Le Montmartre d’autrefois
Si vous avez l’occasion de séjourner à Paris, il est plus que probable que la visite de Montmartre est en bonne place sur votre liste des « incontournables » de la capitale.
Avant d’être l’un des quartiers les plus touristiques et les plus festifs de la capitale, Montmartre était une petite commune où le village rural installé sur la butte cohabitait avec les lieux de plaisir implantés au pied de la colline.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’histoire de ce lieu emblématique de Paris et celle de son légendaire cabaret « Au lapin agile ».
Un peu de géographie
La Métropole du Grand Paris se situe au centre du Bassin parisien, ancien bassin sédimentaire s’étendant sur la plus grande partie du nord de la France, entre le Massif armoricain, les Vosges, le Massif central, et empiétant légèrement sur la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg.
La Seine s’y écoule dans sa totalité et c’est dans une boucle de ce fleuve que le village de Lutèce est fondé au cours du 1er millénaire avant notre ère.
Le Bassin parisien se caractérise par un relief peu prononcé fait d’une succession de plaines, de vallées, de plateaux et de petites collines.
Le cœur de Paris s’étend donc au centre d’une vallée formée par la Seine, sur un terrain autrefois marécageux qui est asséché progressivement, au rythme du développement de la ville.
Tout autour de cette vallée, s’élèvent des collines à pentes douces, buttes-témoins gypseuses vestiges d’un ancien massif plus important qui s’est érodé au fil du temps.
Parmi les différentes collines de Paris situées de part et d’autre de la Seine, la butte Montmartre est la plus importante et comprend de ce fait le plus haut point de la capitale, le cimetière de Saint-Pierre du Calvaire culminant à 131 mètres.
Un peu d’histoire
De la préhistoire à l’Antiquité
Si le statut de capitale des Parisii, peuple d’origine celtique installé en Île-de-France au cours du 1er millénaire, est aujourd’hui revendiqué par Nanterre en raison de découvertes archéologiques récentes, l’occupation de l’Île de la Cité avant la conquête romaine reste une certitude.
A cette époque, il est probable que Lutèce ne soit qu’un petit village qui survit grâce à la pêche et au commerce fluvial. La cité ne se serait donc développée qu’après l’installation des légions de Jules César dans la région pour devenir au fil des siècles la plus importante ville de France.
A l’époque gallo-romaine, des temples probablement dédiés à Mars et à Mercure sont déjà construits sur la butte Montmartre.
Le martyr de Saint-Denis
Faisons un bond dans le temps pour découvrir qu’au Moyen-Âge, la ville s’est largement étendue vers le sud, sur la rive gauche de la Seine, tandis que la rive droite ne compte que quelques hameaux dont celui établi sur la colline de Montmartre.
Au 8ème siècle, Hilduin, un abbé érudit issu de la noblesse franque nous livre une hagiographie de Denis, premier évêque de Paris.
Si cet écrit comporte de nombreuses erreurs, notamment l’identification de Denis de Paris à Denis l’Aréopagite ce qui est chronologiquement impossible, il nous livre néanmoins quelques renseignements précieux sur la vie de l’évêque. Il faut cependant se méfier des faits énoncés, Hilduin ayant eu tendance à magnifier la vie de Denis dont il fait un saint céphalophore, c’est à dire portant la tête dans les mains après décapitation.
Saint-Denis originaire d’Italie arrive vraisemblablement au cours du troisième siècle dans la région parisienne afin d’évangéliser la population. Il y fonde plusieurs églises avant de mourir en martyr à Paris.
Le lieu exact de son décès et de celui de ses deux compagnons, le prêtre Rustique (saint patron des paysans) et le diacre d’origine gauloise Eleuthère, n’est pas certifié mais selon la légende, les trois martyrs ont été décapités sur la butte Montmartre vers 250.
Toujours selon la légende, l’évêque aurait porté sa tête de Montmartre à Saint-Denis avant de s’effondrer. C’est en ce lieu qu’est bâtie la basilique cathédrale de Saint-Denis.
Montmartre, lieu de pèlerinage
A Montmartre, plusieurs rues rappellent cette histoire, la rue des Martyrs qui est aujourd’hui l’une des artères les plus animées de la capitale, la rue Saint-Rustique, plus ancienne rue de Montmartre et plus ancienne voie piétonne de la capitale ainsi que la rue Saint-Eleuthère.
Plus tard, au 5ème siècle, Sainte-Geneviève, patronne de la ville de Paris, fait bâtir une chapelle sur l’emplacement de l’actuelle église Saint-Denys de la Chapelle, le long de l’Estrée, la voie qui reliait Paris à Saint-Denis,.
Une chapelle dédiée aux Saints-Martyrs est également fondée sur le flanc de la colline baptisée « Mont des Martyrs ». Cet édifice a malheureusement disparu en 1790, victime de la Révolution.
Au siècle suivant, l’église Saint-Pierre de Montmartre est à son tour édifiée au sommet de la colline de Montmartre, sur le site autrefois dédié aux dieux romains. Elle est aujourd’hui la plus ancienne église paroissiale de la capitale après l’église Saint-Germain-des-Prés. Montmartre devient un lieu de pèlerinage important et le petit hameau s’étend.
Au 12ème siècle, l’église délabrée et sinistrée lors d’une tempête est remplacée par un nouvel édifice.
A cette époque, le hameau qui appartenait autrefois à la maison de Montmorency, l’une des plus illustres familles de la noblesse française, avait déjà été cédé au vicomte de Meulan, Gauthier dit « Payen ».
Gauthier et son épouse la comtesse Jourdaine de Deliès cèdent à leur tour le village y compris son église et son cimetière au prieuré Saint-Martin-des-Champs dépendant de l’abbaye de Cluny, en 1096.
Lorsque les moines clunisiens se désintéressent de l’église, ils acceptent la proposition du roi Louis VI dit le Gros de l’échanger contre l’église Saint-Denis-de-la-Chartre. Le souverain cherche ainsi à apaiser les tensions qu’il a avec le pape.
L’église devient donc propriété royale et est confiée en 1133 à des moniales bénédictines détachées de l’Abbaye Saint-Pierre-des-Dames de Reims selon le souhait du roi et de son épouse Adélaïde de Savoie. Ce sont ces moniales qui entreprennent la restauration et l’agrandissement de l’église paroissiale consacrée en 1147 par le pape Eugène III ainsi que la construction des bâtiments conventuels qui accueillent dès lors l’une des plus importantes communautés religieuses féminines de la capitale. Durant les 12ème et 13ème siècles, l’abbaye royale de Montmartre prospère notamment grâce à la culture de la vigne.
La guerre de Cent Ans et la crise économique qui en découle n’épargnent ni Paris ni l’abbaye qui doit être en grande partie reconstruite au 15ème siècle.
C’est dans ce lieu que la Compagnie de Jésus est fondée le 15 août 1534 par Ignace de Loyola et quelques étudiants de l’Université de Paris.
Le 1er août 1589, le roi de France Henri III est assassiné par un moine dominicain, Jacques Clément, ce qui marque la fin de la dynastie des Valois qui régnait sur le pays depuis 1328.
La succession s’avère difficile puisque le plus proche héritier est Henri de Navarre, un protestant. Agonisant, Henri III le désigne cependant comme successeur.
Devenu roi de France sous le nom de Henri IV, le nouveau souverain n’est pas reconnu par les catholiques de la Sainte-Ligue et doit également affronter les protestants qui lui reprochent d’avoir promis de respecter la foi catholique.
Il est obligé de conquérir son propre royaume pour asseoir son pouvoir. C’est ainsi qu’en 1590, il se trouve aux portes de Paris et se prépare à un siège qui va durer de mars à septembre. La ville est entre les mains du Duc Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours, l’un des chefs de file des catholiques.
L’armée royale se heurte à une défense bien préparée et se replie dans les environs de Paris après avoir échoué à pénétrer dans la capitale.
Plusieurs villages sont ainsi investis par les soldats tandis que Henri IV choisit d’établir son quartier général dans l’abbaye de Montmartre. Rappelons en effet qu’à cette époque, la butte est en dehors de l’enceinte de Paris et que seuls les bâtiments conventuels et quelques habitations y sont édifiés.
Il se raconte que le roi séduit la toute jeune abbesse, Claude de Beauvilliers tandis que ses lieutenants en font de même avec les moniales au point que l’abbaye est dorénavant appelée « le magasin des putes de l’armée ».
Après plusieurs mois de siège, le roi décide d’abandonner sa position après le désistement de plusieurs seigneurs. L’abbesse le suit mais est très vite délaissée au profit de Gabrielle d’Estrées …. mais cela est une autre histoire.
Lorsque la sœur de Claude, Marie de Beauvilliers, devient à son tour abbesse de Montmartre, elle trouve une abbaye fortement dégradée, une réputation flétrie et des finances désastreuses.
Elle entreprend quelques travaux de rénovation à la chapelle des Saints Martyrs et découvre à cette occasion une pièce dissimulée sous la crypte. Elle soutient que c’est en ce lieu que Saint-Denis a dit autrefois la messe. Il n’en faut pas plus pour relancer le pèlerinage qui attire une foule importante et même Marie de Médicis ce qui permet à l’astucieuse abbesse de terminer les travaux de réfection de la chapelle et la construction de nouveaux bâtiments conventuels.
En 1622, les édifices religieux de la butte sont partagés entre l’Abbaye d’en haut et le Prieuré d’en bas nouvellement édifié près de la chapelle. Les deux prieurés sont reliés par une galerie afin de permettre aux religieuses d’assister à la messe dans l’église toujours en fonction.
Petit à petit les bâtiments du haut sont abandonnés par les religieuses au profit du prieuré.
Malheureusement, il ne reste à l’heure actuelle aucune trace de l’abbaye démolie par les révolutionnaires et seule l’église a été épargnée en raison de sa fonction paroissiale.
Elle a bénéficié d’un programme de restauration sans les années 1980 et on peut y découvrir la pierre tombale de la reine Adélaïde de Savoie qui s’était retirée dans l’abbaye après son veuvage.
La révolution
Au lendemain de la révolution, Montmartre n’est donc toujours qu’un hameau qui ne profite même plus de l’aura de son abbaye. De plus, la population est particulièrement pauvre car le quartier avait vu l’installation d’un « atelier de charité », institution imaginée par le contrôleur général des finances de louis XVI, Anne-Robert-Jacques Turgot.
Ces ateliers sont sensés donner de l’emploi aux miséreux regroupés en un seul lieu. Si le but de Turgot est d’améliorer les conditions de vie des classes démunies tout en contrôlant strictement les dépenses des différents ministères, il se heurte rapidement à l’opposition aussi bien de la noblesse qui voit ses privilèges disparaître que des bourgeois qui craignent l’impôt sur l’immobilier et du clergé qui ne supporte pas sa tolérance.
De plus, il s’attire les foudres de la reine qui ne supporte pas l’ingérence du ministre dans les affaires de ses favoris et bientôt celles du roi qui redoute de s’aliéner son gouvernement en acceptant les différentes réformes. Turgot est obligé de démissionner le 12 mai 1776.
Les ateliers de charité comme les autres œuvres sociales sont désormais gérés par les assemblées provinciales qui ont également la charge de la répartition des impôts et les travaux publics.
En 1789, l’hiver est tellement rigoureux que les ateliers parisiens font le plein. Rien qu’à Montmartre, 17.000 personnes espèrent ainsi gagner de quoi survivre. Il devient rapidement évident qu’il est impossible de faire face à cet afflux de mendiants et le gouvernement redoute des émeutes.
La révolution tant souhaitée par les Parisiens n’est pas parvenue à trouver une solution pour nourrir le peuple. Le chômage est même en augmentation. Les plus démunis se rendent compte que les nouveaux dirigeants ne se préoccupent pas réellement de leur sort.
Petit à petit les ateliers de charité qui sont de véritables bombes à retardement sont supprimés. La plupart des indigents restent cependant sur place ce qui explique la détresse dans laquelle vivent de nombreux habitants de Montmartre.
De plus, la manufacture de porcelaine de Clignancourt installée dans le nord de Montmartre depuis 1775, et placée sous la protection du comte de Provence (frère de Louis XVI et futur Louis XVIII) perd la plus grande partie de sa clientèle lorsque la Révolution éloigne la noblesse de Paris. Elle ferme définitivement ses portes en 1799 ce qui contribue encore à l’appauvrissement de la population.
Lorsque l’Assemblée constituante de 1789 adopte la loi de création des communes (ou municipalités), Montmartre qui a été rebaptisée « Mont Marat » est intégrée dans le département de la Seine.
Or, la paroisse vient d’être coupée en deux lors de la construction du « mur des Fermiers généraux ». Cette enceinte devait permettre à la Ferme générale, c’est à dire la compagnie chargée de percevoir pour le compte du roi les traites, les gabelles et les impôts sur les produits de tabac, de mieux contrôler les entrées de Paris. Les Fermiers généraux espéraient ainsi réduire le trafic de contrebande et faire payer des droits d’entrée à un plus grande nombre de personnes.
Un mur de 24 kilomètres, de plus de trois mètres de haut, équipé d’un chemin de ronde et percé de 55 passages appelés « barrières » est dressé autour de Paris entre 1784 et 1789, avec la bénédiction du contrôleur général des finances, Charles-Alexandre de Calonne.
Des bureaux d’octroi (ou propylées) sont construits aux endroits de passages obligatoirement empruntés par les marchands venus approvisionner les Parisiens. Ceux-ci n’apprécient pas d’être ainsi emmurés et c’est donc tout naturellement qu’ils s’en prennent aux barrières dès les premières heures de la révolution.
Les droits d’entrée sont abolis le 1er mai 1791.
Cependant, un nouvel octroi dit de bienfaisance est voté par le Conseil des Cinq Cents sous le Directoire, en 1798, afin d’alimenter les caisses servant aux dépenses locales, principalement pour les hôpitaux et les œuvres de charité.
Si plusieurs barrières sont détruites durant la révolution, d’autres sont ajoutées entre 1790 et 1860, notamment lors de l’annexion du village des Deux-Moulins rebaptisé Austerlitz et le système de perception est même renforcé.
Le mur est finalement détruit en 1860, après la construction de l’enceinte de Thiers qui augmente considérablement la superficie de Paris et englobe plusieurs communes limitrophes dont Montmartre.
Entre haut et bas Montmartre
Revenons quelques années en arrière, lorsque Montmartre est coupé en deux par le mur des Fermiers généraux. Le bas de la butte est dès lors intégré dans le 9ème arrondissement de la ville de Paris tandis que les hauteurs deviennent une commune indépendante dont la mairie est installée dans un ancien presbytère, à côté du domicile de son premier maire, Félix Desportes, place du Tertre.
Comme nous l’avons vu, le quartier de Montmartre est à cette époque en pleine ébullition mais le maire, un bourgeois « pro-révolutionnaire », parvient à préserver le calme dans les rues du Haut-Montmartre qui ne compte alors que quelques centaines d’habitants. Félix Desportes soupçonné, à juste titre, d’être attaché à des valeurs de l’Ancien Régime, ne sera pas reconduit dans ses fonctions et échappera même de justesse à la guillotine durant la Terreur.
Le Haut-Montmartre garde donc ses allures de paisible village même si plusieurs hameaux se développent au fil des années, notamment Clignancourt et le quartier de Château-Rouge.
La butte préserve cette identité rurale jusqu’au début du 20ème siècle malgré son rattachement à Paris en 1860. Elle attire de nombreux artistes qui choisissent de s’installer dans un environnement sain et dans des logements à prix modestes tout en étant proches de la capitale. C’est ainsi que Montmartre devient un lieu de rencontre privilégié où les peintres et chansonniers côtoient aussi bien les ouvriers que les petits bourgeois dans les bars ou les boutiques de la rue Lepic.
La butte est également connue pour ses nombreux moulins à vent .
Il en va tout autrement dans le Bas-Montmartre qui devient un lieu de plaisirs apprécié par de nombreux Parisiens. Les cabarets dont le Chat Noir et le Moulin Rouge ouvrent leurs portes dans les dernières années du 19ème siècle. Ils sont fréquentés par des spectateurs assidus et issus de toutes les conditions sociales. On y rencontre Toulouse-Lautrec, Marcel Proust, Maurice Utrillo, Alphonse Allais, la Goulue mais également des élégantes Parisiennes et des hommes d’affaires de passage dans la capitale. A côté de ces établissements, se développe une population marginale qui rend le quartier parfois dangereux et qui est à l’origine de la mauvaise réputation de Montmartre.
Au rendez-vous des voleurs
Remontons dans les hauteurs de Montmartre pour assister en 1860 à l’ouverture d’une auberge fréquentée par les rouliers (voituriers affectés au transport des marchandises ou des personnes). Cet établissement baptisé ironiquement « Au rendez-vous des voleurs » s’installe dans une maison construite en 1795.
A cette époque, les personnes n’ayant que peu de revenus préfèrent s’enivrer dans les auberges situées en dehors du mur des Fermiers Généraux car le vin non taxé y est vendu bien moins cher qu’à Paris. C’est pour cette raison qu’il est surnommé le « vin des barrières ». Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses guinguettes s’implantent en dehors de l’enceinte de la capitale.
Après l’ouverture des lignes de chemins de fer partant des gares parisiennes vers la banlieue, les guinguettes s’éloignent de la capitale.
Le cabaret des Assassins
En 1869, le « Rendez-vous des Voleurs » devient le « Cabaret des Assassins », faisant référence non pas à la population de Montmartre mais bien aux gravures représentant les plus célèbres meurtriers accrochées au mur par le propriétaire.
En 1871, la Commune de Paris prend naissance à Montmartre. Avec une forte concentration d’ouvriers, de petits commerçants et de chômeurs, le quartier est à nouveau une véritable poudrière dans un contexte social, économique et politique difficile. Après avoir vécu une grave famine et un siège de plus de quatre mois durant un hiver glacial, épisode douloureux de la guerre franco-allemande, les Parisiens se sentent humiliés par la capitulation de la France, l’occupation des Champs-Élysées par les troupes allemandes, les termes de l’armistice et surtout la proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces de Versailles.
Sentant la situation lui échapper et la révolte gronder, le président Adolphe Thiers ordonne d’enlever les canons de la Garde Nationale installés sur la butte Montmartre. Le général Lecomte chargé de cette mission est tué par des insurgés qui considèrent être menacés par ce désarmement d’autant plus que les canons ont été payés par la population. Retournement de situation, les soldats ne tardent pas à se ranger du côté des révoltés. Le soulèvement devient général le 18 mars 1871 et se terminera à l’issue de la « Semaine sanglante ». La Commune de Paris est réprimée entre le 21 et le 28 mai lorsque les troupes républicaines écrasent les insurgés. On estime que plus de 20.000 communards sont tués au combat ou fusillés de manière expéditive tandis que plus du double sont faits prisonniers.
Le Lapin à Gill
En 1879, l’établissement change encore de nom lorsque la nouvelle enseigne peinte par André Gill est accrochée à la façade. Le caricaturiste surnommé le « beau Geille » connu pour vendre ses dessins satiriques à de nombreuses revues dévoile son œuvre, un lapin en redingote s’échappant d’un poêlon avec une bouteille de vin. C’est ce lapin malicieux qui fait connaître le cabaret sous le nom « Au lapin à Gill », devenu au fil du temps « Au lapin agile ».
Le Lapin Agile est fréquenté par une clientèle des plus variées et notamment par des personnes peu recommandables. C’est pour cette raison que lorsque Adèle Decerf, danseuse de french cancan surnommée la « mère Adèle », rachète l’établissement en 1886, elle fait le tri et transforme la goguette en un café-restaurant-concert connu sous le nom « A ma campagne ». Elle parvient ainsi à attirer en journée la clientèle qui fréquente le Chat Noir en soirée.
Après quelques années, l’établissement est revendu à Berthe Sébource et à sa fille Marguerite Luc dite Margot qui épousera Pierre Dumarchey mieux connu sous son nom de plume, Pierre Mac Orlan.
Le Père Frédé
C’est alors que le destin du Lapin Agile va complètement changer. De petite goguette plus ou moins bien fréquentée, l’enseigne va devenir le lieu de rendez-vous des artistes de Montmartre.
Nous sommes en 1903 lorsque Berthe Sébource associe son amant Frédéric Gérard surnommé le « père Frédé » à son affaire.
Ce quadragénaire, figure légendaire de Montmartre, est également l’ancien propriétaire du cabaret « Le Zut » situé rue Ravignan, l’une des plus anciennes artères de Montmartre. Le cabaret est fermé par ordre de police après une bagarre épique déclenché par l’un des serveurs.
« Frédé » débarque donc au Lapin Agile avec sa ménagerie, chien, singe, souris, … et surtout son âne qu’il utilise pour transporter le poisson qu’il vend dans les rues.
Les artistes sont les bienvenus dans le cabaret et ils sont bien nombreux à profiter de la générosité et des chansons de Frédéric qui n’hésite pas à leur offrir un repas ou un pichet de vin en échange d’un tableau ou de quelques vers lorsqu’ils n’ont plus le sou.
On comprend que la bonté d’âme du tenancier attire bon nombre de peintres, d’écrivains et de poètes qui ont la garantie de trouver leur pitance et de passer des moments agréables en compagnie d’autres artistes ou de pousser la chansonnette.
Picasso, Apollinaire, Max Jacob, Roland Dorgelès poussent donc régulièrement les portes du Lapin Agile devenu leur repaire. Mais ils ne sont pas les seuls et on voit bientôt des anarchistes et même des voyous venus du Bas Montmartre, cherchant la bagarre avec les habitués, dans l’indifférence de la police.
Frédéric veille au grain et parvient à chasser les fauteurs de trouble mais le paie au prix fort lorsqu’un soir de 1910 son fils Victor est abattu derrière le bar.
Après quelques années sombres, le Lapin Agile retrouve sa sérénité parfois troublée par les discussions véhémentes entre avant-gardistes et traditionalistes.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que Roland Dorgelès met au point un canular pour démontrer que l’art abstrait est à la portée de n’importe qui …. voire d’un âne.
Il attache un pinceau barbouillé de peinture à la queue de l’âne de Frédé et lui fait réaliser un tableau … le tout sous l’œil d’un huissier.
L’œuvre baptisée « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » et signée du nom de « JR Boronali », un soi-disant peintre italien, est exposé au Salon des indépendants et connaît un certain succès. Ce n’est qu’après le salon que Dorgelès révèle la supercherie.
La toile est achetée par un peintre et l’argent récolté est offert à l’Orphelinat des Arts (actuellement Les Enfants des Arts devenu un hébergement pour jeunes talents).
La toile est aujourd’hui exposée à l’espace culturel Paul Bédu de Milly-la-Forêt.
L’époque bohème du Lapin Agile se termine brutalement avec le début de la Première Guerre mondiale. Les artistes se font rares et fréquentent désormais le quartier du Montparnasse, plus proche du centre de la capitale.
C’est la fin d’une époque mais pas celle du Lapin Agile. Si les artistes sont dorénavant payés pour se produire, le cabaret attire toujours autant et il n’est pas rare d’y rencontrer des personnalités françaises et étrangères dont Charlie Chaplin, Pierre Brasseur, Rudolph Valentino ou Georges Simenon.
Après la Seconde Guerre mondiale, de jeunes artistes encore inconnus comme Claude Nougaro y font leurs premières armes.
Le gendre du fils de Frédéric Gérard, Yves Mathieu en est le propriétaire depuis 1972. Il perpétue la tradition des « veillées » qui donnent leur chance aux humoristes et autres troubadours de la chanson.
Pendant ce temps, Montmartre est devenu l’un des quartiers les plus animés et les plus appréciés de la capitale. C’est également dans le quartier des « Grandes Carrières » qu’a été fondée en 1932 la « Cité Montmartre-aux-artistes » située rue Ordener. Considérée comme la plus grande cité d’artistes d’Europe, elle comprend 180 ateliers et ateliers-logements ouverts aux personnes à revenus modestes ou aux artistes à la recherche d’un atelier.
La visite
Outre les nombreux théâtres, cabarets et autres salles de spectacle, Montmartre témoigne de son passé en proposant à ses visiteurs de découvrir quelques monuments remarquables.
Si la montée de la butte vous fait peur, vous pouvez emprunter le funiculaire qui vous transporte 36 mètres plus haut en une minute trente. Ce funiculaire fonctionne en permanence de 6hr à minuit 45, tous les jours de l’année.
La basilique du Sacré-Cœur couronne la butte Montmartre
Construite entre 1875 et 1914, elle nous rappelle que ce quartier a toujours eu une vocation religieuse. Si pour certains, elle a été construite afin d’obtenir le pardon de Dieu pour la Commune de Paris, aucune mention officielle de cette motivation n’a été relevée.
Les plans sont conçus par l’architecte Paul Abadie qui souhaite édifier une basilique de styles roman et byzantin. Il meurt cependant bien avant la fin du chantier et ses successeurs modifient quel peu les plans d’origine.
La basilique est ouverte au public tous les jours de 6 à 22hr. La visite est gratuite et accessible aux personnes à mobilité réduite.
Le dôme ouvert de 9hr30 à 17hr (20hr en été) n’est en revanche pas accessible aux personnes invalides (pas d’ascenseur). Le campanile n’est pas ouvert au public.
L’église Saint-Pierre
Elle se visite librement à l’aide d’un audiophone. Des guides sont cependant à la disposition des visiteurs pour répondre à leurs questions.
L’église Saint-Jean de Montmartre
C’est un édifice combinant les styles néo-gothique et Art nouveau construit en 1894 rue des Abbesses, au pied de la butte.
La Place du Tertre
incontournable, c’est le lieu de rendez-vous des artistes qui peignent sous les yeux des touristes qui apprécient également ses cafés et restaurants.
Clos-Montmartre
La vigne de Montmartre est installée à flanc de colline, entre le Lapin Agile et le Musée de Montmartre. Mentionnée depuis le 10ème siècle, cette vigne appartenait autrefois aux moniales de l’abbaye. Cet espace est ensuite occupé par la guinguette « Le parc de la belle Gabrielle » et, plus tard, par les maisons d’Aristide Bruant et de Renoir. Lorsque la ville de Paris rachète le terrain pour en faire un lotissement, les habitants du quartier se mobilisent contre le projet et obtiennent gain de cause, une vigne est à nouveau plantée à Montmartre.
Si la vigne n’est pas ouverte au public, n’hésitez pas à participer à la Fête des vendanges de Montmartre qui a lieu en octobre. Les bénéfices de la vente aux enchères des vins sont reversés aux œuvres sociales locales.
Des visites guidées sont organisées à cette occasion.