Nicolas Flamel : Légende d’un alchimiste
Le nom de Nicolas Flamel a traversé les siècles car il aurait percé le secret de la pierre philosophale et de la vie éternelle.
Cette théorie avancée pour expliquer la fortune considérable d’un simple copiste ne repose cependant que sur des rumeurs répandues bien après le décès de Flamel et de son épouse.
Il est nettement plus vraisemblable que le libraire ne s’est jamais intéressé à l’alchimie. De plus, les livres qui lui sont attribués ne peuvent en aucun cas avoir été écrits par lui.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’histoire de l’alchimie et de comprendre comment un bourgeois de Paris du 14ème siècle en est devenu l’un des principaux représentants, bien malgré lui.
Un peu d’histoire
Nous sommes au début du 14ème siècle lorsque le roi de France, Louis X dit le Hutin décède probablement des suites d’une pneumonie même si on parle d’empoisonnement.
Sa première épouse, Marguerite de Bourgogne morte à Château-Gaillard où elle était incarcérée pour adultère (affaire de la Tour de Nesle) ne lui a donné qu’une fille, Jeanne, future reine de Navarre.
Sa seconde épouse, Clémence de Hongrie, est enceinte au moment de son décès. Elle met au monde un garçon, Jean 1er le Posthume, le 15 novembre 1316. Le bébé ne survit que quelques jours et laisse le trône vacant.
Cette situation est à l’origine d’une crise politique. Jeanne est écartée de la succession malgré l’intervention de son oncle maternel, le duc Eudes de Bourgogne. C’est finalement le frère du défunt roi, Philippe de Poitiers qui se fait sacrer roi sous le nom de Philippe V.
Les relations déjà tendues entre la France et l’Angleterre s’enveniment lorsque Édouard II refuse de jurer fidélité à Philippe V pour ses possessions en Gascogne.
En 1322, Philippe V décède à son tour sans héritier mâle et c’est son frère, troisième fils de Philippe-le-Bel, qui lui succède sous le nom de Charles IV dit le Bel.
Or, ce dernier s’est toujours opposé à son frère notamment en ce qui concerne la légitimité de la petite Jeanne et a donc été tenu à l’écart du pouvoir.
Si, dans un premier temps, les tensions avec l’Angleterre s’apaisent, elles reprennent de plus belle lorsque le roi de France refuse de livrer Roger Mortimer accusé d’avoir participé à un complot contre Édouard et qui se réfugie en France après s’être évadé de la tour de Londres.
Des incidents survenus à la limite du royaume de France et de la Guyenne, possession anglaise, mettent le feu aux poudres. Une première expédition menée dans le but de s’emparer du duché de Guyenne est lancée en juillet 1324. Une histoire d’amour entre la reine d’Angleterre, Isabelle de France, qui n’est autre que la sœur de Charles IV, et Roger Mortimer n’arrange rien d’autant plus que les deux amants montent une expédition depuis le Hainaut et envahissent l’Angleterre, en septembre 1326.
Tout s’enchaîne rapidement, la destitution suivie du meurtre d’Édouard II, la proclamation du jeune duc d’Aquitaine sous le nom d’Édouard III, la signature d’un traité défavorable à l’Angleterre et enfin le décès de Charles IV, le 25 décembre 1327.
La question de la succession se pose de manière cruciale puisque le roi n’a pas de fils et que tous ses frères sont également décédés. Le trône de France est alors convoité par plusieurs prétendants à savoir le cousin du roi défunt, Philippe de Valois, le mari de Jeanne de Navarre et donc gendre de Louis X, Philippe d’Évreux et le roi d’Angleterre Édouard III, petit-fils de Philippe-le-Bel par sa mère Isabelle de France.
Se reposant sur la loi salique interdisant aux femmes d’hériter du royaume de France, les candidats basant leurs prétentions sur leur épouse ou mère sont écartés puisqu’une personne ne pouvant accéder au trône ne peut, a fortiori, pas le transmettre.
C’est donc Philippe de Valois qui devient roi de France le 1er avril 1328, sous le nom de Philippe VI au grand dam d’Édouard III qui n’a cependant d’autre choix que d’accepter de rendre hommage au nouveau roi.
La question de la Guyenne est cependant loin d’être résolue puisqu’une partie de ce territoire correspondant à l’Agenais reste française mais est toujours revendiquée par le souverain anglais.
Le conflit prend de l’ampleur et la Guerre de Cent Ans est officiellement déclarée en 1337 lorsque Philippe VI saisit l’entièreté de la Guyenne et que, par représailles, Édouard III revendique la couronne de France.
Pendant 116 ans, les deux pays vont s’affronter et former des alliances pour tenter de s’imposer. Dans la première phase de cette guerre qui n’en finit pas, les Anglais parviennent à s’emparer d’une grande partie du territoire français notamment grâce à l’appui du duc de Bourgogne et à une division de la population proche de la guerre civile.
C’est finalement sous le règne de Louis XI que la guerre prend fin, en 1475. Pendant tout le conflit, la France vit une période troublée et instable marquée non seulement par les batailles mais surtout par les famines et les épidémies de peste qui ravagent le pays et déciment la population. Les Français doivent non seulement craindre les Anglais mais également les « grandes compagnies » qui n’hésitent pas à s’emparer de leurs récoltes entre deux batailles. En effet, à cette époque, l’armée n’est pas permanente et les rois font appel à des « routiers », parfois étrangers, engagés uniquement en temps de guerre. Démobilisés durant les trêves, ces mercenaires recourent à la rançon et au pillage pour assurer leur survie.
Nicolas Flamel
Copiste et libraire
Nicolas Flamel voit le jour vers 1340 dans une famille bourgeoise des environs de Paris, probablement à Pontoise.
Mort en 1418, il passe donc toute son existence dans un pays en butte avec la guerre, les maladies et les privations dues à des récoltes trop maigres pour nourrir l’ensemble de la population. Il ne faut pas oublier que la France perd la moitié de ses habitants durant cette période et que bon nombre des champs ne sont plus cultivés, faute d’agriculteurs.
Nicolas Flamel vit à Paris. Malgré la guerre et les tensions entre les partisans des Armagnacs favorables à la maison d’Orléans et ceux des Bourguignons, la capitale reste attachée à ses valeurs culturelles. C’est pour cette raison, que le métier de copiste et d’écrivain public choisi par le jeune homme lui permet de vivre décemment.
Il ouvre sa propre boutique dans une petite loge installée entre les arcs-boutants de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie et ouvrant sur une petite rue aujourd’hui disparue.
Cette artère qui s’appelle du temps de Nicolas Flamel « rue de la Pierre au Lait » ou rue « Pierre au Let » relie la place où s’élève l’église à la rue de la Vieille-Monnaie, dans l’actuel 4ème arrondissement.
Elle prend le nom de « rue des Écrivains » après 1430, faisant référence aux nombreuses échoppes d’écrivains installées en ce lieu. Elle a été rasée en 1856 lors de la construction de la rue de Rivoli.
De l’église Saint-Jacques-la-Boucherie à laquelle était adossée la boutique Flamel, il ne reste aujourd’hui que le clocher connu sous le nom de « Tour Saint-Jacques ». Celle-ci n’a cependant été édifiée qu’au début du 16ème siècle et n’existait donc pas du temps de Nicolas Flamel.
C’est donc au cœur de Paris que Nicolas Flamel exerce son art. Réputé pour son travail, il peut très vite faire construire une maison située à proximité de sa boutique, au croisement de la rue de la Pierre au Lait et de la rue du Grand-Marivaux (ou Marivaux des Lombards) rebaptisée en 1851, rue Nicolas Flamel. Ce bâtiment lui sert de lieu d’habitation mais il y installe également un atelier, à l’enseigne de « La fleur de lis ».
S’il profite d’une certaine aisance, sa demeure est loin d’être luxueuse et ne témoigne certainement pas d’une fortune extravagante. On y retrouve cependant déjà des décorations inspirées de sa dévotion ainsi que l’inscription :
Chacun soit content de ses biens, Qui n’a souffisance il n’a riens.
Profitant toujours de sa renommée, il devient libraire-juré et dépend donc dorénavant de l’Université de Paris. A cette époque, cette institution jouit d’un grand prestige et dispense des cours de droit canonique, de médecine, de théologie et d’arts libéraux. Ses professeurs sont également consultés en qualité de garants de l’autorité morale en cas de conflits impliquant la religion comme cela sera le cas lors du Grand Schisme d’Occident.
Nicolas Flamel qui a prêté serment devant l’Université devient donc clerc, signifiant littéralement quelqu’un d’instruit ou lettré, sans pour autant être ordonné prêtre ou même appartenir à un ordre clérical. Il fait partie des « libraires, parcheminiers, enlumineurs, écrivains et lieurs de livres » et, à ce titre, il ne dépend pas du prévôt mais bien du clergé et ne doit pas payer certaines taxes.
Être libraire ne signifie pas qu’il vend des livres mais bien qu’il recopie notamment des actes de notaires. Ses affaires sont florissantes et il a sous ses ordres d’ouvriers et d’élèves. Il a l’intelligence d’investir ses revenus dans l’immobilier.
Pernelle
En 1368, Nicolas Flamel épouse Pernelle (parfois orthographiée Perenelle) déjà deux fois veuve, de Raoul Lesthas et de Clément de Hanigues, et profitant de rentes confortables. Elle contribue ainsi à la fortune du couple mais on est toujours loin de sommes exceptionnelles.
Les Flamel n’ont pas d’enfant et consacrent une grande partie de leurs revenus à l’Église et aux personnes démunies.
Lorsque Pernelle décède en 1397, son mari hérite de sa part car les époux s’étaient légués mutuellement leurs bien « considérans la grande paix, dilection et concorde que l’un apporte à l’autre » . Ce testament pourtant enregistré devant un notaire est contesté par la sœur de la défunte qui est déboutée. Nicolas Flamel peut poursuivre l’œuvre commencée avec son épouse en faveur de l’Église
Il achète également différents immeubles dans Paris et dans les environs. La plupart d’entre eux servent de refuges ou d’hôpitaux pour les indigents.
Nicolas Flamel décède le 22 mars 1418 et lègue ses biens à l’Église ainsi qu’à différentes œuvres de charité.
De son vivant, il n’est nulle question d’alchimie ou de fortune suspecte. Les rumeurs concernant la découverte du secret de la pierre philosophale débutent près d’un siècle plus tard.
Les œuvres charitables des Flamel
Nicolas et Pernelle Flamel sont mariés depuis une vingtaine d’années lorsqu’ils décident de financer des œuvres et des constructions en faveur de l’Église C’est probablement l’absence d’enfants qui les poussent dans cette voie même si tous les deux sont déjà extrêmement pieux auparavant.
Ils participent notamment au financement de l’agrandissement de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie en faisant construire le portail ouvrant sur la rue des Écrivains. Nicolas et Pernelle Flamel sont représentés agenouillés et en prière de part et d’autre de la Vierge Marie entourée de Saint-Jacques et de Saint-Jean.
Cette église dédiée à Saint-Jacques le Majeur édifiée vers la fin du 11ème siècle est un haut lieu de pèlerinage car elle abrite des reliques de l’apôtre.
C’est également au sein de cette église que se réunit la puissante corporation des bouchers de Paris dès le 12ème siècle. Elle est malheureusement vendue comme bien national durant la Révolution. Les pierres de l’édifice sont récupérées et un marché couvert au linge et aux vieux vêtements appelé Cour du Commerce est installé sur son emplacement et transforme le clocher en fonderie de plomb de chasse. La tour Saint-Jacques est achetée par la Ville de Paris en 1836.
Aujourd’hui encore, elle est le point de départ de la via Turonensis, l’un des quatre principaux chemins empruntés par les pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Nicolas Flamel fait également bâtir l’une des arcades entourant le cimetière des Innocents (ou des Saints Innocents). Ce cimetière jouxtant l’église dédiée au enfants massacrés par Hérode, roi de Judée, se situe dans le quartier des Halles, à l’emplacement de l’actuelle place Joachim du Bellay (1er arrondissement). Il est alors le principal cimetière de Paris intra-muros.
Or, au 14ème siècle, il devient urgent de vider les fosses communes du cimetière utilisé depuis l’époque mérovingienne et qui contiennent plusieurs milliers de corps. C’est pour cette raison que des charniers sont installés tout autour de l’aître. Les ossements récupérés sont ensuite entassés sous un toit, au-dessus d’arcades financées par les bourgeois.
Quelques temps après la mort de son épouse, Nicolas Flamel lui fait édifier un mausolée au sein de ce cimetière et finance une nouvelle arcade richement décorée. Le couple y est sculpté agenouillé devant le Christ, Saint-Pierre et Saint-Paul. Différentes scènes bibliques sont évoquées dans une frise en bas-relief.
Les arcades ont disparu en même temps que le cimetière et l’église en 1785 pour des raisons de sécurité et de salubrité. Les charniers sont en effet saturés et les murs menacent de s’écrouler. Pendant quinze mois, des cortèges de tombereaux transportent chaque jour les ossements récupérés afin de les installer dans leur nouvelle « demeure », des anciennes carrières situées sous la rue de la Tombe-Issoire (14ème arrondissement) et transformées en catacombes. On peut encore y accéder depuis la place Denfert-Rochereau. Les visiteurs découvrent 1,7 kilomètre de galeries ce qui ne représente qu’une infime partie du réseau des carrières souterraines de la capitale.
On garde cependant une trace de ce monument grâce aux dessins de Charles-Louis Bernier.
Le libraire poursuit son œuvre charitable et contribue également à la restauration de plusieurs églises et chapelles. C’est en partie grâce à ses dons que l’église Sainte-Geneviève-la-Petite peut être restaurée. Une statue le représentant en robe à capuchon et portant l’écritoire, ce coffret contenant le nécessaire pour exercer la profession d’écrivain public, est installée dans une niche située à côté du portail.
L’église rebaptisée Sainte-Geneviève-du-miracle-des-Ardents a été sacrifiée en 1747 lors de la construction de l’hospice des Enfants Trouvés. En se promenant sur le parvis Notre-Dame, on peut apercevoir le contour de l’ancien édifice signalé par des pavés de couleur différente.
Parallèlement, Nicolas Flamel fait bâtir des hôpitaux et des refuges pour les plus démunis. Ces bâtiments sont reconnaissables par les initiales N F gravées sur les façades.
Les maisons sont occupées par des locataires payant un faible écot ou par des échoppes au rez-de-chaussée tandis que les indigents logent gratuitement dans les étages.
Seule l’une d’entre elles a survécu jusqu’à nos jours. Située rue de Montmorency, au numéro 51, la maison Nicolas Flamel est considérée comme la plus ancienne demeure de Paris encore debout (3ème arrondissement).
Nicolas Flamel décède le 22 mars 1418 et est enterré à Saint-Jacques-la-Boucherie. Sa pierre tombale récupérée par un commerçant après la Révolution a servi un moment d’étal avant d’être achetée par le préfet de la Seine, en 1847. Elle est aujourd’hui visible au Musée de Cluny.
On peut y lire :
Feu Nicolas Flamel, jadis écrivain, a laissé par son testament, à leuvre de ceste église, certaines rentes et maisons qu’il avait acquestées et achatées a son vivant, pour faire certain service divin et distributions d’argent chascun an, par aumosne touchans les Quinze-vins, lostel Dieu et autres églises et hospitaux de Paris. Soit prié pour les trépassés.
Les ossements des Flamel reposent aujourd’hui dans les catacombes de la capitale.
Nicolas Flamel, alchimiste ?
Comme nous l’avons vu, Nicolas Flamel a profité à la fois de son métier de copiste et libraire-juré ainsi que de l’apport de son épouse Pernelle pour augmenter ses avoirs. Il a également bénéficié de la conjoncture politique et économique défavorable en raison de la guerre pour investir dans l’immobilier à Paris et dans les environs de la capitale. Ces faits expliquent aisément la fortune confortable sans être extravagante qu’il amasse tout au long de sa vie.
Par testament, il lègue ses biens à diverses œuvres et surtout à la fabrique de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie qui hérite d’une dizaine de maisons ainsi que du terrain où sera bâti la tour Saint-Jacques. La liste de ces dons est longue mais les sommes sont relativement modestes. Il n’a pas oublié les pauvres et lègue du drap à plus d’une centaine de familles et orphelins en état de précarité.
Rien ne présage de la rumeur qui va enfler après son décès.
C’est en 1463, au cours d’un procès concernant la succession des Flamel, que pour la première fois on évoque une fortune considérable. Un témoin affirme que le libraire « estoit en renom d’estre plus riche de moitié qu’il n’estoit ».
Afin d’expliquer cette présumée richesse, on l’attribue à la découverte du secret de la pierre philosophale par Nicolas Flamel qui n’est dès lors plus un simple copiste mais bien un alchimiste.
L’alchimie
C’est le moment de nous pencher un peu plus longuement sur l’alchimie, un art plus qu’une science permettant de fondre, mélanger et transformer les métaux.
Cette pratique est fort ancienne puisque les Égyptiens la connaissent déjà au début de notre ère
Dès cette époque, des écrits relatent les techniques utilisées pour fondre les « sept métaux » connus, à savoir, l’or, l’argent, le cuivre, le plomb, l’étain, le fer et le mercure et pour faire des alliages dont le principal est le bronze (cuivre et étain). Des nouveaux métaux sont découverts bien plus tard, pendant la Renaissance.
Les plus anciens documents relatifs aux métaux et aux pierres précieuses sont les papyrus de Leyde et de Stockholm datés du 3ème siècle. On y retrouve notamment les recettes détaillées de la fabrication d’objets en imitation d’or, d’argent et de pierres précieuses. Celles-ci sont notamment échangées par des verres colorés tandis que l’argent est remplacé par des alliages blancs comme du cuivre blanchi à l’aide de produits corrosifs.
En résumé, dès l’Antiquité, les hommes tentent de changer une matière pour lui donner l’apparence d’une autre.
L’auteur de ces recettes explique par exemple qu’en traitant l’argent avec de l’eau de souffre obtenue en chauffant de la chaux, du soufre et du vinaigre (ou de l’urine), on peut le faire passer pour de l’or.
De là à penser à fabriquer de l’or véritable et non plus une simple imitation, il n’y a qu’un pas qui est franchi dès cette époque par l’un des précurseurs de l’alchimie, Zosime de Panopolis, originaire de la province romaine de la Haute-Egypte.
Pour lui, chaque matière peut être divisée en soma et en pneuma, c’est à dire le corps et l’esprit. Il s’attelle alors à la tâche de séparer ces deux composants en utilisant la distillation et la sublimation. Il veut ensuite mélanger l’esprit à du mercure considéré comme une eau divine afin d’obtenir de l’or ou de l’argent.
A cette époque, le but recherché n’est pas d’obtenir une matière à forte valeur marchande mais bien d’étudier les constituants de la matière et d’approcher la perfection.
On parle déjà de la « pierre philosophale », une substance pouvant transformer les métaux, guérir les maladies et prolonger la vie.
Les études de Zosime servent de base à l’alchimie durant toute le Moyen-Âge. C’est d’abord en Orient que cette discipline se développe réellement et fait l’objet de nombreux traités plus ou moins hermétiques. Il faut attendre le 12ème siècle pour qu’elle se diffuse en Occident grâce aux traductions en latin des textes arabes dont le « Liber de compositione alcemiae quem edidit Morenus Romanus » ou le « l.iber divinatis de septuaginta ».
Les alchimistes s’acharnent dès lors à reproduire en accéléré le processus de la formation des métaux. Les traités se multiplient présentant parfois une approche purement scientifique mais mêlant le plus souvent le divin ou la magie.
Le mythe de la pierre philosophale remontant au temps d’Adam et Eve et dont le secret se serait transmis de génération en génération à quelques initiés perdure et même prend de l’ampleur au Moyen-Âge. Une substance se présentant sous la forme d’une poudre rouge parfois appelée « soufre rouge » et extraite de la pierre philosophale pourrait selon les alchimistes changer un métal en un autre.
Des légendes naissent et c’est ainsi que le nom du dominicain Thomas d’Aquin est mentionné au 13ème siècle. Son maître Albert le Grand (Albertus Magnus) qui affirme avoir été témoin de la fabrication d’or par transmutation lui aurait en effet transmis ses connaissances alchimiques.
Pour les alchimistes, il n’y a aucun doute que les métaux précieux sont fabriquées à partir de « semences » et que ce processus extrêmement lent peut être accéléré. Il faut donc trouver cette semence et l’introduire dans du minerai en fusion pour obtenir de l’or.
L’accélération du procédé naturel est appelée le « Grand Œuvre » et tous les alchimistes passent leur vie à tenter de réaliser celui-ci en utilisant principalement du mercure.
Leur travail passe par plusieurs étapes appelées :
- Œuvre au noir : une préparation à base de minerai, de métal (mercure, plomb, fer ou argent) et d’acide. Ce mélange est manipulé pendant plusieurs années avant de devenir un fluide de couleur noire.
- Œuvre au blanc : le fluide se solidifie au contact de l’air et il faut alors le laver afin d’éliminer les scories.
- Œuvre au jaune : le liquide obtenu est épuré et transformé en vapeur sous l’effet de la chaleur
- Œuvre au rouge : la phase finale permet d’obtenir un verre de couleur rubis qui une fois broyé produit la pierre philosophale ou poudre de projection.
Si les trois premières étapes sont généralement réalisées par tous les alchimistes, il n’en est pas de même pour l’opération finale. Et pourtant, il se raconte que certains sont parvenus mais qu’ils ont gardé jalousement leur secret.
Cette conviction a bien entendu permis à de nombreux charlatans de se vanter de pouvoir fabriquer de l’or à partir du plomb. Le plus célèbre d’entre eux est Jean Trouin de Lisle qui vendait son « or » transmuté vers la fin du 17ème siècle. Il mourut cependant à la Bastille où il était incarcéré comme faux-monnayeur, emportant dit-on son secret dans la tombe. Il est plus vraisemblable de penser qu’il aurait bien été en peine de livrer un secret qu’il ne connaissait pas.
L’alchimiste
Revenons à Nicolas Flamel et à ses prétendues connaissances en alchimie. Rappelons qu’aucune rumeur à ce sujet n’a été avancée de son vivant et que seule sa supposée fortune sert d’argument à ceux qui affirment qu’il a percé le secret de la pierre philosophale.
Pour alimenter de telles rumeurs, on parle de livres écrits par le libraire, du symbolisme des gravures représentées sur l’arcade du cimetière des Innocents… .
Or les livres sont écrits bien après sa mort et les gravures ne contiennent que des thèmes fréquents à l’époque.
Et pourquoi aurait-il caché s’intéresser à l’alchimie puisque l’Église pourtant si prompte à accuser d’hérésie n’a jamais interdit cette pratique au contraire de la magie ? De même, la transmutation du métal échappait également à la condamnation de la justice qui condamnait seulement les faux-monnayeurs.
Mais la légende est née et est reprise par différents auteurs qui soutiennent que le libraire aurait eu accès à un ancien livre de recettes alchimiques. La profession de Nicolas Flamel accrédite donc cette thèse. C’est donc avec assurance qu’on le dit auteur du « Livre Flamel », du « Livre des laveures » ou encore du « Sommaire Philosophique » et du « Livre des figures hiéroglyphiques », le plus célèbre de ces ouvrages faussement attribués à Nicolas Flamel.
Au 17ème siècle, ses propriétés sont régulièrement fouillées voire saccagées par des alchimistes qui espèrent y retrouver les traces de la fameuse pierre philosophale.
Le Livre des figures hiéroglyphiques
Cet ouvrage édité en 1612 serait donc la traduction d’une œuvre de Flamel écrite en latin au début du 15ème siècle et intitulée « Les figures hiéroglyphiques de Nicolas Flamel ainsi qu’il les a mises en la quatrième arche qu’il a bâtie au Cimetière des Innocents à Paris, entrant par la grande porte de la rue S.Denys, & prenant la main droite, avec l’explication d’icelles par iceluy Flamel ».
Il y expliquerait avoir acheté « Le livre d’Abraham le Juif, prince, prêtre lévite, astrologue et philosophe ». Cet homme d’une grande érudition y aurait expliqué le cheminement pour réaliser le Grand Œuvre
Nicolas Flamel n’aurait cependant pas révélé ce secret, se contentant de raconter comment il l’a découvert. Il préciserait que c’est un médecin juif converti qui l’aurait aidé à comprendre les illustrations du livre alors qu’il était en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il affirmerait enfin avoir changé du mercure en or le 25 avril 1382 ce qui lui aurait permis de réaliser de nombreuses bonnes œuvres
Enfin, il aurait donné sa propre interprétation des figures de l’arcade du cimetière.
L’étude du livre écrit soi-disant par Nicolas Flamel au début du 15ème siècle relève très vite de nombreux anachronismes et notamment la mention de personnes ayant vécu bien après le décès de l’auteur présumé. Pour certains historiens, le livre est en réalité l’œuvre de l’écrivain François Béroalde de Verville.
Quoiqu’il en soit, le livre imputé à Nicolas Flamel connaît un grand succès et il n’en faut pas plus pour faire d’un bourgeois dévot et un brin orgueilleux comme en témoignent ses représentations et ses initiales présentes sur toutes ses constructions, un éminent alchimiste.
De nouvelles rumeurs naissent au fil des siècles …. le livre d’Abraham aurait été vu entre les mains du cardinal de Richelieu. On dit même que Nicolas Flamel et son épouse ne sont pas morts car ils auraient découvert le secret de la vie éternelle. Cette croyance resurgit de temps en temps et le couple aurait été aperçu à l’opéra en 1761.
A la fin du 18ème siècle, l’alchimie n’a plus la cote mais il en subsiste l’idée romantique d’une science inachevée et incomprise dont Nicolas Flamel est l’un des héros. C’est ainsi qu’il devient un personnage récurrent dans les livres et pièces de théâtre et, bien plus tard, dans les films, jeux vidéo et bandes dessinées bien que son histoire est complètement remise en question .
La visite
La maison « Au grand pignon » a été bâtie en 1407 par le libraire afin d’offrir un toit aux personnes dans le besoin. Il y a fait gravé ses initiales en gothique ainsi que l’inscription suivante :
Nous homes et femes laboureurs demourans ou porche de ceste maison qui fut faite en l’an de grâce mil quatre cens et sept somes tenus chascun en droit soy dire tous les jours une paternostre et un ave maria en priant Dieu que sa grâce face pardon aux povres pescheurs trespasses Amen.
Le rez-de-chaussée de cette maison rebaptisée du nom de son fondateur abritait autrefois plusieurs boutiques tandis que les étages accueillaient les pauvres. Ceux-ci avaient pour seule obligation de prier soir et matin pour leurs bienfaiteurs.
Aujourd’hui, la maison de Nicolas Flamel est occupée par une auberge proposant de la gastronomie française dans le cadre plein de charme du vieux Paris.
Auberge Nicolas Flamel
51, rue de Montmorency
75003 Paris
Tel : 01 42 71 77 78
Mail : auberge.flamel@yahoo.fr
Le Paris des Alchimistes
Si vous souhaitez découvrir les secrets des alchimistes à Paris, pourquoi ne pas suivre un guide passionné par les religions et rites anciens. Guillaume vous invite à le suivre dans les rues de la capitale à la recherche des mystères gravés dans la pierre des plus vieux bâtiments de la ville.
La visite thématique dure approximativement 3 heures et démarre en semaine à 19hr et les week-ends à 14hr30.
tel : 0764168722
mail : contact@sous-les-paves.com