Ville de Bayeux, Calvados en Normandie - ©Pierre Bastien via Communes.com

La tapisserie de Bayeux

Au cœur de la Normandie, dans le département du Calvados, la petite ville de Bayeux est idéalement située à quelques kilomètres des côtes de la Manche et de Caen.
C’est dans cette ville, et plus particulièrement dans l’ancien séminaire de la ville transformé en Centre Guillaume-le-Conquérant, que la célèbre « Tapisserie de Bayeux » est conservée et exposée au public. De passage dans la région, n’hésitez pas à consacrer un peu de votre temps pour découvrir cet ouvrage datant du 11èmesiècle retraçant la Conquête de l’Angleterre par le Duc de Normandie et inscrite sur le registre « Mémoire du Monde » par l’UNESCO.

Un peu d’histoire

L’ascension d’un fils illégitime

Découvrons tout d’abord le fabuleux destin de Guillaume, fils du Duc Robert 1er de Normandie et d’Arlette, une jeune femme originaire de Falaise et fille de commerçant.
Guillaume naît dans les années 1920 (la date reste aujourd’hui encore incertaine) au domicile de sa mère. Il est probable que son père avait épousé la jeune Arlette à la « mode danoise » puisque la polygamie tolérée par les Vikings était encore à cette époque pratiquée en Normandie. Les enfants des secondes épouses ou « frilla » étaient donc tout à fait légitimes pour les Normands.
En revanche la pratique est interdite par le christianisme et c’est pour cette raison que Guillaume est surnommé le bâtard. Il peut néanmoins succéder à son père.

Guillaume a deux frères et une sœur plus jeunes, Odon de Bayeux et Robert de Mortain, fruits de l’union officielle d’Arlette et de Herluin de Conteville, ainsi qu’Adélaïde de Normandie. L’identité des parents d’Adélaïde est incertaine mais elle pourrait être également la fille de Robert 1er.

Avant de partir en pèlerinage à Jérusalem, le duc de Normandie désigne Guillaume, son seul fils, comme héritier. C’est ainsi que le jeune garçon succède à son père mort à Nicée (Turquie) en 1035.
Son jeune âge – Guillaume n’a pas encore 10 ans – explique les troubles qui éclatent dans le duché sur fond de complots, d’assassinats et de conflits entre les différentes baronnies.
La Normandie traverse une période chaotique aggravée par la famine et les épidémies qui frappent la région.

Afin de protéger la vie du jeune duc, ses proches le cachent et lui font changer régulièrement de résidence. Cela n’empêche pas les seigneurs normands de comploter pour évincer Guillaume au profit de Gui de Brionne, fils d’Adélaïde de Normandie (la sœur de Robert 1erà ne pas confondre avec son homonyme, sœur de Guillaume) et de Renaud 1er de Bourgogne.
Victime d’une tentative de meurtre, Guillaume réclame et obtient l’appui du roi de France Henri 1er.
La révolte des barons normands est matée à Val-ès-Dunes en 1047 et Gui de Brionne est banni du Duché.

Dès cette époque, Guillaume s’impose à la tête de son Duché. Il prend pour épouse Mathilde de Flandre, nièce de Henri 1ermalgré l’opposition du pape qui reproche le proche degré de parenté des époux. Ils sont finalement absous en échange de la construction des abbayes aux Hommes et aux Dames de Caen et de quatre hôpitaux.

Cette alliance renforce la puissance de la Normandie au point d’inquiéter Henri 1er qui n’hésite pas à prendre le parti du comte d’Anjou contre le duc de Normandie. Guillaume doit également faire face aux ambitions des Richardides, descendants de Richard 1er de Normandie qui ne digèrent pas leur exclusion de la succession.
En 1054, le roi de France et le comte d’Anjou à la tête d’une forte coalition pénètrent en Normandie et attaquent simultanément le Pays de Bray et le comté d’Évreux. Après une défaite de son armée, Henri 1erchange à nouveau de camp et fait la paix avec Guillaume.
Trois ans plus tard, Français et Angevins tentent à nouveau de s’emparer de la Normandie et essuient une défaite cinglante. Guillaume profite d’une période de paix d’autant que Henri 1er de France et le comte d’Anjou Geoffroy II Martel décèdent tous les deux au cours de l’année 1060.

Guillaume instaure une politique à pouvoir central fort afin de mieux contrôler ses vassaux. Des postes-clés sont confiés à ses proches. C’est ainsi que ses demi-frères Odon et Robert de Conteville deviennent respectivement évêque de Bayeux et comte de Mortain.
Caen obtient le statut de capitale politique du duché de Normandie.

La couronne d’Angleterre

Alors que Guillaume de Normandie consolide son pouvoir sur ses terres, le roi d’Angleterre Édouard-le-Confesseur décède le 5 janvier 1066 après un règne paisible de 23 ans.
Son union avec Édith de Wessex est restée stérile et, selon certaines rumeurs, n’a même jamais été consommée.
Le décès sans descendance du souverain déclenche une crise de succession. Le trône convoité semble avoir été promis à plusieurs seigneurs et notamment à Guillaume de Normandie.
Harold Godwinson, frère d’Édith et seigneur du puissant comté de Wessex, se fait couronner roi d’Angleterre dès le lendemain du décès d’Édouard.
Guillaume de Normandie, mais également Harald III de Norvège, qui estiment tous deux avoir des droits sur le pays s’opposent à Harold.
Ces deux prétendants défavorisés s’allient pour conquérir l’Angleterre. Il est vraisemblable qu’ils avaient prévu de se partager les territoires. La mort de Harald de Norvège durant la bataille de Stamford Bridge le 25 septembre 1066 profite donc à Guillaume.

Soutenu par le pape, il a convaincu ses barons d’attaquer l’Angleterre et prépare activement l’invasion. De nombreux Bretons, Flamands et Boulonnais se joignent aux Normands afin de former une armée de plus de 7.000 hommes et une flotte estimée à 600 navires. Il promet aux soldats des propriétés en Angleterre en échange de leur participation.
Guillaume assure également la protection de ses terres afin qu’il ne soit pas envahi durant son absence. C’est son épouse Mathilde qui doit, avec l’aide de Roger de Beaumont et Roger de Montgomery, gérer les affaires du Duché.

Après avoir attendu des conditions météorologiques favorables, la flotte normande s’élance de Saint-Valery-sur-Somme le 28 septembre et débarque à Pevensey, dans le sud-est de l’Angleterre.
Les forces se révèlent vite inégales. Guillaume est à la tête d’une armée fraîche qui a le temps de se protéger efficacement puisque les troupes d’Harold sont encore dans le Yorkshire, bien plus au nord. Épuisés par les combats contre Harald de Norvège, les hommes doivent traverser le pays à la rencontre des Normands réfugiés dans une motte castrale, une fortification en terre surmontée d’une tour en bois et construite rapidement à Hastings.

La bataille d’Hastings

Les troupes se rencontrent à quelques kilomètres de Hastings le 14 octobre 1066.
Les Normands disposent de cavaliers, de fantassins et d’archers tandis que l’armée anglaise se compose uniquement de fantassins. Les soldats de Harold ont cependant un avantage, ils sont regroupés au sommet de la colline de Caldbec. Les flèches normandes ne parviennent pas à les atteindre suffisamment pour les déstabiliser. De plus, ils accueillent les lanciers à coup de javelots et de haches. Les cavaliers qui s’élancent à leur tour ne parviennent pas non plus à opérer une brèche dans les rangs anglo-saxons.
Les hommes de Guillaume se replient pourchassés par les Anglais mais le duc – qui combat à visage découvert pour prouver qu’il est encore en vie contrairement aux rumeurs qui circulent – parvient à rassembler ses troupes. La situation inspire à Guillaume un changement de stratégie. Feignant de fuir, ils se retournent contre leurs poursuivants à plusieurs reprises.
Le combat particulièrement meurtrier fait rage toute la journée. Le soir venu, plus de 5.000 cadavres jonchent le champ de bataille.
L’armée anglaise en déroute après le décès de leur roi, probablement atteint par une flèche dans l’œil, est définitivement vaincue.
Guillaume qui a mérité son surnom de Conquérant fait route vers Londres où le conseil des sages, le « Witenagemot », vient de proclamer roi le jeune Edgar Atheling, petit-neveu d’Édouard le Confesseur et dernier représentant de la maison de Wessex, sans toutefois le couronner.
Lorsque Guillaume s’empare de Londres, la noblesse anglaise accepte de se soumettre. Le duc normand est couronné en l’abbaye de Westminster le jour de Noël.

Guillaume-le-Conquérant retourne en Normandie en mars de l’année suivante, laissant son frère Odon de Bayeux ainsi qu’un de ses compagnons, Guillaume Fitz Osbern, gérer le royaume d’Angleterre. Ils reçoivent les titres respectifs de comtes de Kent et d’Hereford.
Confronté à de nombreuses révoltes anglaises, Guillaume distribue des terres à des seigneurs normands et parvient ainsi à maintenir le pays sous sa coupe.

Vers la fin de son règne, Guillaume-le-Conquérant qui est une fois de plus entré en conflit avec le roi de France voit son pouvoir diminuer. Ces faits sont à l’origine de la rivalité qui va opposer la France et l’Angleterre pendant plusieurs siècles.

Guillaume est mortellement blessé au combat le 9 septembre 1087, devant Rouen.

La tapisserie

La tapisserie de Bayeux a été réalisée entre 1066 et 1082 sur ordre d’Odon de Bayeux, demi-frère de Guillaume-le-Conquérant. La dénomination de « tapisserie de la reine Mathilde » souvent utilisée est donc totalement erronée.
Elle retrace l’histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands. Elle relate en détail les faits, depuis les préparatifs de l’invasion suite au décès d’Édouard-le-Confesseur et la prise du trône par Harold jusqu’à la bataille de Hastings et le décès du roi Harold. Il est cependant vraisemblable que la fin de la tapisserie a été perdue au fil du temps et qu’elle comprenait à l’origine le couronnement de Guillaume.

Description de l’ouvrage

L’ouvrage qui mesure 68,38 mètres de long sur 50 centimètres de haut n’est pas à proprement parler une tapisserie. Il s’agit en réalité de huit panneaux de lin brodés aux points de tige, de couchage (ou de Bayeux), fendu et de chaînette à l’aide de fils de laine teints en une dizaine de couleurs. Ces teintes sont obtenues par le mélange de trois colorants naturels, la garance, la gaude et l’indigotine.
Les panneaux ont été ensuite assemblés pour former une seule pièce qui se lit un peu à la manière des bandes dessinées.
Les scènes principales sont brodées dans une bande de 33 cm et sont accompagnées de phrases descriptives en latin. Deux bordures de 7 cm prennent place en haut et en bas de cette bande centrale. Elles sont ornées d’un bestiaire, parfois réaliste parfois fantastique, de scènes agricoles et érotiques, de l’illustration de différentes fables d’Ésope ou d’anecdotes qui se sont déroulées durant les batailles.

Les 1.515 sujets, personnages et animaux, recensés sur l’ouvrage ont permis d’étudier la vie quotidienne des contemporains du Duc de Normandie. Ils ont en effet donné des indications précieuses concernant notamment la mode vestimentaire, les harnachements des chevaux, les armes et la construction des navires. On découvre également des « vues » de l’Abbaye et du château de Westminster et de la cour ducale de Guillaume.
En revanche, si le déroulement des faits est conforme à la réalité, il est probable que l’histoire a été « embellie » afin de valoriser les prouesses de Guillaume et surtout à rendre légitime l’invasion de l’Angleterre par les Normands. La tapisserie raconte par exemple la promesse faite par Harold de soutenir Guillaume dans son intention de succéder à Édouard.

On découvre également la représentation de la comète de Halley qui a bien été visible dans le ciel anglais en avril 1066.

L’histoire de la tapisserie

Il est donc vraisemblable que l’œuvre a été exécutée sur ordre d’Odon de Bayeux même si plusieurs autres thèses ont été avancées.
La théorie selon laquelle la Reine Mathilde, épouse de Guillaume, et ses suivantes auraient elles-mêmes brodé la tapisserie s’est révélée fausse.
Si l’œuvre a été réalisée par plusieurs brodeuses comme en témoignent les différences relevées dans les finitions, elle a cependant été fabriquée dans un seul atelier, probablement en Angleterre. La théorie d’un travail exécuté en Angleterre se base notamment sur le style graphique des inscriptions et la réputation de la broderie anglo-saxonne au 11ème siècle.
Plusieurs historiens soutiennent cependant que la facture de l’ouvrage témoigne d’une origine normande mais cette théorie n’a pas été confirmée.

La tapisserie commandée par Odon était un véritable ouvrage de vulgarisation. Il permettait au peuple le plus souvent illettré de comprendre le déroulement de la conquête de l’Angleterre par Guillaume.
Elle était probablement destinée à être exposée dans différents châteaux et édifices religieux, autant en Normandie qu’en Angleterre, avant de prendre place dans la cathédrale de Bayeux.
Il faut cependant attendre 1476 pour qu’elle soit inscrite dans l’inventaire de la cathédrale.
Dès cette date, la tapisserie n’est plus exposée qu’une fois par an, entre le 1eret le 8 juillet, à l’occasion de la fête des Reliques.
Fort heureusement, Léonard Lambert-Leforestier, avocat de son état, parvint à la sauver lors de la Révolution française.

Durant les guerres napoléoniennes contre l’Angleterre, la tapisserie devient symbolique et est transférée à Paris où elle est exposée une première fois en 1804. Elle fait ensuite partie des collections permanentes de la Bibliothèque de la Place du Château (actuelle Place de Galle) et ensuite de l’Hôtel du Doyen.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’elle a repris le chemin de Bayeux. Depuis 1983, elle a intégré un espace qui lui est entièrement consacré.

La visite du Musée

La tapisserie de Bayeux est exposée de manière permanente dans le Centre Guillaume-le-Conquérant qui occupe les locaux de l’ancien séminaire de Bayeux édifié à la fin du 17èmesiècle et classé monument historique depuis 1977.
De par sa composition en « bande dessinée », la Tapisserie permet aux enfants de découvrir une page d’histoire de manière attractive et ludique. La visite qui dure en moyenne 1h30 est donc une activité idéale à faire en famille. Elle comprend la découverte de la tapisserie, la visite d’une salle consacrée à l’époque de Guillaume-le-Conquérant et à la bataille d’Hastings ainsi que la projection d’un film.
Des audio-guides – dont il existe une version « junior » – permettent de comprendre les différentes scènes brodées.
Le musée est accessible aux personnes non valides par l’arrière du bâtiment. Un ascenseur leur permet de se rendre facilement à l’étage et un fauteuil roulant est mis gratuitement à leur disposition.

En pratique

La Tapisserie de Bayeux
13 bis, rue de Nesmond
14400 Bayeux
Tel : +33 (0)2 31 51 25 50
Site : http://www.bayeuxmuseum.com

Horaires d’ouverture :

Le musée est ouvert tous les jours du 1erfévrier au 31 décembre, excepté du 24 au 26 décembre :

  • de 9h30 à 12h30 et de 14h00 à 18h00 en février, en novembre et en décembre
  • de 9h00 à 18h30 en mars, avril, septembre et octobre
  • de 9h00 à 19h00 de mai à août

Il est conseillé d’acheter le « Pass Bayeux Museum » donnant accès aux trois Musées de Bayeux :

  • La Tapisserie de Bayeux
  • Le Musée Mémorial de la Bataille de Normandie
  • Le Musée d’Art et d’Histoire Baron Gérard

Découvrir Bayeux

Outre ses trois musées, la ville de Bayeux offre bien d’autres trésors à ses visiteurs.
Bayeux a en effet été au cœur de l’histoire depuis sa fondation au 1ersiècle avant JC par les Romains. Elle portait alors le nom d’Augustodurum et était la capitale du Bessin, ancien territoire du peuple celtique des Bajocasses.
Rasée lors des invasions des Vikings à la fin du 9èmesiècle, Bayeux se relève rapidement de ses cendres et connaît un développement important durant le 11èmesiècle. Le demi-frère de Guillaume-le-Conquérant, Odon de Conteville est nommé évêque de Bayeux en 1049 alors qu’il n’est âgé que de 19 ans. Il contribue au rayonnement religieux et culturel de la ville.

Bayeux perd peu après son statut de capitale au profit de Caen. Malgré quelques pages plus sombres, la ville ne souffre que peu des conflits opposant la Normandie et la France qui veut reconquérir les terres de l’Empire Plantagenêt au début du 13ème siècle.
Ce n’est qu’en 1417 que les Anglais s’emparent de la ville durant la Guerre de Cent Ans. Elle est reprise par les Français en 1450 et connaît alors une longue période prospère marquée par de nombreuses constructions même si Bayeux souffre des guerres de religion du 16èmesiècle et que de nombreux édifices religieux sont détruits.
Bayeux doit sa forte croissance économique entre le 17ème et le 19ème siècle à l’implantation de manufactures de dentelles aux fuseaux et de porcelaine qui ont fait la renommée de la ville.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Bayeux est occupée par la Wehrmacht dès 1940. Elle est la première ville française libérée par les Alliés au lendemain du débarquement de Normandie.
La ville a miraculeusement été épargnée par les bombardements qui ont précédé l’opération Neptune et par les batailles qui ont ravagé la Normandie entre juin et août 1944.

À visiter à Bayeux et dans les environs

  • les trois musées de la ville
  • le vieux Bayeux et ses ruelles bordées d’hôtels particuliers à découvrir également en empruntant le petit train qui circule d’avril à fin septembre
  • la Cathédrale Notre-Dame de Bayeux
  • le jardin botanique, un parc paysager du 19ème siècle
  • le Conservatoire de la dentelle de Bayeux
  • les différents sites des plages du débarquement en Normandie
  • le cimetière militaire britannique
  • le mémorial Dwight Eisenhower
  • une promenade dans la Vallée de l’Aure
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