éclaircissant les semis des années précédentes. En moyenne, un arbre doit avoir une trentaine d’années avant d’être gemmé. Bien entretenu, il peut-être productif pendant cent ans.
Le travail était principalement effectué en « couple ». La femme était chargée de la récolte mais également du ramassage des bruyères et herbes qui servaient de litière au bétail. Pour faire vivre sa famille, le résinier devait s’occuper de minimum 6.000 pins.
La principale difficulté de la vie du résinier était le manque de rentrées durant une partie de l’année puisqu’il n’était payé qu’après les premières récoltes. Il devait donc garder une partie de l’argent pour survivre durant l’hiver. De plus, le tarif variait selon le cours de la gemme et il n’y avait donc aucune sécurité financière.
En revanche, les grands propriétaires qui concédaient leurs terres à des métayers se sont rapidement et facilement enrichis. Cette situation a provoqué les nombreux conflits sociaux qui ont secoué la région aux 19ème et 20ème siècles.
Découvrir le gemmage
Si vous passez ou séjournez dans les Landes, n’hésitez pas à partir sur les traces des résiniers et à découvrir un métier qui fait partie du patrimoine de la région.
Plusieurs musées retracent l’histoire du gemmage dans la forêt des Landes de Gascogne :
Le Musée des Traditions de Biscarosse
Le Musée des Traditions de Biscarosse a ouvert ses portes en 1988 grâce à différents dons de particuliers attachés à l’histoire de leur pays. On y découvre de nombreux documents ainsi que du mobilier et des objets du quotidien.
Cette visite peut-être complétée par une promenade en barque dans le marais biscarossais ou sur le petit lac de Biscarosse (durée approximative de 2 à 3 heures selon le circuit choisi).
Les enfants apprécient également la découverte de la ferme pédagogique.
Horaires :
- Ouvert tous les jours sauf le dimanche matin en juillet et août, de 9hr30 à 19hr
- Ouvert tous les jours sauf le dimanche et le lundi de 14 à 18 hr en mai et en juin ainsi que la première quinzaine de septembre.
La ferme pédagogique est accessible à partir du 1er avril.
Les promenades en barque sont organisées à partir du 1er avril uniquement sur réservation.
Musée des Traditions
216 rue Louis Bréguet
40600 Biscarosse
Tel : 05 58 78 77 37
Mail : [email protected]
Site web : http://museetraditions.com
Le Musée Landes d’antan de Lit-et-Mixe
Le Musée Landes d’antan de Lit-et-Mixe retrace la vie quotidienne dans la province landaise du Marensin aux 19ème et 20ème siècles. Sa visite est gratuite et des guides sont à la disposition des visiteurs pour répondre aux questions. Durée approximative de la visite : 2 heures.
Horaires :
- Ouvert en juin le jeudi de 10hr30 à 12hr30
- Ouvert en juillet et août de 10hr30 à 12hr30 et de 16hr à 18he30 (fermé le dimanche et les jours fériés)
- Ouvert en septembre du lundi au vendredi, de 10hr30 à 12hr30
Musée Landes d’antan
Rue des Cigalons
40170 Lit-et-Mixe
Tel : 05 58 42 70 14
Facebook : https://www.facebook.com/LandesDantanMuseeDeLitEtMixe
Musée des produits résineux
Le Musée des produits résineux est installé dans un ancien atelier de distillation à Luxey. Il permet de découvrir comment la résine récoltée par gemmage était transformée en essence de térébenthine et en colophane.
Horaires :
- Ouvert en avril, mai, juin, septembre et octobre
Ateliers des produits résineux
83 rue de la Mairie
40430 Luxey
Tel : 05 58 08 01 39 ou 05 58 08 31 31
Seignosse
Des visites guidées au cœur de la forêt sont organisées chaque mercredi matin de juillet à mi-septembre à Seignosse. Un guide explique notamment l’exploitation de la résine de pins.
Seignosse Tourisme
11 Avenue des Lacs
40510 Seignosse
Tel : 05 58 43 32 15
Site web : https://seignosse-tourisme.com
En visite dans la région
Un séjour dans les Landes, en famille, en amoureux ou entre amis, est toujours inoubliable. Offrant une multitude de visages, cette région se découvre en toutes saisons et comblera vos attentes quelle que soit votre conception des vacances, culturelles, sportives ou simplement reposantes.
Parmi les incontournables, notons :
- les plages et stations balnéaires bordant l’océan, notamment Biscarosse, Hossegor et Mimizan
- les activités nautiques organisées sur les nombreux lacs et étangs
- les promenades en forêt et la découverte de l’écomusée de Marquèze
- la bastide d’Armagnac
- le port de Capbreton
Que manger dans les Landes ?
C’est également l’occasion de savourer quelques-unes des spécialités gourmandes des Landes :
- les asperges des Sables des Landes
- le bœuf de Chalosse
- le pastis landais, gâteau traditionnel parfumé à la fleur d’oranger, à la vanille ou à l’anis
- la garbure landaise
- le canard
- le kiwi de l’Adour
Bonjour, je suis detectoriste et je peux vous dire que le sol de toutes ces forêts est polué par les morceaux de zing utilisé pour cette fichue recolte on en trouve partout entre ça et les culs de cartouches c’est vraiment désolant l’homme bousille tout partout où il passe….