Scandale à la cour du Roi : L’affaire de la tour de Nesle
Nous sommes au début du 14ème siècle, à la cour du roi de France Philippe IV le Bel quand éclate l’affaire de la Tour de Nesle. Deux des belles-filles du roi, Blanche et Marguerite de France sont emprisonnées pour adultère.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir le destin de ces princesses mais également les circonstances et les conséquences de ce scandale qui secoue la famille royale.
Un peu d’histoire
Le règne de Philippe IV-le-Bel
En 1286, Philippe IV dit le Bel est sacré roi de France à Reims et succède ainsi à son père Philippe III dit le Hardi. Il n’est âgé que de 17 ans mais se révèle très vite être un roi intransigeant voire rigide qui dirige d’une main ferme le royaume le plus peuplé du monde chrétien.
Sous son règne, la France traverse une période troublée et des mesures prises par le roi mécontentent bourgeois, clergé et nobles.
En effet, Philippe IV entreprend de réformer son administration afin de centraliser le pouvoir ce qui est préjudiciable aux seigneurs qui profitaient largement du système féodal. De plus, il lève de nouveaux impôts qui touchent l’ensemble du royaume au grand dam de la classe bourgeoise dont les revenus diminuent.
Parallèlement, le roi ordonne l’émission de nouvelles monnaies ce qui provoque une grande instabilité. La monnaie subit une succession de dévaluations et de réévaluations ce qui semble prouver que les décisions de Philippe IV et de son conseil ne reposent pas sur une base solide.
Cette situation déclenche des émeutes, le peuple confronté à une forte inflation se rebelle contre l’autorité du roi qu’il juge abusive.
Les tensions entre le roi et le pape
Face à cette situation difficile, le roi a l’idée d’aller chercher l’argent là où il se trouve c’est à dire auprès des membres du clergé, des Juifs, des banquiers lombards et des Templiers. Les impôts pleuvent, des biens sont confisqués.
Philippe IV s’attaque à l’ordre du Temple dont la raison d’exister a, selon lui, disparu avec la perte de la Terre Sainte après la chute de Saint-Jean-d’Acre en 1291.
Les chevaliers revenus en France se comportent comme des puissants et riches seigneurs. On est loin des premiers Templiers qui avaient fait vœu de pauvreté. Les commanderies sont devenues de vastes domaines fonciers dont les chevaliers tirent d’importants revenus tout en profitant de nombreux privilèges, récoltant notamment des droits de péage, d’octroi et de douane.
N’oublions pas que les Templiers étaient également des hommes de guerre et qu’ils disposent d’une force armée toute dévouée au pape.
Or, les relations entre le roi de France et l’Église catholique ne sont pas au beau fixe et Philippe IV redoute la présence de cette troupe parfaitement entraînée au combat sur son territoire. De plus, le pape Boniface VIII refuse que le clergé paie de nouveaux impôts sans l’accord du Saint-Siège. Furieux, Philippe interdit toute sortie de valeurs de son territoire. Le pape est donc privé des revenus de ses terres françaises
La situation devient explosive et lorsque Philippe le Bel conseillé par le chancelier Guillaume de Nogaret veut réunir le concile œcuménique afin de juger ce pape qui affirme la supériorité du spirituel sur le temporel, en 1303, celui-ci réplique en l’excommuniant.
Dans la nuit précédant la publication officielle de la bulle pontificale « Super patri solio », Nogaret à la tête d’une petite armée pénètre dans la résidence d’été du pape, à Anagni, afin d’obliger Boniface VIII d’abdiquer.
Les habitants d’Anagni parviennent cependant à repousser les gens de Nogaret et à libérer le pape qui retourne à Rome où il décède quelques semaines plus tard.
Son successeur, Benoît XI lève l’excommunication frappant le roi mais somme Nogaret et son complice Sciarra Colonna de se présenter devant son tribunal établi à Pérouse. Nogaret ignore cet ordre et est à son tour excommunié.
Après le décès de Benoît XII, Clément V soutenu par Philippe V est élu pape. D’origine française, il transférera le siège de la papauté à Avignon.
Étant parvenu à faire élire son candidat à la tête de l’Église catholique, Philippe le Bel peut s’attaquer aux Templiers et c’est ainsi qu’il parvient à abolir leur ordre le 13 octobre 1307. Les chevaliers disséminés aux quatre coins du pays sont emprisonnés à l’aube. Des parodies de procès s’ouvrent afin de les juger sur base de faux témoignages et d’aveux arrachés sous la torture.
Philippe-le-Bel et Nogaret sont également à l’origine de l’expulsion des Juifs de France. Dès 1292, les Juifs sont soumis à de lourdes taxes et trois ans plus tard, ils sont obligés de racheter leurs propres biens confisqués au préalable.
En 1306, les caisses du royaume sont à nouveau à sec, il faut trouver comment les remplir. Les Juifs qui ne représentent pourtant qu’un faible pourcentage de la population possèdent de grandes et prospères propriétés. Il suffit donc de les chasser hors de France pour s’emparer de celles-ci au profit de l’État Aussitôt dit, aussitôt fait …. une centaine de milliers de Juifs sont exilés. Ils sont non seulement dépossédés de leurs biens mais ils doivent même payer pour pouvoir traverser les frontières. Nombre d’entre eux décèdent, épuisés ou affamés avant d’avoir pu rejoindre des terres d’asile.
Tous ces événements sèment le trouble dans le royaume de France et même si Philippe le Bel a réussi à agrandir son territoire par le biais des conquêtes, acquisitions et mariages, son pouvoir est régulièrement menacé par des émeutes et des conflits.
L’affaire de Nesle
C’est dans ce contexte difficile que survient le scandale dit de la Tour de Nesle, en 1314.
Le roi Philippe IV et son épouse Jeanne 1ère de Navarre (décédée en 1305) ont eu sept enfants dont quatre sont encore en vie :
- Louis né en 1289 qui a hérité de la couronne de Navarre de sa mère. Futur roi de France sous le nom de Louis X dit le Hutin, il est l’époux de Marguerite de Bourgogne, fille de Robert de Bourgogne et d’Agnès de France, elle-même fille de Louis IX dit Saint-Louis.
- Philippe né en 1293 qui succédera à son neveu Jean Ier, fils posthume de Louis X mort à l’âge de 4 jours, en 1316. Il devient roi sous le nom de Philippe V dit le Long. Philippe a épousé en 1307 Jeanne II de Bourgogne, fille d’Othon IV de Bourgogne et de Mahaut d’Artois.
- Charles né en 1294 qui deviendra roi de France sous le nom de Charles IV dit le Bel en 1322 à la mort de son frère Philippe. Il se marie en 1308 avec Blanche de Bourgogne, sœur de Jeanne II.
- Isabelle de France née en 1295 qui devient reine d’Angleterre en 1308 après son mariage avec Édouard II d’Angleterre.
Les quatre enfants survivants de Philippe-le-Bel sont tous mariés pour des raisons politiques. Le destin d’Isabelle, une enfant à la fois belle, intelligente et cultivée, est scellé dès son plus jeune âge. Son mariage doit servir à réconcilier la France et l’Angleterre.
Elle est d’abord promise au roi Édouard 1er mais celui-ci épouse finalement Marguerite de France, la sœur de Philippe-le-Bel.
En 1308, Édouard II et Isabelle s’unissent à Boulogne-sur-Mer après d’âpres négociations. Isabelle âgée de 12 ans est dorénavant mariée à un homme qui a déjà des maîtresses et entretient une relation un peu ambiguë avec l’un de ses favoris, Pierre Gaveston, à qui il confie de grandes responsabilités. Elle doit de plus trouver sa place dans ce pays étranger. Les fêtes données en Angleterre en l’honneur du couronnement ne laisse aucun doute à la jeune femme, son époux la néglige et préfère la compagnie de Gaveston à la sienne. Même si des doutes concernant sa sexualité planent encore, le roi remplira néanmoins son devoir conjugal.
Bien que peu heureux, ce mariage donne naissance à quatre enfants dont le futur Édouard III d’Angleterre. Isabelle assume pleinement son rôle de reine et soutient son époux même lorsqu’il pleure le décès de Gaveston arrêté et exécuté par le comte de Lancastre en 1312.
La situation entre les deux époux s’améliore et leur union est -pour un temps- basée sur le respect qu’ils se témoignent.
C’est ainsi qu’Édouard et Isabelle se rendent en mai 1313 en France, un voyage qui sera à l’origine de l’affaire de la Tour de Nesle.
Les princesses françaises
En guise de présents, Isabelle d’Angleterre offre à ses trois frères et à leurs épouses Marguerite, Jeanne et Blanche des aumônières brodées, à la sortie d’un spectacle.
Après un séjour fructueux au cours duquel les rois d’Angleterre et de France apaisent les tensions, la jeune femme et son époux retournent à Londres. Quelques mois plus tard, un banquet est donné en l’honneur du couple royal et c’est avec stupéfaction que la reine reconnaît les bourses offertes à ses belles-sœurs portées à la ceinture par deux frères, des chevaliers normands, Gauthier et Philippe d’Aunay.
L’année suivante, en 1314, Isabelle rend à nouveau visite à son père, officiellement pour conclure un traité concernant le duché d’Aquitaine.
Dès son arrivée, elle informe Philippe-le-Bel des faits qu’elle a remarqué et le roi surveille ses brus. Il faut vite se rendre à l’évidence, deux d’entre elles, Blanche et Marguerite, trompent impunément les princes avec de jeunes chevaliers qu’elles rejoignent à la Tour de Nesle. La troisième, Jeanne, semble fidèle à son époux mais a néanmoins couvert ses belles-sœurs.
Le scandale est énorme. En effet, si la cour est loin d’être un couvent et que l’adultère est courant à cette époque, dans ce cas-ci, les faits jettent un doute sur la paternité des enfants de Louis et de Charles ce qui met en danger la dynastie des Capétiens.
Ce doute concerne tout particulièrement Jeanne II de Navarre, fille de Marguerite et de Louis, née en 1311. Louis X la reconnaît cependant comme légitime en 1316, alors qu’il est mourant. Jeanne deviendra reine de Navarre mais sera évincée du trône de France au profit de son oncle, Philippe.
Philippe-le-Bel réagit immédiatement et fait éclater le scandale au grand jour. Les amants présumés des princesses sont torturés et avouent leur liaison. Philippe et Gauthier sont condamnés à mort et suppliciés avec une grande cruauté sur la place publique, à Pontoise. Les chroniques de l’époque rapportent que les amants de Blanche et de Marguerite ont été écorchés vifs et émasculés avant d’être décapités. Leurs corps attachés à un gibet sont restés pendant plusieurs semaines à la vue de tous, pourrissant lentement sur place.
Le procès des belles-filles du roi s’ouvre devant le Parlement de Paris. Marguerite et Blanche sont reconnues coupables d’adultère tandis que Jeanne âprement défendue par son époux Philippe et par sa mère Mahaut d’Artois est acquittée et retrouve la liberté.
Château-Gaillard
Blanche et Marguerite de Bourgogne sont tondues et envoyées à Château-Gaillard, ancien fief de Richard Coeur-de-Lion, en Normandie.
Étrange destin que celui de ces jeunes femmes, épouses des princes de France et qui vivent dorénavant recluses.
Philippe-le-Bel décède le 29 novembre 1314 et son fils Louis lui succède sur le trône de France. Marguerite devient par conséquent reine de France. Elle reste cependant prisonnière et meurt quelques mois plus tard, le 30 avril 1315. Ce décès qui arrange bien son époux reste mystérieux même si, officiellement, la jeune femme est morte de tuberculose. Certains pensent cependant qu’elle a été assassinée ou qu’elle est morte des suites des conditions pénibles de sa détention, son cachot étant ouvert à tous vents. Ce qui est certain c’est que Louis X s’était déjà choisi une nouvelle femme, Clémence de Hongrie, qu’il épouse le 19 août de la même année.
Le sort de Blanche de Bourgogne est moins dramatique que celui de sa belle-sœur Déjà mère d’un fils, Philippe de France, né en janvier 1314, soit quelques mois avant que n’éclate le scandale,la jeune femme accouche en 1315 d’une petite fille prénommée Jeanne.
Si son époux, Charles, ne remet pas en cause la légitimité de Philippe, celle de Jeanne reste nébuleuse. Elle aurait été conçue en prison mais qui est le père de cet enfant ? Certains avancent la théorie que Charles aurait rendu visite à sa femme durant sa détention. Il est cependant plus vraisemblable d’attribuer cette paternité au geôlier de Château-Gaillard.
En janvier 1322, Blanche devient à son tour reine de France, ses beaux-frères Louis X et Philippe V étant décédés sans héritier mâle. Charles qui est toujours son époux monte sur le trône et est sacré en février. Il refuse cependant de pardonner à son épouse et demande l’annulation de son mariage sous prétexte que Mahaut d’Artois, mère de Blanche, est également sa marraine.
Le petit Philippe, fils légitime de Blanche et de Charles décède en mars de la même année. Blanche qui s’est résignée à vivre en recluse accepte l’annulation prononcée par le pape.
Charles épouse en secondes noces Marie de Luxembourg tandis que Blanche est autorisée à quitter Château-Gaillard pour terminer ses jours à l’abbaye de Maubuisson où elle meurt en avril 1326.
Les Templiers
Toute cette histoire se déroule en marge des persécutions et procès des Templiers. En effet, le dernier grand maître de l’ordre du Temple, Jacques de Molay, et le commandeur Geoffroy de Charnay sont arrêtés pour hérésie en 1307 sur ordre du roi.
Des dizaines de templiers sont emprisonnés et présentés devant les tribunaux de l’Inquisition établis un peu partout en France.
Alors que le pape Clément V s’oppose dans un premier temps à cette opération, il change d’avis lorsque la plupart des chevaliers reconnaissent des faits d’obscénités et de reniement du Christ … des aveux arrachés sous la torture et sur base de faux témoignages. En réalité, le pape préfère se ranger aux côtés du roi de France même si pour cela il faut sacrifier les templiers.
Finalement, le procès de Jacques de Molay et de trois de ses compagnons s’ouvre en décembre 1313. En mars de l’année suivante Molay et Charnay sont condamnés et brûlés vifs sur l’Île aux Juifs.
Alors qu’il va être attaché sur le bûcher, Jacques de Molay aurait proclamé :
Dieu sait qui a tort et a péché, le malheur s’abattra bientôt sur ceux qui nous condamnent à mort.
Cette phrase mais également les événements tragiques qui vont se succéder dans l’entourage du roi vont donner naissance à la légende de la malédiction lancée par le grand maître du Temple.
La succession de Philippe IV
En effet, Philippe IV miné par l’affaire de la Tour de Nesle et par les troubles qui agitent son royaume décède peu de temps après l’exécution des Templiers. Ses trois fils lui succèdent l’un après l’autre mais meurent tous prématurément, Louis d’une pneumonie en 1316, Philippe de dysenterie en 1321 et Charles également de maladie en 1328.
Aucun d’entre eux n’a d’héritier mâle légitime ce qui pose la question cruciale de savoir qui va régner sur la France.
Isabelle réclame le trône pour son fils Édouard III qui deviendrait alors à la fois roi de France et roi d’Angleterre… On peut d’ailleurs se demander si Isabelle n’avait pas déjà ce projet en tête en accusant ses belles-sœurs d’adultère ! D’autant plus, qu’elle ne se gêne pas pour paraître en public au bras de son amant Roger Mortimer… l’auteur même du coup d’État contre son époux Édouard II contraint d’abdiquer en faveur de son fils.
En principe le raisonnement d’Isabelle est bon puisque si les femmes ne peuvent pas régner, elles peuvent néanmoins transmettre la couronne en héritage à leurs fils. Mais alors … ses nièces ont le même droit. Or, Jeanne de Bourgogne a un fils avec Eudes de Bourgogne qui pourrait lui aussi être prétendant au trône. Sans compter que Jeanne de France, soupçonnée de bâtardise pourrait dès lors transmettre également le droit à la couronne puisqu’elle est la fille du fils aîné de Philippe IV. Pour éviter ce risque, mieux vaut purement et simplement écarter les femmes de la succession.
Deux candidats restent en lice, les comtes Philippe de Valois et Philippe d’Évreux, tous deux neveux de Philippe IV.
Or Philippe d’Évreux a épousé Jeanne de France en 1318. Les époux ayant seulement 7 et 12 ans, une dispense papale a été nécessaire pour autoriser ce mariage.
Philippe et Jeanne reçoivent le royaume de Navarre sur promesse de renoncer au trône de France ce qui permet finalement à Philippe de Valois de devenir roi de France, le 1er avril 1328.
Ce sacre met un terme à la dynastie des Capétiens et permet à la maison de Valois de prendre le pouvoir qu’elle va garder jusqu’en 1589.
Il est également à l’origine de tensions entre l’Angleterre et la France qui vont mener à la Guerre de Cent Ans.
La fin d’une dynastie
Cet enchaînement de drames et le changement de dynastie totalement inattendu plongent la France dans la stupeur. Rien ne peut les expliquer si ce n’est une malédiction d’abord attribuée au pape Boniface, grand ennemi de Philippe IV.
Ce n’est que bien plus tard, vers la fin du 15ème siècle voire au 16ème siècle que Jacques de Molay est désigné comme l’auteur d’une malédiction prononcée sur le bûcher à l’encontre du pape, de Guillaume de Nogaret, du roi de France et de ses descendants.
Rappelons-nous la scène d’anthologie de la série « Les Rois Maudits » une œuvre de Maurice Druon portée à la télévision en 1972.
On peut y voir le grand maître du Temple s’exclamer :
Pape Clément, Chevalier Guillaume, Roi Philippe …. avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits, maudits, maudits, tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races.
Rappelons quand même que Guillaume de Nogaret est décédé en avril 1313, soit plusieurs mois avant l’exécution de Jacques de Molay !
La visite
Le théâtre principal du scandale qui a fait trembler le trône de France est bien entendu la Tour de Nesle, une propriété achetée par Philippe IV en 1308.
Ce bâtiment fait en réalité partie de l’enceinte Philippe-Auguste, fortification de Paris construite au 12ème siècle pour défendre la ville contre d’éventuelles attaques anglaises.
Au total, ce réseau comprend 77 tours semi-cylindriques à trois étages jalonnant la muraille. Quatre de ces tours (Tour du Coin, Tour de Nesle, Tour Barbeau et Tournelle) plus imposantes sont situées le long de la Seine afin de contrôler la navigation. A cette époque, des chaînes peuvent être tirées d’une tour à l’autre afin de bloquer l’accès de la ville par voie fluviale.
La Tour de Nesle est construite face à la Tour du Coin, sur la rive gauche du fleuve. A l’origine, elle porte le nom de Tour Philippe Hamelin (nom du prévôt de Paris). Surmontée d’une terrasse, elle offre un excellent poste d’observation aux sentinelles chargées de surveiller le fleuve.
En 1308, Philippe-le-Bel achète la tour rebaptisée Tour de Nesle (ou Hôtel de Nesle) d’après le nom du prévôt de l’Isle (Île-de-France). C’est en ce lieu que se rencontrent les belles-filles du roi et leurs amants. En 1319, alors que les protagonistes de l’affaire sont morts ou cloîtrés, Jeanne II de Bourgogne la reçoit en cadeau de la part de son époux, Philippe V.
L’hôtel de Nesle a maintes fois changé de propriétaires et a été notamment la résidence du roi Jean II dit Le Bon, du Duc de Berry qui y fait construire la Grande Galerie, d’Isabeau de Bavière, du duc François 1er de Bretagne et du Duc de Bourgogne Charles-le-Téméraire.
Au 16ème siècle, la tour est délaissée et utilisée probablement par les pêcheurs ou les lingères. Elle est finalement démontée en 1663 pour laisser la place à la Bibliothèque Mazarine et au collège des Quatre-Nations qui a été depuis transformé en siège de l’Institut de France (quai de Conti).
Il ne reste aujourd’hui qu’une plaque commémorative apposée sur la façade du Palais de L’Institut pour rappeler l’emplacement de la Tour de Nesle qui fut le théâtre des ébats de jeunes princesses volages et inconscientes.
L’affaire de la Tour de Nesle a inspiré de nombreux artistes et écrivains dont le poète François Villon qui écrit dans sa « Ballade des dames du temps jadis » :
Ou est la très sage Hellois
Pour qui chastré fut et puis moyne
Pierre Esbaillard a Saint Denis ?
Pour son amour ot ceste essoyne.
Semblablement, ou est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust geté en ung sac en Saine ?
Mais ou sont les neiges d’antan ?
La royne Blanche comme lis
Qui chantoit a voix de seraine, (…)
Elle est également à l’origine de la pièce en cinq actes d’Alexandre Dumas et Frédéric Gaillardet intitulée « La Tour de Nesle ».Elle raconte l’histoire de Marguerite de Bourgogne mais prend de grandes libertés par rapport à la réalité des faits.